Attendu que j’ai des lecteurs, vignerons ou non, mélomanes, ce premier dimanche de 2021 est consacré à la bande-son du film d’Alain Resnais Hiroshima mon amour.
Le film à Cannes
Festival de Cannes 1959 : Jean-Pierre Léaud, Jean Cocteau et François Truffaut
En 1959, le ministre de la Culture, André Malraux, sélectionne le film pour le Festival de Cannes. La délégation américaine exige son retrait de la compétition. Car, à ses yeux, cette rencontre d'une jeune actrice française et d'un architecte japonais à Hiroshima, toujours traumatisée quinze ans après sa destruction par une bombe atomique, constitue une attaque frontale.
Le chef de l'État n'y est pas plus favorable, soucieux de ne pas faire de vagues alors qu'il vient de faire réaliser les premiers essais nucléaires. Et il faudra toute la force de persuasion d'un Malraux pour que cet appel à la réconciliation des peuples soit finalement projeté à Cannes, mais hors compétition, à l'extérieur du Palais, et à un horaire inhabituel.
« C’est de la merde. »
Voilà l’avis du président du jury du festival de Cannes 1959 à propos de Hiroshima mon amour, premier long métrage du réalisateur français Alain Resnais. Il s’agit de Marcel Achard, auteur dramatique en vue à l’époque, mais qui peut citer une de ses pièces, aujourd’hui ? Il n’a pas passé la barrière du XXIe siècle.
Face à lui, Claude Chabrol, qui n'est pas du genre à se laisser impressionner, affirme : « Ce film est le plus beau que j'aie vu depuis cinq cents ans. »
Un bail.
Les années ont passé, on ne s'écharpe plus guère à propos de cinéma, mais on sait aujourd'hui que ce film d'amour franco-japonais écrit par Marguerite Duras, mis en scène par Alain Resnais, interprété par Emmanuelle Riva, a compté pour les futurs cinéastes peut-être plus qu'aucun autre. C'est ce que Brian De Palma déclarait récemment, confiant s'être souvent inspiré des multiples "inventions" de Resnais.
« On raconte souvent qu’un amour chasse l’autre. Or ici, dans des circonstances exceptionnelles, l’amour se nourrit d’un nouvel amour. Ainsi la jeune femme retrouve, après quatorze ans, la sensation de son premier amour et identifie le Japonais a l’homme qu’elle a aimé. »
Alain Resnais, Le Monde, 10/11 mai 1959
« Après plusieurs courts métrages, notamment sur l'Art et sur l'holocauste, Alain Resnais réalise son premier long métrage en 1958, sur un scénario de Marguerite Duras. Le producteur Anatole Dauman put donc permettre au cinéaste de mettre totalement en oeuvre son attachement pour la mémoire et l'imagination, l'amour et la souffrance, l'oubli.
Le compositeur de la musique de ce film est un italien, Giovanni Fusco, qui signa entres autres les musiques de Chronique d'un amour (1950), Le Cri (57), L'Avventura (60), L'Eclipse (62), Le Désert rouge (64), tous quatre de M.Antonioni. Cependant Georges Delerue collabora aussi au film (musique du Juke-box), et tous deux travaillèrent une seconde fois ensemble sur un autre film de Resnais, La Guerre est finie (1966).
C'est la première composition de Delerue pour un long métrage. Il introduit déjà sa notion du tendre et fait preuve d'une grande richesse mélodique - suivra la longue collaboration avec Truffaut. Fusco, quant à lui, a su introduire au cinéma des sonorités expérimentales de la musique contemporaine (c'est l'époque de Messiaen, Dutilleux, Boulez...).
La musique et plus généralement la bande-son, ont chez Resnais une fonction complètement dépendance de la caméra, et de l'esthétique de l'image en général. Elles n'ont en effet pas une fonction de remplissage ou de divertissement. "L'utilisation de la musique au cinéma est une chose qui m'intéresse depuis trente ans. J'ai toujours fait attention - dans mes courts métrages aussi bien que dans les longs - à l'organisation de la musique et à ce qu'on pouvait en tirer", déclare Resnais en 1984. Nous allons étudier en quoi la musique et les dialogues prolongent les impressions visuelles, par le biais de leurs récurrences.
La suite ICI
Puisque, pour la première fois, le ministre chargé du Cinéma se trouve être l'un des vôtres, qu'il lui soit permis de vous remercier d'abord selon les devoirs du ministre et de vous parler ensuite selon les plaisirs du complice.
Je remercie tous ceux qui ont contribué au succès de ce Festival, en particulier ses organisateurs et les membres des délégations étrangères.
On ne saurait trop insister sur son action, car du Japon aux Etats-Unis, comme naguère en Italie, et peut-être cette année en France, il a révélé des tendances qui, sans lui, n'auraient sans doute été acceptées que beaucoup plus tard.
C'est à vous qu'il appartient de donner au talent son action la plus rapide, comme c'est aux Etats-Unis de lui donner maintenant son action la plus durable.
Avant la fin de l'année, la Cinémathèque française sera devenue la Comédie-Française du cinéma. Et avant trois ans dans tous nos départements, chaque Maison de la culture possédera son ciné-club.
Que chaque festival continue à défendre le cinéma en tant qu'art, en tant que création. Ce sont des choix comme les vôtres qui légitiment l'aide des Etats, dont la justification est de rendre plus faciles les conquêtes de votre liberté.
L'importance du cinéma, c'est qu'il est le premier art mondial. La puissance de l'image est victorieuse des différences de langue. Et au service du Russe Tolstoï, une actrice suédoise dirigée par un metteur en scène américain, bouleverse l'Occident, l'Inde ou le Japon.
Que la puissance convaincante des images ne nous trompe pas. Elle ne tient nullement, vous le savez tous, à ce que le cinéma imite la réalité, mais à ce qu'il est le plus puissant interprète du monde irréel; de ce qui, depuis toujours, paraît ressembler au réel, mais à quoi le réel ne ressemble pas.
Ça été le monde du roman et plus encore celui de la peinture. Mais si le roman s'affaiblit d'année en année, si la peinture, figurative ou non, a renoncé à la fiction, c'est peut-être d'abord parce qu'aucune fiction n'est rivale de celle du cinéma.
Ce que le cinéma nous révèle chaque année davantage, c'est que les hommes, malgré tout ce qui les sépare, malgré les plus graves conflits, communient dans quelques rêves fondamentaux.
Par ce que le cinéma exprime, et aussi par ce qu'il n'exprime pas. Je m'explique : lorsque j'étais des vôtres… (Ici, le projet pour la fin d'Anna Karénine).
Et ce ciel-là se trouve dans tout film de talent, même dans ceux où on ne voit jamais.