[Alessandra Tarantino / POOL / AFP]
Même s’il s’est planté au concours de la rue d’Ulm, notre président se pique de posséder un lourd bagage littéraire ; comme chacun le sait, ou non, lorsqu’il veut il exige.
Voilà l’histoire contée par Corinne Lahaïk dans Le Président cambrioleur, au chapitre : Caprice de Dieu.
La villa Bonaparte abrite à Rome l’ambassade de France auprès du Saint-Siège.
L’ambassadeur en poste, Philippe Zeller, partira à la retraite sitôt la visite du Président de la République, il est dans ses petits souliers.
« À quatre jours de la visite, il reçoit un appel de Philippe Étienne, conseiller diplomatique de Macron. Le Président voudrait que l’on offre (au Pape) Le Journal d’un curé de campagne de Georges Bernanos… »
Cerise sur le gâteau « il exige une édition originale, en italien. »
« Le ciel tombe sur la villa Bonaparte. Il est 22 heures, et Zeller convoque son conseiller culturel, Olivier Jacquot. La mission impossible est pour lui. »
Rien dans les caves de la villa Bonaparte, en dépit de l’heure tardive le conseiller culturel réveille un bouquiniste. Qui le prend pour un fou. Il apprend au conseiller que l’édition originale en Italie date de 1946 (la française date de 1936) et lui indique deux lieux où l’objet rare peut se nicher : l’un à Pérouse, l’autre en Campanie.
Le lendemain le conseiller prend le train pour la capitale de l’Ombrie. Chou blanc !
L’ambassadeur aux abois tente de faire changer le choix, il se voit répondre sèchement « Je crois que tu n’as pas compris »
Olivier Jacquot fonce dans une ville fellinienne Mandragone, prends un taxi pour rejoindre une banlieue « où le Christ a oublié de s’arrêter ». Un terrain vague planté de quelques baraquements.
Il est reçu par un type en marcel qui a interrompu son repas, gueule, demande à l’intrus ce qu’il veut. Il fait taire son chien, termine sa bectance, se rend dans l’une des baraques de chantier où se trouve un ordinateur qu’il consulte. Après quelques recherches, il disparaît et revient, avec en main Le Journal d’un curé de campagne, édition originale, 1946.
Le budget alloué par l’Élysée est de 1500 euros.
Olivier Jacquot : « C’est combien ? »
- 3,50 euros.
Jacquot sort un billet de 50 euros. L’homme au marcel se fâche « Non c’est 3,50 euros, vous m’avez assez emmerdé ». Jacquot lui file 5 euros. Il reçoit la monnaie et un reçu.
Le lieu est un dépôt de vieux bouquins et papiers en tout genre, une mine pour collectionneur.
Le livre est confié à un relieur pour remise en état.
Mission Macron accomplie.
par Gérard Leclerc
jeudi 28 juin 2018
Dans l’échange traditionnel des cadeaux propre à toute visite d’un chef d’État, Emmanuel Macron a choisi d’offrir au Pape une édition en italien de 1949 du Journal d’un curé de campagne. Initiative judicieuse qu’a dû apprécier François. Au fait, connaît-il aussi bien Bernanos qu’il semble connaître notre autre compatriote Léon Bloy ? C’est possible, et au demeurant les deux écrivains sont extrêmement proches par la foi, mais aussi une sensibilité exacerbée. Et si la grâce est là dans leurs livres, c’est pour tendre la main le plus souvent à une humanité en perdition. Il n’y a rien qui ressemble chez eux à l’optimisme historique d’un Pierre Teilhard de Chardin, quoi qu’à propos de ce dernier, le père de Lubac a bien montré que son optimisme était aussi de nature tragique. Il ne faut pas oublier que Teilhard avait été, comme Bernanos, combattant de la Première Guerre mondiale et qu’il fut marqué à jamais par l’expérience de Verdun.
Emmanuel Macron lui-même a-t-il lu Bernanos ? Si oui, que pense-t-il de son surnaturalisme intégral ? Pense-t-il aussi qu’il y a une transposition possible d’une pensée qui s’exprime dans le climat des années trente ?
L’Ambassade de France auprès du Saint-Siège installée depuis le 15 décembre 1950 à la villa Bonaparte, près de la « Porta Pia ».
Pour la petite histoire elle fut construite en 1750 pour le cardinal Silvio Valenti Gonzaga, secrétaire d'État du pape Benoît XIV. Le cardinal transforma en jardins des vergers et fit élever au centre le pavillon dont la décoration et l'ameublement devinrent vite célèbres : la collection de papiers chinois, la table mécanique de la salle à manger et les plantes exotiques du jardin constituaient autant de curiosités dans la Rome du XVIIIe siècle.
Après la chute de l'Empire, une partie de la famille Bonaparte, Madame mère (Laetitia), le cardinal Fesch, oncle de Napoléon, certains de ses frères s'installèrent sous la protection du pape Pie VII (le prisonnier de Fontainebleau qui avait sacré Napoléon). La sœur de Napoléon, Pauline, princesse Borghèse, qui avait suivi l'Empereur déchu à l'Île d'Elbe, les rejoignit en 1815 et fit l’acquisition de la villa Valenti.
À la mort de Pauline en 1825, la villa passa à ses neveux et à leurs descendants jusqu'en 1906 date à laquelle elle fut vendue... au gouvernement prussien qui y installa sa légation près le Saint-Siège en 1908, ambassade d'Allemagne entre 1920 et 1944. En 1945, les biens du Reich étant confisqués par les Alliés, la France en fit l'acquisition pour y installer sa représentation près le Saint-Siège.