Ceci n’est pas une bibliothèque de notices nécrologiques.
En effet, on meurt même la veille de Noël à 98 ans.
Mort d’Ivry Gitlis, le violoniste aux semelles de vent. ICI
Beau titre de la notice du Monde
Longtemps Ivry Gitlis aura été considéré comme l’une des réincarnations possibles de Paganini. Il en possédait le charisme intense, le jeu extraverti et la virtuosité diabolique : le grand violoniste israélien, qui professait qu’« une belle fausse note d’un grand musicien vaut mille notes justes de n’importe qui », est mort ce 24 décembre à Paris, à l’âge de 98 ans.
Son jeu, passionné et fougueux, d’une vitalité vagabonde, ouvrait sur des paysages aux teintes âpres, parfois torturées.
Le jour de son premier violon. Jour béni d’avant le commencement des tyrannies. « Le violon et moi, c’est une histoire d’amour que j’ai ressentie comme un despotisme dès que les autres s’en sont emparés », avouait-il sans ambages. Révolté d’emblée.
« En sortant à 13 ans du Conservatoire de Paris, j’avais appris tout ce qu’il fallait ne pas apprendre. Jusqu’à 17 ans, je me suis demandé : “Pour qui ? Pour quoi jouer ?”
Qu’en penses-tu Jean-Yves ?
Artiste atypique, en rupture avec les us du milieu classique – qu’il préfère fréquenter à la marge, nonobstant quelques affinités électives –, il participe avec Yoko Ono au Rock and Roll Circus, concert filmé des Rolling Stones, en 1968. On le voit aux côtés d’Eric Clapton et de John Lennon, mais aussi de Stéphane Grappelli, Dizzy Gillespie, Léo Ferré. Avec sa grande amie Martha Argerich, il a joué jusque dans les années 2010, notamment au festival de Lugano (Suisse), que dirigeait la grande pianiste, où il livra en juin 2006 l’une de ses dernières interprétations de la Sonate de César Franck, la crosse du violon délicatement posée sur le bord du piano de Sergio Tiempo.
Il multiplie les occasions de s’adresser aux enfants. « Depuis 1967, je vais tous les ans en Afrique pour faire de la musique avec les griots. Dans la brousse, il n’y a pas de piano, alors je joue du Bach et du Bartok », disait-il avec malice.
« Au-delà de l’émotion, je pense qu’il est important de transmettre au public un tel héritage de beauté, en ces temps de manipulation idéologique qui voient s’obscurcir les intelligences, se relever les intolérances et renaître des discours de haine que nous n’avons que trop connus »
Décès d'Ivry Gitlis, violoniste virtuose et personnalité attachante du monde classique ICI
Il sera resté jusqu'au bout une source d'inspiration pour les jeunes générations, comme pour les amis qu'il côtoyait, de Martha Argerich à Renaud Capuçon. Ces deux derniers lui avaient encore rendu visite il y a deux semaines. «Dès qu'il voyait d'autres musiciens, son regard s'illuminait, témoigne Renaud Capuçon. Et il aura continué à jouer presque jusqu'au bout! On s'est appelé ce matin avec Martha. Pour elle comme pour moi c'est un monde qui disparaît. Outre l'incandescence de son jeu, et le fait qu'il était l'un des seuls dont on pouvait reconnaître le jeu en deux notes, pas trois, il était l'un des tout derniers à avoir traversé le XXe siècle, et nous parlait encore ces derniers jours de Jascha Heifetz avec une précision sidérante.»
Le grand maître Ivry Gitlis a définitivement rangé son Stradivarius ICI
Sébastien Porte
Publié le 24/12/20
Il était généreux, flamboyant, et n’hésitait pas à casser les codes de la musique classique. Le violoniste est mort à 98 ans ce 24 décembre, après une longue carrière riche en aventures.
C’est un immense violoniste qui vient de s’éteindre ce jeudi 24 décembre. Dans la tradition des grands maîtres du XXe siècle. De la trempe d’un Menuhin, d’un Oïstrakh, d’un Enesco. Classique mais jamais conformiste, virtuose mais libre de tout académisme, Ivry Gitlis, à 98 ans, a rangé pour de bon son Stradivarius dans sa boîte, après une longue, intense et aventureuse carrière. Une carrière qui, à l’instar de sa discographie, aura été tout sauf traditionnelle. S’il fut l’invité des ensembles symphoniques les plus prestigieux de la planète, il aimait aussi partager des moments musicaux avec des partenaires aussi éclectiques que le pianiste de jazz Oscar Peterson, le trompettiste Dizzy Gillespie, le mime Marceau ou le chanteur Youssou N’Dour. On l’a vu aussi faire le bœuf avec Eric Clapton, Keith Richards, John Lennon et Yoko Ono dans The Rock and Roll Circus, projet musical des Rolling Stones filmé en 1968, ou encore donner la réplique à Michel Legrand sur Les Moulins de mon cœur.