Afin d’éviter de passer mon temps à manger et à boire, le confiné que je suis se goinfre de livres, jamais rassasié je frise l’orgie, mais, par bonheur lire n’est pas un péché sauf bien sûr des livres réprouvés par notre mère l’Église catholique romaine. Quand j’étais enfant de chœur sur les tambours de l’église Saint Jacques l’Office catholique international du cinématographe cotait les films de 1 « Convient à tous, même aux enfants non accompagnés ») à 6 (« Film essentiellement pernicieux au point de vue social, moral ou religieux »), avec des notes comme « 3 : films visibles par tous, 3B : films visibles par tous, malgré certains éléments moins indiqués pour les enfants, 4 : films pour adultes, 4 A : films pour adultes avec réserves, 4B : films à déconseiller, 5 : par discipline chrétienne, il est demandé de s’abstenir d’aller voir les films cotés 5 ».
Pour les livres j’ai découvert L’Index : les livres censurés de l’Église lorsque le frère supérieur me confisqua certains de mes livres, dont ceux de JJ Rousseau ICI
Ce rappel étant fait, au catéchisme il me fut enseigné la gradation des péchés de véniels à mortels et, bien sûr, l’existence du purgatoire et de l’enfer, et sans doute aussi le fameux péché originel.
Lui, je l’avais complètement oublié, normal puisque je l’avais attrapé, si puis m’exprimer ainsi, dès ma sortie du ventre de ma mère.
C’est Luc Bronner dans Chaudun, la montagne blessée, qui rafraîchi ma mémoire aux pages 85-86 : il s’agit du baptême de Félicie Marin par Pierre Roussel, le curé de Chaudun qui a tenu longtemps dans l’histoire de la paroisse : 13 longues années.
C’est lui qui a baptisé Félicie, en décembre 1860, moins de vingt-quatre heures après sa naissance. Une cérémonie simple, c’est tout le génie du catholicisme d’avoir inventé un rituel aussi puissant et symbolique, qui peut se jouer avec rien, ou presque, mais d’avoir aussi instauré l’urgence : tout enfant non baptisé était considéré en état de péché originel et donc susceptible, s’il devait mourir, de demeurer éternellement dans les limbes, sans vie propre, ni possibilité de rédemption. Il ne fallait pas attendre pour le baptême, le risque de mortalité était trop élevé. Les esprits piquants disaient qu’au pire le religieux touchait aussi deux fois son casuel, versé par la famille : une fois pour le baptême, une fois pour l’enterrement. Dans tous les cas, les cloches étaient sonnées – plus longuement pour les garçons que pour les filles, et c’est ainsi que l’inégalité entre les sexes s’exprimait symboliquement dès les premières heures de vie.
Le terme de péché originel a été créé par saint Augustin, probablement en 397, pour désigner l'état de péché dans lequel se trouve tout homme du fait de son origine à partir d'une race pécheresse ; et, ultérieurement, il a été étendu au péché d'Adam, premier père de l'humanité.
Saint Augustin, par Vittore Carpaccio, 1502. Wikipedia
Comment saint Augustin inventa le péché originel ICI
En quoi l’érection spontanée d’un adolescent a-t-elle pu changer notre vision de la sexualité ? Au IVe siècle, saint Augustin invente le péché originel et fait pleuvoir sur l’humanité une honte héritée d’Adam et Eve.
Pour le Schopenhauer du Monde comme volonté et représentation, par exemple, c’est une évidence : « En définitive, la doctrine du péché originel (affirmation de la volonté) et de la rédemption (négation de la volonté) est la vérité capitale qui forme, pour ainsi dire, le noyau du christianisme ; tout le reste n’est le plus souvent que figure, enveloppe ou hors-d’œuvre »
Plus près de nous, le pessimiste Cioran, comme Schopenhauer, désigne le péché originel comme l’élément essentiel du christianisme.
L’éminent ecclésiastique se gaussait du péché originel. « Ce péché est votre gagne-pain. Sans lui, vous mourriez de faim, car votre ministère n’aurait plus aucun sens. Si l’homme n’est pas déchu dès l’origine, pourquoi le Christ est-il venu ? Pour racheter qui et quoi ? » À mes objections, il n’eut, pour toute réponse, qu’un sourire condescendant. Une religion est finie quand seuls ses adversaires s’efforcent d’en préserver l’intégrité
Pourquoi les enfants sont-ils touchés par le péché originel ? ICI
A l'approche de l'accouchement, je me pose la question du péché originel. Pourquoi mon enfant serait-il "entaché" ?", écrit une lectrice. La réponse de la rédaction de Croire.com.