C’est du foot, pas sur Canal+, mais au ciné.
Je l’ai visionné avant le confinement sur une chaîne du câble : Ciné+ émotion je crois.
Ça m’a bien intéressé, même si la romance du héros avec la fille de son découvreur anglais est parfois un peu mièvre, car l’histoire de ce gardien de but allemand en butte au ressentiment du petit anglais, illustre avec vérité la difficulté de la réconciliation avec nos voisins allemands du fait des atrocités commises par les nazis.
Souvenir du courroux de nos parents lorsque nous avions invités de jeunes allemands à La Mothe-Achard, nous n’avons pas cédé et leur séjour fut un tout petit pas vers la réconciliation.
J’ai découvert ensuite que The Keeper de Marcus H. Rosenmüller, avait raflé, au Dinard Film Festival, dédié aux productions britanniques, le « Hitchcock d’or » du jury, présidé par Sandrine Bonnaire, et le Prix du public.
J’adore le commentaire d’Hussam Hindi, le directeur artistique du festival :
«Je ne m’attendais pas à ce que le jury présidé par Sandrine Bonnaire prime un film d’une facture aussi classique et un biopic»
«En général, ils choisissent de récompenser la structure narrative ou l’écriture cinématographique. Là, les jurés ont opté pour leur coup de cœur»
Coup de cœur, prix du public c’est beaucoup et même Télérama applaudit :
The Keeper de Marcus H. Rosenmüller est l’histoire vraie, et méconnue de moi, est celle de Bert Trautmann, soldat dans la Wehrmacht pendant la Seconde Guerre mondiale. Fait prisonnier par les Anglais, il croupit dans un camp où il subit des mauvais traitements comme d’autres compatriotes mais où il a aussi la chance d’être remarqué pour ses exploits, comme gardien de but, par le coach d’un club local.
Plus tard, Trautmann est engagé par le club prestigieux de Manchester City. Un recrutement mal accueilli au début, car le conflit contre les Allemands est encore dans tous les esprits, particulièrement à Manchester, qui compte une communauté juive importante. Mais Trautmann force peu à peu le respect puis l’admiration, notamment lors de la finale de la Coupe d’Angleterre en 1956, où, blessé gravement, il livre une performance héroïque. (voir la chronique plus bas)
Alignant des chromos rétros, le film est archi classique (voire académique) mais le parcours tumultueux de Bert Trautmann, rongé par la culpabilité, se révèle assez poignant.
Bert Trautmann, du nazisme à Wembley
Le petit Bernhard – trop difficile à prononcer, les Anglais le surnommeront Bert – naît en 1923 dans la toute jeune république de Weimar. Fils d’un docker brêmois, vétéran de la Grande Guerre, son histoire suit celle d’un pays sur les rotules après la défaite de 1918. La déflation ne s’arrête pas, la crise de 29 touche durement sa famille …
Dès l’été 1933, quelques mois après l’accession au pouvoir du petit autrichien à moustache, il rejoint en bon aryen, les jeunesses hitlériennes. Pas forcément grand partisan du Führer « Les gens n’avaient aucune idée qu’il se préparait pour la guerre et à occuper l’Europe. Ils voulaient juste de la nourriture et des prospectives d’avenir pour leurs familles », Trautmann, comme beaucoup, tombe devant l’effort de propagande.
A l’âge de 16 ans logiquement, quand le conflit explose, Bert se porte volontaire, comme la plupart de ses amis. Alors qu’il est apprenti mécanicien – et sportif de bon niveau – il rejoint en 1941 la prestigieuse Luftwaffe, en espérant devenir pilote. Cantonné aux transmissions, il intègre finalement au bout de quelques semaines les troupes aéroportées.
Le para Trautmann voyage sur les différents fronts. La Pologne occupée tout d’abord, où, loin des champs de bataille, il s’emmerde considérablement. Il connaîtra son baptême du feu en Ukraine, où ses exploits sur le terrain et son évasion des geôles soviétiques font de lui un caporal. Direction ensuite la Somme, où il est fait prisonnier par les résistants français, qu’il parvient à berner pour revenir en Allemagne, fuyant la débâcle de ses compatriotes devant la poussée alliée.
Coincé entre les deux camps, déserteur pour l’un, ennemi pour l’autre, sa situation ne peut être plus complexe. Les américains finissent par le rattraper vers Berlin, mais une nouvelle fois, Trautmann parvient à se faire la malle … Une fuite malheureuse qui se finira par hasard dans une tranchée anglaise camouflée. Nez à nez avec les rosbeefs, c’en est fini de sa carrière militaire.
Et cette fois ci, nos étranges voisins vont mettre un verrou inviolable à sa prison. Endoctriné, ils lui font traverser la Manche pour l’envoyer dans des camps-prisons spécialisés. Il est pendant plusieurs mois brinquebalés dans tout le royaume pour finir sa course à Ashton, à côté de Manchester. En 1948, la tâche accomplie, Bert fait partie des 24 000 allemands qui ne rentreront pas chez eux, dans leur nouvelle démocratie. Comme beaucoup, il a commencé une nouvelle vie sur place, il s’est marié, et enchaîne même les boulots.
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En 1950, c’est avec appréhension qu’il prépare son premier match à Londres, contre Fulham, dans une ville encore hantée par le Blitz de 1940 « Je comprends que le peuple de Londres ne devait pas tenir un Allemand en très grande estime après ce qu’il s’était passé, mais c’était quelque chose auquel je devais faire face ».
Et quoi de mieux que de répondre à ses détracteurs par une performance inouïe à Craven Cottage ?
Bert sort le match de sa vie, et City l’emporte « Je voulais montrer aux gens que j’étais un bon gardien et un bon Allemand, et les choses sont allés dans mon sens ce jour-là. Mais que les deux équipes m’applaudissent à la fin du match, et que les fans de Fulham me fassent une standing ovation, c’est quelque chose que je n’oublierai jamais ».
Fort de sa trajectoire extraordinaire, Trautmann remportera en 1956, la FA Cup contre Birmingham City, avec un cou brisé après s’être sacrifié la tête la première dans les jambes de Peter Murphy. Manchester City mène 3 à 1, il reste 17 mn à jouer et à l’époque pas de changement possible.
« À 17 minutes de la fin, Murphy a devancé Dave Ewing mais Trautmann a plongé dans les pieds de Murphy pour gagner le ballon. Lors de la collision, le genou droit de Murphy a frappé le cou de Trautmann qui a été assommé, l'arbitre a immédiatement arrêté le jeu. L'entraîneur Laurie Barnett s'est précipité sur le terrain pour le soigner. Aucun remplaçant n'était autorisé, donc Manchester City devrait voir le match à dix si Trautmann était incapable de continuer. Le capitaine Roy Paul était convaincu que Trautmann n'était pas apte à terminer le match et souhaitait plutôt placer Roy Little dans le but. Cependant, Trautmann, étourdi et instable sur ses pieds, a insisté pour continuer. Il a joué les minutes restantes avec une grande douleur, les défenseurs de Manchester City tentant de dégager le ballon bien en amont ou dans la tribune à chaque fois qu'il s'approchait. Trautmann a été appelé à faire deux autres arrêts pour refuser arrêter des tirs de Brown et Murphy.
Aucun autre but n'a été marqué, et l'arbitre a sifflé sur le score final de 3-1 pour Manchester City. Alors que les joueurs quittaient le terrain, la foule a chanté en chœur « For he's a jolly good fellow” en hommage à la bravoure de Trautmann. Roy Paul le capitaine a dirigé son équipe vers la loge royale pour recevoir la troisième FA Cup de Manchester City.
“Trautmann's neck continued to cause him pain, and the Duke of Edinburgh commented on its crooked state as he gave Trautmann his winner's medal. Three days later, an examination revealed that Trautmann had broken a bone in his neck.
Trautmann attended the evening's post-match banquet (where Alma Cogan sang to the players) despite being unable to move his headand went to bed expecting his injury to heal with rest. As the pain did not recede, the following day he went to St George's Hospital, where he was told he merely had a crick in his neck which would go away. Three days later, he got a second opinion from a doctor at Manchester Royal Infirmary. An X-ray revealed he had dislocated five vertebrae in his neck, the second of which was cracked in two. The third vertebra had wedged against the second, preventing further damage which could have cost Trautmann his life.
in tribute to Trautmann's bravery.[54] Roy Paul led his team up the steps to the royal box to receive Manchester City's third FA Cup. Trautmann's neck continued to cause him pain, and the Duke of Edinburgh commented on its crooked state as he gave Trautmann his winner's medal.[33] Three days later, an examination revealed that Trautmann had broken a bone in his neck ors que les joueurs quittaient le terrain, la foule a chanté un chœur
Mais après tout, comme le disait Francis Lee, la star de City de l’époque, « Il a été sur le front occidental et sur le front oriental, il a vu un peu d’action et ce n’était pas un cou cassé qui allait le mettre hors d’état ».
Bien que reconnu comme un gardien de tout premier plan à son époque, il n'a jamais joué pour son pays natal. Trautmann rencontre le sélectionneur allemand Sepp Herberger en 1953, qui lui explique qu'il ne peut sélectionner un joueur qui n'est pas immédiatement disponible du fait des voyages et des implications politiques, et qu'il ne peut reconsidérer sa position que si Trautmann joue pour un club allemand. Par conséquent, le fait qu'il joue en Angleterre l'empêche de prendre part à la victoire allemande lors de la Coupe du monde de football 1954, le poste de gardien étant tenu par Anton Turek. Lors de la phase finale de cette compétition, il rejoint la sélection allemande pour occuper un rôle d'interprète.
Le gardien russe Lev Yachine, considéré lui-même comme un des meilleurs gardiens de tous les temps, déclare un jour que Trautmann et lui-même sont les « deux seuls gardiens de but de classe mondiale »
Pendant sa carrière, Trautmann est élu « footballeur de l'année de la FWA » en 1956, devenant le premier gardien de but et le premier joueur non originaire des Îles Britanniques à recevoir cette distinction