Mon amie de cœur, face à l’attitude je m’en foutiste, ramenarde, raisonneuse, voulant tout et le contraire de tout, des ceux qui agitent leur liberté en piétinant celles des autres, ces incivils propres sur eux en SUV, gros scooters, patinettes, les ce n’est pas de ma faute mais toujours celle des autres ou du système, de certains de nos concitoyens croisés par elle dans son travail au contact du public, me posait la question « N’as-tu pas honte d’être Français ? » Après avoir tourné 7 fois ma langue dans ma bouche avant de lui répondre, je lui répondis non car j’en suis un par la naissance, je ne peux m’en exonérer, mais pour autant je me suis toujours senti plus citoyen du monde qu’accroché par des racines à mon terroir. Ce qui ne signifie pas que je n’aime pas mon pays, je l’ai servi au mieux, sans esprit cocardier, en détestant les va-t’en-guerre qui ont envoyé mon grand-père, mon père, mon frère à la guerre, le patriotisme dévoyé, les si tu n’es pas avec moi tu es contre moi, les chanteurs des lendemains qui chantent, ceux qui réécrivent l’histoire, bref j’aime la France, mais de moins en moins, l’arrogance et la suffisance de beaucoup de mes concitoyens et, plus j’avance en âge, plus je souhaite prendre du retrait, vivre sobrement et simplement loin du bruit et de la fureur, un peu Amish...
Ceci avoué, je reste pourtant encore au contact grâce à mon espace de liberté et, c’est toujours avec un plaisir renouvelé que j’y accueille les réflexions de mon ami Jean-François Collin.
Ses propos qui, de son propre aveu, sont assez longs, je les ai donc scindés en 2 chroniques ?
En 2010, Stéphane Hessel nous appelait à nous indigner avec un petit manifeste qui connut un immense succès, l’indignation étant pour lui le premier pas vers la résistance. Son expérience lui avait enseigné que la résistance pouvait produire un programme politique, celui du Conseil national de la résistance, aussi peu lu aujourd’hui qu’il est fréquemment invoqué.
Hélas, ne nous reste que l‘indignation. Nous sommes tous indignés pour raisons diverses et parfois contradictoires, mais nos indignations multiples ne font ni un projet ni un programme permettant de nous rassembler vers des buts communs. Elles nous étouffent.
Bousculés par ce flux continue de violence, de réformes, de décisions que nous ne comprenons pas mais qui changent nos vies, nous réagissons avec nos tripes plus qu’avec notre cerveau et cette succession d’emportements sans direction ferme nous laisse soit hagards et désorientés, soit vindicatifs et enfermés dans ce qui nous reste de certitude, tant le sol se dérobe sous nos pas.
J’écris « nous » en pensant que vous, que mon voisin, que beaucoup de mes amis, beaucoup de ceux que je ne connais pas, la plupart d’entre nous, partagent ce sentiment d’hébétude, que ce qui travaille notre société est violent, nous bouscule, ne nous laisse pas en paix et nous désoriente.
Mais c’est de mon propre désarroi au cours des toutes dernières semaines face à une série d’évènements, dont il est question dans les lignes qui suivent. Je fais l’hypothèse de n’être pas le seul à l’éprouver et je fais part de ma tentative d’y apporter un remède par une compréhension rationnelle de ce qui se passe, voire de proposer quelques idées pour le surmonter.
Crise sanitaire et restriction de nos libertés
Depuis le mois de mars, nous avons perdu le contrôle de nos vies, désormais réglées par les autorités politiques et administratives, au gré de l’évolution de l’épidémie provoquée par le COVID-19 qui a provoqué la mort d’un peu plus de 30 000 personnes en France, où meurent chaque année environ 600 000 d’entre nous. Nous avons découvert que notre système sanitaire était bien mal en point, incapable de faire face à l’épidémie en raison de la politique conduite depuis des années. Et si nous sommes finalement peu nombreux à avoir perdu la vie à cause de ce virus, pour le moment, nous avons tous perdu une grande partie de nos libertés et nous acceptons sans trop broncher, des interdictions qui nous auraient parues inimaginables il y a un an.
Jusqu’à quel point notre capacité à vivre libres en sera-t-elle affectée ? Nul ne peut le dire aujourd’hui.
Mercredi 14 octobre, le président de la république nous a annoncé qu’à compter du 17 octobre, nous allions vivre sous un régime de couvre-feu, pour une période de quatre à six semaines. Ce terme ancien est lié à des épisodes toujours dramatiques de l’histoire: guerres civiles ou étrangères, coups d’Etat, etc. Par une fâcheuse coïncidence, c’est en manifestant à Paris un 17 octobre, en 1961, contre un couvre-feu imposé aux seuls Nord-Africains que des dizaines d’Algériens furent assassinés en une nuit, en plein Paris, victimes d’une sanglante répression organisée par le préfet de police Maurice Papon, sous l’autorité du Premier ministre Michel Debré et du Président de la République Charles De Gaulle.
Pas plus qu’au printemps dernier les hôpitaux français ne sont préparés à accueillir des milliers de patients nécessitant des soins en réanimation. Le recrutement annoncé de personnels soignant dans les hôpitaux est souvent resté virtuel, si l’on en croit ceux qui y travaillent. Dans certaines régions, il y a moins de lits d’urgence aujourd’hui qu’il n’y en avait au mois de mars dernier. La campagne de tests, mal organisée, ne permet pas de détecter à temps les personnes susceptibles d’en contaminer d’autres. Les plus scrupuleux restent chez eux en attendant les résultats, ceux qui ne peuvent pas se le permettre ou qui prennent cette maladie moins au sérieux continuent à vaquer à leurs occupations. Les mêmes causes produisent les mêmes effets.
La gestion de la pandémie par le gouvernement aura été tellement chaotique depuis le mois de mars, ponctuée de déclarations contradictoires et de mensonges (chacun se souvient de l’organisation des élections municipales à la veille du confinement, ou des discours hallucinants de la porte-parole du gouvernement sur la dangerosité du port du masque) que la confiance est ruinée et que toutes les décisions, même bonnes, sont contestées. On accusait hier le gouvernement d’impéritie parce qui n’était pas capable de fournir des masques aux médecins, aux infirmiers et à tous ceux qui devaient se rendre quotidiennement au travail. On dénonce aujourd’hui l’obligation de porter le masque partout comme une atteinte aux libertés et un élément de délitement social.
Nous avons appris début octobre que la Direction Générale de la Santé avait confié à l’entreprise américaine Microsoft, de gré à gré, sans mise en concurrence avec d’autres éventuels fournisseurs, la gestion d’une vaste plate-forme destinée à recueillir toutes les données de santé des Français pour en permettre un traitement de masse (« Health Data Hub » comme on dit en bon français). Nos autorités n’y ont rien trouvé à redire, malgré les discours solennels sur la relocalisation des activités, en particulier lorsqu’elles concernent des domaines stratégiques. Les informations sur la santé des Français pouvant être exploitées par les groupes pharmaceutiques nord-américains ne font sans doute pas partie de cette catégorie.
Il s’est trouvé, cependant, un certain nombre d’entreprises françaises pour protester, car elles auraient souhaité prendre en charge cette activité, et la commission nationale informatique et libertés (CNIL) a demandé qu’il soit mis fin à ce contrat et que le versement de ces informations sur une plate-forme gérée à l’étranger soit interrompu. Le conseil d’État n’a, hélas, pas suivi cet avis et la mise en œuvre de ce contrat se poursuit, quelle que soit notre indignation, bien justifiée en l’occurrence.
Le terrorisme islamiste, encore !
Nous n’avions pas eu le temps de formuler la moitié des invectives dont nous débordions contre le couvre-feu qui ne nous laisse comme liberté que celle de nous entasser dans les métros et les RER pour aller travailler, que déjà notre capacité d’indignation était mobilisée par un crime atroce : l’assassinat de Samuel Paty, le vendredi 16 octobre, à Conflans-Sainte-Honorine, par un jeune russe d’origine tchétchène âgée de 18 ans auquel le droit d’asile avait été accordé suite à une décision de la cour d’appel du droit d’asile.
La décapitation d’un professeur d’histoire – géographie pour avoir fait un cours sur la liberté d’expression en utilisant les caricatures de Charlie Hebdo, celles-là mêmes au nom desquelles des islamistes avaient massacré la rédaction du journal en 2015, suscite l’horreur, la colère, l’envie d’en découdre et d’en finir une fois pour toutes avec ces actes répétés de barbarie dirigés contre la République et ses principes.
La décapitation de Samuel Paty a été précédée le 25 septembre, rue Nicolas Appert, devant l’ancienne adresse de Charlie hebdo, de l’attaque avec un hachoir de boucher de deux salariés d’une société de production qui par malheur fumaient une cigarette dans la rue à ce moment-là. L’attentat a été perpétré par Zaheer Hassan Mahmoud, d’origine pakistanaise bénéficiant du statut de mineur isolé étranger après avoir menti sur son âge qui était de 25 ans non de 18 ans. Il est venu tuer des membres de la rédaction de Charlie hebdo dont il ignorait qu’elle avait déménagé (il est décidément dur d’être aimé par des cons !), parce qu’il n’avait pas supporté la réédition des caricatures de Mahomet à l’occasion du procès en cours d’une partie des responsables du massacre de la rédaction de l’hebdomadaire le 7 janvier 2015.
Le pays a été saisi d’horreur par cet assassinat d’un professeur, commis en plein jour, à proximité du collège où il enseignait. On peut supposer qu’à l’horreur se mêle la crainte, car si ce type d’assassinat est possible à Conflans-Sainte-Honorine, ne sommes-nous pas tous menacés par les barbares ?
Notre réaction spontanée est de vouloir répondre aux barbares par les moyens de la barbarie ; c’est en tout cas la mienne. Puisqu’ils profitent de la démocratie et de la protection que nous leur offrons contre une menace pesant sur eux dans leur pays d’origine, pour nous assassiner, cessons de leur assurer cette protection, instaurons à leur endroit un droit d’exception qui ne leur permettra plus d’utiliser les moyens de la démocratie pour l’assassiner.
Les appels à frapper fort viennent de tous côtés : il faut cesser d’être naïf ! Cesser de reculer !
Ne pas se coucher ! Faire respecter nos principes et nos valeurs !
Mais les mêmes mots ont été prononcés à chaque fois avec plus ou moins de nuances.
S’il était facile d’expulser toutes les personnes inscrites au « fichier S » il y a longtemps que ce serait fait. Mais voilà, beaucoup d’entre elles sont de nationalité française et ne peuvent pas être expulsées, sauf peut-être sur la planète mars. Quant aux étrangers, ils ne peuvent être expulsés que si un pays d’accueil les accepte sur son territoire.
Nous n’avons cessé d’adopter de nouvelles lois visant à limiter l’immigration et agir avec plus d’efficacité contre le terrorisme, sans résultats. Il y a des limites aux atteintes que nous pouvons porter aux principes fondamentaux de notre droit et les atteintes aux libertés des uns restent rarement sans effets sur le reste de la population.
En 2015, après le massacre du Bataclan, François Hollande, certainement réellement bouleversé par cette atrocité et désireux de réagir avec force, proposa d’étendre les possibilités de déchoir de la nationalité française des individus fraîchement naturalisés coupables d’actes terroristes. Il pensait avoir le soutien de tous, ce qui était sans doute le cas au lendemain du massacre. Mais très vite la France se divisa. La gauche en particulier, dont une partie et j’étais de ceux-là, y voyait une nouvelle trahison. Certains décideront à ce moment que ce Président-là n’aurait plus jamais leur suffrage s’il venait à se représenter et ce moment fut le début de la fin pour la coalition au pouvoir. Aurions-nous tous la même position aujourd’hui si le débat venait à se représenter ? Je ne suis pas certain de la mienne, même si ce sujet mériterait de longs développements.
Comment ne pas être étonné de voir les mêmes personnes qui célébraient il y a quelques mois le courage de ceux qui aidaient les réfugiés syriens, libyens ou d’autres origines, arrivant par l’Italie à la frontière française à échapper aux contrôles policiers pour leur interdire l’accès au territoire français, demander aujourd’hui le renvoi dans leur pays de tous les islamistes intégristes et un encadrement plus ferme des conditions d’exercice du culte musulman en France ? La réponse est bien sûr dans l’indignation face à l’assassinat de Samuel Paty.
Cependant, ceux qui aidaient les réfugiés à la frontière italienne n’avaient pas forcément tort.
La France a signé la convention de Genève sur le droit d’asile qui nous fait obligation d’accueillir et de protéger ceux qui fuient la guerre ou la persécution dans leur pays. Les conditions de mise en œuvre du droit d’asile en Europe depuis l’accord de Dublin, sont inacceptables. L’Europe laisse l’Italie et la Grèce se débrouiller avec le problème et refuse de le prendre en charge réellement. Pas étonnant que ceux qui sont entassés dans des camps de fortune cherchent à s’en échapper pour tenter leur chance ailleurs en Europe.
Comment peut-on en même temps s’insurger contre les restrictions de liberté imposées à tous les Français depuis 2015, d’abord au nom de la lutte contre le terrorisme puis pour des raisons sanitaires, et réclamer un droit d’exception pour une partie de la population du pays ?
L’indignation n’est pas toujours bonne conseillère.
Quand les gardiens des institutions les mettent en danger
Le couvre-feu puis les attentats islamistes ont occulté d’autres nouvelles.
Celle-ci par exemple qui n’est pourtant pas sans importance
Le 12 octobre, l’ancien président de la république Nicolas Sarkozy a été mis en examen pour « association de malfaiteurs ». Cette décision résulte des développements de l’enquête sur le financement de sa campagne électorale de 2007, financement qui aurait pu être en partie assuré par la Libye de Kadhafi. L’intéressé clame bien sûr son innocence, mais cette campagne électorale lui a déjà valu trois autres motifs de mise en examen et le jugement a jusqu’à présent pu être reporté grâce au zèle des avocats qui assurent sa défense.
Dans le même ordre d’idées, une radio de service publique présente comme une révélation, le 20 octobre, le fait que les comptes de campagne des candidats Chirac et Balladur pour l’élection présidentielle de 1995 auraient dû être rejetés par le conseil constitutionnel, mais que celui-ci les a délibérément maquillés pour les rendre acceptables, en justifiant cette forfaiture par le désir de ne pas provoquer une crise institutionnelle. En effet, le rejet des comptes de campagne de Jacques Chirac, alors qu’il était déjà en exercice, aurait pu ouvrir la voie à sa destitution. Plusieurs membres du conseil constitutionnel à cette époque avaient déjà fait cette confidence, y compris Roland Dumas qui en était le Président. Mais les archives de l’institution ont permis d’établir les conditions dans lesquelles le conseil constitutionnel s’était rendu coupable d’une action aussi condamnable.
Quelle confiance pouvons-nous dès lors accorder à cette institution si particulière, chargée de protéger la Constitution, la loi fondamentale sur laquelle repose la cohésion de la nation, si elle la bafoue pour des raisons purement politiques ? La réponse à cette question est malheureusement très claire, le prestige, la crédibilité de cette institution qui devrait être insoupçonnable en ressortent gravement atteints et avec le conseil constitutionnel, c’est le respect de toutes les institutions de la république qui se trouve mis en cause. Jacques Chirac ne rendra désormais plus aucun compte de ses actes, beaucoup de responsables politiques de droite et de gauche se sont employés à ce qu’il en soit ainsi. En revanche, Édouard Balladur, sauvé par le conseil constitutionnel en 1995, pourrait devoir s’expliquer prochainement devant un tribunal puisque le financement de ses dépenses en 1995 aurait pu être assuré en partie par les rétro-commissions versées dans le cadre de la vente par la France de frégates militaires au Pakistan.
La fin du mois de septembre et le début du mois d’octobre ont également été marqués par la polémique entourant le rachat de la société Suez par Veolia, avec le concours actif de la maison-mère de Suez, Engie. Les deux entreprises interviennent dans le même secteur, elles sont concessionnaires des collectivités locales pour la distribution de l’eau potable et son assainissement. Les deux sociétés se partagent l’essentiel du marché français. La fusion des deux donnerait naissance à un quasi-monopole dans notre pays, au nom de la « nécessité de constituer des champions nationaux ». La reprise en régie par quelques grandes collectivités de la gestion de l’eau depuis une quinzaine d’années a montré à quel point ces entreprises faisaient payer trop cher ce service public essentiel, en profitant de leur position dominante et de la faiblesse des communes face à ces mastodontes. On peut redouter que ce soit encore pire demain. Comment expliquer que l’État, actionnaire d’Engie, n’ait pas empêché cette OPA et l’ait même accueillie favorablement si l’on en croit les propos du premier ministre Jean Castex, avant que le gouvernement ne soit obligé de rétro-pédaler face aux protestations ?
L’ancien ministre du redressement industriel Arnaud Montebourg parle de scandale d’État, en soulignant la proximité entre le Président de la République et celui de la société Veolia qui avait soutenu la candidature d’Emmanuel Macron.
Notre indignation n’aura eu guère le temps de durer plus que la réunion d’un conseil d’administration d’Engie, d’autres motifs nous attendaient déjà.
La suite dans une chronique à venir demain.