La nouvelle PAC : vive la jachère chère à Isabelle Saporta, à bas Blair House qui aime trop le soja!
Afin de ne pas tomber sous le coup d’une accusation de casse burettes avec mes souvenirs du 78 rue de Varenne, ce matin je vais tenter de ne pas trop beurrer la tartine.
Au premier temps de ce qui n’était que le Marché Commun les technos du Grand Charles imposèrent à leurs partenaires, les allemands de l’Ouest s’en tamponnaient et les Bataves étaient résolument libéraux, sur le dossier agricole, qui occupait une grande partie de l’espace de négociation, une politique de soutien de la production par les prix et de protection extérieure par la préférence communautaire. Bien évidemment les premiers servis furent les grandes cultures céréalières, la betterave à sucre, le lait, le bœuf ne fut pas suivi, le cochon et les poulets livrés à la bouffe étasunienne : PSC et soja, les maltraités : les fruits et légumes et le vin.
Alors ça se fut les fleuves de lait, les montagnes de beurre, des céréaliers qui se foutaient des tonnes de blé dans les fouilles, les OCM (organisations communes de marché) inondaient et nourrissaient avec force de restitutions (subventions) la terre entière, les cocos de derrière le rideau de fer essentiellement.
La maison Europe s’élargit : les rosbifs et les Grecs d’abord, puis l’Espagne et le Portugal…
En 1983, premier coup de frein : les quotas laitiers négociés et adoptés sous présidence française : Rocard.
Pour assécher le fleuve rouge du vin de table franco-italien en 1984 ce furent les accords de Dublin instituant la distillation obligatoire et l’arrachage.
En 1986 le GATT pointa le bout de son nez avec l’Uruguay Round lancé à Punta del Este par le couple Guillaume-Noir.
Pour tenter de contrer les partisans de zéro subvention, le groupe de Cairns, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chili, Colombie, Iles Fidji, Hongrie, Indonésie, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Philippines, Thaïlande et Uruguay, et concurrencer les ricains, une première réforme de la PAC fut négociée : plus de soutien par les prix, mais des aides surfaces et de la jachère.
La Commission avant cette échéance signa l’accord de Blair House.
Le mur de Berlin tomba et la maison Europe tendit les bras aux ex-assujettis de Moscou, et gonfla jusqu’à 27 membres.
La jachère obligatoire mis le feu au poudre, les gros tracteurs des céréaliers menacèrent de bloquer Paris, la Coordination Rurale naquit d’un lambeau de droite de la FNSEA qui penchait déjà beaucoup de ce côté-là. Les confédérés paysans de José Bové applaudirent du bout des doigts.
Vous avez tous ce qu’est la jachère et je ne vous ferai pas l’injure de vous en donner la définition. Pour faire plaisir à mademoiselle Saporta, qui fustige à raison les technos, pondeurs invétérés de normes, la jachère moderne fut transformée en un monstre de papier. Ils s’en donnèrent à cœur joie, voyant dans cette procédure une manière de remettre leur joug sur les agriculteurs.
Avant de tirer ma révérence, lors des réunions de Polytechniciens sans bottes, j’ironisai sur le tout ça pour ça. Ils étaient vénèrent, il ne faut jamais bouder les petits plaisirs.
Je m’arrête là, après cet épisode je retournai planter mes choux et mes navets.
Ayant officié à la SIDO, en tant que PDG de cette SA, j’ai vécu en direct l’application des Accords de Blair House.
LA RÉFORME DE LA PAC ET LE PRÉ-ACCORD DE BLAIR HOUSE
La réforme de la Politique Agricole Commune (PAC) était devenue inévitable en raison de la croissance des exportations communautaires et de l'usage quasi systématique des restitutions qui accroissaient la pression internationale sur la Communauté Européenne (CE) et, en particulier, celle des grands exportateurs de produits de zone tempérée. Elle était également indispensable pour préparer l'agriculture communautaire de demain: modérément exportatrice et plus respectueuse de l'environnement.
La négociation du GATT (Accord général sur le commerce et les tarifs douaniers) se révèle progressivement plus tolérante à l'égard des niveaux de soutien interne des revenus. Elle reste très stricte sur les politiques commerciales, barrières à l'importation et surtout, aides aux exportations. La réforme de la PAC ne suffira vraisemblablement pas à remplir les exigences du compromis de Washington sur la réduction des exportations subventionnées, tout au moins pour la totalité des productions. Il y a toutefois plusieurs éléments d'incertitude à considérer dans l'examen de cette compatibilité, parmi lesquels figurent l'infléchissement des rythmes de productivité, l'évolution des marchés mondiaux, les variations des taux de change, ... Il est donc intéressant d'examiner la "distance" entre l'agriculture de la CE après réforme et les exigences du pré-accord de Washington.
Est-il possible de nourrir l’Europe en ayant uniquement recours à l’agroécologie ? ICI
Réduire l’utilisation des pesticides et des engrais, voilà la promesse de l’agroécologie. Si ces pratiques agronomiques vont faire baisser mécaniquement les rendements, elles ne vont pas pour autant empêcher l’Union européenne de rester autosuffisante pour son alimentation.
Ouest-France Fabien CAZENAVE. Publié le 22/10/2020 à 16h00
La réforme de la politique agricole commune (PAC) actuellement en discussion cette semaine promet un verdissement des pratiques tout en assurant une autosuffisance alimentaire. La question se pose de savoir si l’agroécologie pourrait permettre d’atteindre cet objectif.
« L’agroécologie est l’utilisation intégrée des ressources et des mécanismes de la nature dans l’objectif de production agricole », selon une définition fournie par la FAO. L’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture y ajoute une dimension écologique et sociale.
Est-il possible de supprimer l’utilisation des pesticides ?
« L’idée de l’agroécologie est de produire de l’alimentation en s’appuyant sur les ressources naturelles, plutôt que d’utiliser les intrants (engrais et pesticides, énergie, eau d’irrigation, tout ce qui vient de l’extérieur) », explique Marie-Catherine Schulz-Vannaxay, chargée des questions agricoles à la fédération France Nature Environnement (FNE). « Par exemple, on peut implanter des haies, des mares ou des bosquets dans les fermes pour héberger des auxiliaires de cultures (des insectes et des oiseaux) qui vont se nourrir des insectes ravageurs et qui vont ainsi aider à la production. C’est utiliser la biodiversité à des fins de production. »
Cela passe aussi par une mise en jachère et une rotation plus importante des surfaces agricoles. Une partie d’entre elles en Europe est, en effet, fatiguée par l’usage répété d’intrants (tous les produits nécessaires au fonctionnement de l’exploitation agricole) qui appauvrissent la terre à force d’être optimisée sans avoir le temps de se régénérer.
Paradoxalement, les agriculteurs sont de plus en plus en demande d’intrants en raison du dérèglement climatique. Déjà endettés et ayant besoin de maintenir un niveau élevé de production, ils sont confrontés à des phénomènes météorologiques intenses qui, couplés à une maladie, peuvent réduire à néant tous les efforts mis en place pour la récolte. Or, on sait que l’agriculture biologique sans pesticide réduit mécaniquement les rendements. Cela est constaté sur les 7,5 % de terres agricoles qui sont passés à la bio.
Pourtant, l’agroécologie a le vent en poupe en Europe. Que cela soit auprès de plus en plus d’agriculteurs, d’associations environnementales ou bien de la Commission européenne. Cette dernière a cité le 20 mai 2020 l’agroécologie dans sa « stratégie de la ferme à la table » qui vise à réduire l’usage et le risque des pesticides de 50 % d’ici 2030.
Si l’utilisation d’intrants synthétiques ne sera donc pas supprimée totalement à moyen terme, elle devrait être grandement réduite au profit de mécanismes naturels combinés à l’agriculture de précision avec les nouvelles technologies (sondes dans le sol, images satellitaires…).
« En France, on avait l’objectif du plan Écophyto issu du Grenelle de l’Environnement de réduire de 50 % l’usage des pesticides en dix ans, mais sur cette période, on a constaté une augmentation de 25 % des pesticides », tempère-t-on à la FNE. « C’est très compliqué de changer le système et cela demandera beaucoup d’accompagnement des agriculteurs. »
Quel impact sur la production agricole ?
Avec l’agroécologie, on verrait un retour des terres en jachère, pratique abandonnée depuis quelques années. La mise en repos des terres était vue seulement du point de vue économique dans les années 1980 et 1990 pour limiter la production et maintenir les prix en réduisant l’offre.
On parle désormais dans la PAC actuelle de « surfaces d’intérêts écologiques » ou favorables à la biodiversité. « Le verdissement de la PAC n’a pas été assez ambitieux jusque-là », estime-t-on à la FNE. « L’objectif de 5 % de surface d’intérêt écologique par exemple inclut dedans des éléments cultivés comme des légumineuses. Résultat en France, seulement 5 % de ces 5 % sont réellement dédiés à des infrastructures agroécologiques, le reste étant principalement des cultures. »
Deux chercheurs, Pierre-Marie Aubert et Xavier Poux de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) ont proposé en 2018 une stratégie pour encourager l’agroécologie. Selon eux, il faut réorienter l’alimentation des Européens vers plus de céréales, de fruits et de légumes, plus de protéagineux et moins de viande, d’œufs, de poisson et de produits laitiers.
Mais il sera difficile de changer des filières d’exportations et d’importations qui sont déjà bien en place. De manière surprenante, l’Union européenne est un des plus gros producteurs agricoles mondiaux, mais importe régulièrement du blé venu d’Ukraine ou d’ailleurs. Il est également peu probable qu’on réduise les surfaces agricoles dédiées à l’exportation des céréales, des produits laitiers ou du vin. Un paradoxe alors que la politique agricole commune a été créée dans les années 1960 car l’Europe de l’Ouest n’avait pas une agriculture suffisamment performante pour être autosuffisante.
« Il y a des productions qui ne sont pas adaptées au climat européen, par exemple le café ou le chocolat », constate Marie-Catherine Schulz-Vaxannay de la FNE. « Mais le climat européen permet de produire l’essentiel de notre alimentation et d’avoir une certaine autonomie, notamment grâce aux grands pays agricoles dans l’Union européenne. »
Que pourrait-on arrêter d’importer grâce à l’agroécologie ?
« L’idée n’est pas d’être totalement autosuffisant dans toutes les productions mais de réaffirmer notre souveraineté alimentaire et de réduire la politique d’importation massive de protéines notamment et d’exportation », pointe Marie-Catherine Schulz-Vannaxay. L’Union européenne importe en effet des tonnes de soja d’Amérique du Sud, du Brésil principalement. Cette culture riche en protéine fournit une alimentation optimale du bétail, mais le climat tempéré de l’Europe ne permet pas d’en produire suffisamment sur le continent.
« En plus, la réforme de la PAC réintroduit dans l’article 33 les accords de Blair House », peste l’eurodéputé écologiste Benoît Biteau alors que le Parlement européen est justement en train de réviser la PAC. Selon lui, cet accord « verrouille la production de protéines en Europe et nous oblige à importer des protéines produites de l’autre côté de l’Atlantique ». À la base, ces dispositions visaient à limiter la possibilité pour l’UE de soutenir massivement une production.
La Commission a publié un rapport en novembre 2018 sur les protéines en Europe qui pourraient permettre d’offrir en partie une alternative. Certaines légumineuses (comme le pois, le lupin ou la luzerne) sont jugées très intéressantes tant pour leurs protéines que du point de vue environnemental. Elles captent en effet l’azote de l’air et permettent d’éviter de fertiliser le sol avec des intrants synthétiques. Mais pour qu’elles remplacent le soja importé du Brésil, c’est toute une filière de production et de transformation de ces produits-là qu’on devra créer.
L’agroécologie, futur « soft power » européen ?
« Il faudrait réduire la consommation de protéines animales (viande et lait), revoir en amont la filière pour réduire les cheptels et les adapter aux ressources du territoire local », estime Marie-Catherine Schulz-Vannaxay. « Nous avons besoin d’avoir des élevages qui soient dimensionnés de manière à être nourris par les terres environnantes, ces dernières absorbant leurs déjections en retour pour avoir un cycle équilibré. »
Autre atout de l’autonomie acquise avec l’agroécologie, être moins dépendant de pays tiers en cas de grave crise sanitaire, comme avec celle du Covid-19. Surtout, cette nouvelle étape dans les pratiques agronomiques pourrait apporter plus d’indépendance des filières et des agriculteurs vis-à-vis des multinationales qui fournissent les intrants.
Avec un modèle plus vertueux et durable, l’Europe aurait alors la possibilité d’imposer sa démarche à ses partenaires commerciaux. Un nouvel élément du soft power européen, cette capacité à faire bouger les lignes au niveau mondial, comme on l’a vu avec la réglementation générale sur la protection des données, la RGPD.