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19 octobre 2020 1 19 /10 /octobre /2020 06:00

 

Si l’on ne m’avait pas offert À la merci du désir Last Notes from Home, publié par Monsieur Toussaint Louverture, en me la jouant à la Frederick Exley, l’auteur sarcastique et alcoolisé, je me suis dit, dans ma petite Ford d’intérieur, que je l’aurais acheté rien que pour la recherche extrême de son « packaging », couverture et 4e de couverture.

 

 

C’est de la sobriété raffinée, du naturel étudié, élégant, minimaliste, extrémiste, marque de fabrique d’un éditeur bordelais, à rebours de « l'incontinence éditoriale » actuelle. « Moi, je serais plutôt dans le tantrisme éditorial », Dominique Bordes. Il sort rarement plus de trois titres par an, dont beaucoup d'Américains inconnus. ICI 

 

 

 

Démonstration par l’image :

 

 

La production littéraire de Frederick Exley se résume à seulement trois romans:

 

  • Le Dernier stade de la soif (1968)

 

  • Pages from a Cold Island (1975)

 

 

  • Last Notes From Home (1988),

 

… et suffisamment d’articles de presse pour remplir un petit volume. Aucun de ces romans ne fut une réussite commerciale, et seul Le Dernier stade de la soif eut un succès digne d’être remarqué. Cette œuvre de qualité s’attira quelques lecteurs dévoués, elle fut lue et appréciée par des étudiants et des auteurs prometteurs, le phénomène est donc comparable à celui que connut le roman L'attrape Cœur de J.D. Salinger dans les années 1950.

 

« Exley mourut à Alexandra Bay le 17 Juin 1992 à la suite d’une attaque cardiaque. L’ensemble de son œuvre est toujours en attente de la critique approfondie qu’elle mérite. A ce jour, il n’existe aucun livre qui y soit consacré, ni aucune étude biographique, et peu d’essais sur le sujet ont vu le jour. Certains critiques considèrent Le Dernier stade de la soif comme étant le seul véritable succès d’Exley. D’autres trouvent dans toutes ses œuvres un jugement pertinent et approfondi de la culture américaine, une originalité stylistique, et un courage et une passion qui font de lui un grand écrivain. Larry McMurtry disait d’Exley qu’il était, « bien que plus brutal, une sorte de Dante américain. » 

 

 

Lire ICI

L A   V I E
D E   F R E D E R I C K   E X L E Y
C O U R T E   E T   E F F I C A C E
B I O G R A P H I E

J’ai donc découvert Exley en le prenant par son « dernier bout », soit le 3e volet de son unique triptyque et non son dard omniprésent*, et, une fois entré dans son dispositif narratif, « qui relie fiction et autobiographie, son écriture repose sur le mode de la confession », je n’ai pas été déçu et j’ai lu À la merci du désir Last Notes from Home à un rythme soutenu

 

* « Côté cul, ça ne débandera pas. Dialogue entre un barman et une serveuse, à Hawaï : «Dis-donc, je donnerais bien un mois de salaire pour dix minutes avec ça ! - Dix minutes avec ça te coûterait bien plus qu’un mois de salaire.» Quant au narrateur, il a un «petit jeu visant, à terme, à séparer Miss Robin Glenn de sa petite culotte». Ça va se faire. »

 

 

Page 293-294 Ex s’adressa à Alissa sa psy :

 

« Écoutes-moi bien, Alissa : la seule chose à peu près exacte que Robin avait retenue de toute l’histoire, c’est ce que portait la fille, et la fait que, ma génération ne connaissant pas la pilule, il y avait une peur panique de tomber ou de mettre enceinte, et par triples sauts temporels successifs, elle avait transposé cette anecdote aussi ridicule que cocasse…

 

(Ndlr. Faire ce que je voulais avec elle – une condisciple qui jamais ne m’avait jusque-là témoigné le moindre intérêt – se réduisait finalement (oh extase !), à l’embrasser, à jouer à touche-pipi (et encore, sans même pouvoir lui enlever sa culotte) et à me faire branler. Au cours de ce dernier exercice, elle me demande si j’ai un mouchoir, je dis non, elle file dans la cuisine, revient avec un torchon à vaisselle encore humide, et pendant que je décharge là-dedans, elle le laisse bien par-dessus, ses doigts étranglant mon gland et garde la tête tournée, tout en émettant des beurk et en répétant « dégueu, dégeu, dégue, beurk !... » )

 

une ou deux générations plus tard, à sa propre adolescence, bien plus « avertie ». Alors Robin commençait par me tailler une pipe, de façon à pouvoir garder sa tenue de teenager années quarante ; puis je soulevais sa jupe plissée gris acier, lui ôtais sa culotte, lui faisais un cunnilingus, après quoi elle me faisait à nouveau bander avec sa bouche, et comme par hasard, à dix-sept ens, elle avait sous la main un préservatif strié et un tube de lubrifiant (merde, moi je n’ai jamais entendu parler de lubrifiant avant mes quarante ans, par un ami pédé, un comédien que j’admirais beaucoup), et je la sodomisais pour éviter tout risque de grossesse, tout cela, bordel, étant censé se passer à Watertown, dans les années quarante. Écoutes-moi, Al, moi, vu l’âge que j’ai, jamais eu le cran d’aller voir de mes yeux ce qu’il y avait au milieu d’une paire de cuisses avant l’âge de vingt-cinq ans, jamais je n’ai fait de cunnilingus avant toi, et j’en avais alors vingt-huit, toi dix-sept et plus belle que jamais, sans vouloir te vexer, car aujourd’hui tu es bien plus belle, mais pas de la même façon. Et donc là, sur un lit, allongé nu auprès d’une Robin habillée, car elle avait quand même suffisamment d’imagination pour ne pas me demander, Dieu merci, que je sois moi-même accoutré comme je pouvais l’être à l’époque au lycée, elle commençait à me sucer, car jamais, vraiment jamais elle n’avait pu savoir cette simple vérité : sucé, je l’avais beaucoup été quand j’étais au lycée. Mais c’est là une autre histoire, une histoire qui ne parle pas à des givrées comme Robin, car dans cette histoire-là se mêle une tristesse incommensurable, un chagrin si profond qu’il réside dans ces noires abysses où se tapissent la malédiction de la vie, une bonne dose d’humour noir inévitable et une culpabilité si terrible que, même après toutes ces années, je ne suis pas capable de la regarder en face. »

 

Ceci est un échantillon représentatif  d’À la merci du désir/Last Notes from Home de Frederick Exley, qui pourra pour certains jouer le rôle de répulsif, pour d’autres d’hameçonnage, mes goûts, contrairement à ce que pensent les critiques du vin, ne sont que les miens et libre à chacun d’en l’usage qui lui semble opportun.

 

Comme il l’écrit dans Last Notes From Home, Exley est outré par le fait que l’Amérique soit devenue « un spectacle obscène », mais il réalise qu’il doit se confronter à la réalité de cette Amérique, quoi qu’il lui en coûte, et quoi qu’il en coûte à ses personnages. Pour quelques lecteurs, son succès tient à la critique qu’il fait de l’Amérique contemporaine, mais sa véritable force réside dans l’analyse impitoyable qu’il fait de lui-même, dans un style à la fois drôle et émouvant, et dans les portraits à la loupe des personnages que l’on croise au fil d’incidents riches de détails. Tous ces éléments constituent une voie formidable et unique dans la littérature américaine contemporaine.

 

Pourquoi le lire ?

 

« Parce qu'au fond heureusement qu'Exley ne reçut pas (ou ne crut pas recevoir) de son vivant la gloire qu'il méritait. On n'aurait pas eu droit au côté face de sa déprime abyssale et féconde. Parce que c'est rare, une dépression ambitieuse. Parce que le dégoût d'Exley, pour lui et l'univers, est largement partagé par le lecteur, et qu'on en est fou quand même. Parce que cette lecture défoule. Et parce que bien sûr qu'il faut vivre mal pour écrire bien. »

 

Le Dernier Stade de la soif", l'autobiographie cultissime du freak  Frederick Exley

 

Je vous propose l’excellent critique de Mathieu Lindon17 janvier 2020  dans Libération

 

FREDERICK EXLEY, ENTRE L’ENVIE ET LA MORT ICI 

Ça commence dans un avion vers Hawaï où le narrateur, qui s’appelle Frederick Exley comme l’auteur - lequel est né en 1929 et mort en 1992 et a publié deux volumes de «mémoires fictifs» avant celui-ci, le Dernier stade de la soif et A l’épreuve de la faim -, se retrouve coincé entre une hôtesse dont ce n’est rien de dire qu’elle est sexy et un Irlandais dont ce n’est rien de dire qu’il est ivre. Le sexe, l’alcool et les diverses déchéances qu’ils peuvent susciter sont au cœur d’A la merci du désir dont l’harlequinesque titre français est moins bien trouvé que les précédents de la trilogie (le titre original est Last Notes from Home).

 

Le narrateur fait le voyage des Etats-Unis pour assister aux derniers instants de son frère mourant (dont l’une des dernières phrases fut pour savoir «s’il y a quelqu’un qui a déjà dit à Dustin Hoffman qu’il en fait des tonnes»), frère aîné qu’il surnomme «le Général» quoiqu’il ne soit que colonel. Leur proximité fut fluctuante : «Il y avait des jours où je me demandais vraiment comment on avait pu sortir du ventre de la même bonne femme à trois ans d’intervalle.» C’était comme si, estime le narrateur à propos de la verve de son intarissable voisin avec une jambe dans le plâtre qui ne lésine pas sur les termes impolitiquement corrects, lui-même avait obtenu une audience du pape «et que ce dernier avait passé les cinq minutes allouées à me faire l’éloge de tous les avantages pour la santé (bonnes joues rouges, tranquillité d’esprit, sérénité) d’une participation régulière à des partouzes effrénées.» Côté cul, ça ne débandera pas. Dialogue entre un barman et une serveuse, à Hawaï : «Dis-donc, je donnerais bien un mois de salaire pour dix minutes avec ça ! - Dix minutes avec ça te coûterait bien plus qu’un mois de salaire.» Quant au narrateur, il a un «petit jeu visant, à terme, à séparer Miss Robin Glenn de sa petite culotte». Ça va se faire.

 

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commentaires

P
Je me suis souvent demandé en quoi le fait de savoir le nom de la maquilleuse de la deuxième équipe pouvait intéresser un spectateur ou un cinéphile ou même encore l’histoire du cinéma.<br /> En regardant défiler des génériques parfois long je me demande à chaque fois d’ou vient cette<br /> Habitude et imagine ce que cela pourrait donner si cette habitude était transposée aux livres.<br /> Ainsi serait renseigné le type d’encre utilisé, le nom de la typographe et surtout l’origine de l’illustration de la couverture souvent ignorée.<br /> Dominique Bordes l’éditeur présenté par le Taulier semble s’y coller et nous donne ici un bel exemple de réussite d’une telle initiative. On pourrait y trouver des perles comme pour certains génériques qui, loin d’égrainer des noms et de fonctions, sont de vrais chef d’œuvres.<br /> La Panthère Rose en est un bel exemple.
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