Je connais bien Stéphane Le Foll, j’ai même participé à son think tank le groupe Saint-Germain, « Il est l'un des meilleurs spécialistes de l'agriculture, en France et en Europe » expliquait François Hollande à France 3. J’en conviens, tout en soulignant son tropisme Grand Ouest et en ajoutant surtout dans l’opposition, arrivé aux manettes du Ministère de l’Agriculture j’ose affirmer qu’il fut bien décevant, très « hollandais » par sa frilosité, son souci de ne pas froisser la FNSEA, sa phrase fétiche dans son bureau tout en tirant sur sa clope « que veux-tu que je fasse ! », sur le dossier de la fin des quotas laitiers j’ai très peu apprécié son inaction renforcée par un directeur de cabinet qui adorait s’écouter parler. Désolé Stéphane, tu prenais plus ton pied comme porte-paroles du gouvernement parce là tu faisais de la politique.
Comme le François des motions de synthèse tu aimes ça et c’est pour ça que ton interview à Ouest-France est intéressante : tu es dans ton élément.
ENTRETIEN. Stéphane Le Foll : « Le modèle décroissant des Verts n’est pas porteur d’espoir » ICI
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Ancien ministre de l’Agriculture et porte-parole du gouvernement sous François Hollande, Stéphane Le Foll, maire PS du Mans (Sarthe), ne mâche pas ses mots sur sa famille politique et son projet d’union avec les Verts. « On n’est même pas descendu en deuxième division. Là, on est en DH ! »
Crise sanitaire, plan de relance, poussée des Verts, présidentielle, état de santé du Parti socialiste… Stéphane Le Foll, maire du Mans (Sarthe), prend la parole. Il en profite pour mettre un tacle appuyé à ses consœurs maires de Rennes et de Nantes.
- Quelle est votre réaction après l’attaque près des anciens locaux de Charlie Hebdo, vendredi 25 septembre ?
Encore une fois, la liberté d’expression et la République ont été attaquées. J’apporte tout mon soutien aux victimes et à leurs familles. Mes pensées vont également aux Parisiennes et aux Parisiens dont la mémoire reste vive et meurtrie.
- Quel est votre regard sur la crise sanitaire ?
On est dans une crise qui dure et va faire des dégâts. Or, la difficulté pour le politique est de s’inscrire dans la durée, d’inscrire les Français dans la durée. On peut demander des efforts s’ils sont limités dans le temps. Arriver à vivre avec un virus, c’est donc très compliqué. Il faut continuer à se laver les mains, à garder de la distance et à porter le masque, ce que j’appelle les 3 M : main, mètre, masque.
- Et pour les tests ?
La bonne option est de ne tester que les symptomatiques de manière rapide et de les isoler. Pour les asymptomatiques, je préconise des tests salivaires rapides et aléatoires dans les lieux de contamination potentielle, les lieux de rencontres fréquentés. Il faut également revenir à des tests sérologiques (prises de sang) pour essayer d’évaluer l’immunité collective.
- Le gouvernement est-il à la hauteur ?
Gérer une telle crise énorme n’est jamais facile, mais il faut de la cohérence dans l’action. Essayons de nous poser les bonnes questions. J’en appelle à un débat avec l’ensemble des élus et le parlement pour redéfinir une stratégie. Il faut qu’on se cadre. Un coup on centralise, un coup on décentralise, un coup on recentralise, ce n’est plus possible. Il faut se mettre d’accord sur les règles qu’on veut appliquer. Sinon, les crispations vont être de plus en plus fortes.
- Ce débat que vous appelez de vos vœux doit-il aussi concerner le plan de relance ?
Je considère que le plan de relance est dans une démarche très Jupitérienne. Un plan de 100 milliards a été annoncé sans débat, sans concertation. Comment ce plan va-t-il être mis en œuvre ? Quand entrera-t-il vraiment en application ? Personne ne le sait. On a besoin de renouer la confiance entre l’État et les collectivités. Profitons donc des renégociations en cours des contrats de plan État-régions pour signer un vrai contrat de confiance entre les collectivités locales – les métropoles en particulier – les régions et l’État sur la mise en œuvre de ce plan de relance.
- Le gouvernement veut installer des sous-préfets à la relance dans les territoires. Est-ce une bonne idée ?
Rajoutez des sous-préfets alors qu’il existe déjà des préfets, ce n’est pas la bonne solution !
- Parlons des prochaines échéances électorales. À commencer par les sénatoriales de dimanche… À quoi faut-il s’attendre ?
Ce scrutin sera le reflet des municipales. Il n’y aura donc pas de surprise, notamment pour le parti présidentiel. La République en marche n’a pas été en capacité d’aller chercher des élus locaux.
- La poussée des écologistes vous a-t-elle surpris ?
Oui, dans certaines villes, comme Marseille et Bordeaux. Mais elle est la confirmation des européennes. Les Français sont en train d’intégrer pleinement cette préoccupation écologique. L’écologie politique en a donc profité, elle qui est censée porter ce grand enjeu pour demain.
- Censée ?
Les Verts peuvent revendiquer le leadership de la gauche aujourd’hui. Mais l’écologie politique telle qu’elle existe n’est pas en capacité de gagner la présidentielle.
- Pourquoi ?
Elle s’adresse à une classe sécurisée qui conçoit le monde de demain avec de la sobriété et qui se l’applique : je me déplace à vélo, j’achète bio… Parce qu’elle a les moyens et la sécurité de l’emploi pour le faire. Mais la classe insécurisée, elle, elle vit avec le présent dans la difficulté. Vouloir lui imposer la sobriété, c’est très grave. Que les Verts revendiquent le leadership à gauche, je l’accepte. Mais je ne peux pas laisser passer le fait que, politiquement, il y a quelque chose qui ne marchera pas. Cela risque même de détourner une partie des couches insécurisées du grand enjeu du réchauffement climatique.
- Pourtant, il faut changer notre mode de développement…
Oui, bien sûr. Mais il nous faut aussi de la croissance pour financer un modèle social. Dans la sobriété et la décroissance des écologistes, vous n’avez pas la capacité de financer un modèle social. L’écologie politique fait une erreur en s’arc-boutant sur la décroissance. Il faut l’affirmer. Or, le PS aujourd’hui ne dit rien. Moi, je suis pour une croissance sûre, donnant assez de richesses pour financer la transition énergétique et le modèle social. Il nous faut aussi retrouver l’idée du progrès et de l’espoir. On ne peut pas vivre qu’avec les peurs et le désespoir.
- Vous pensez à la 5G, notamment ?
Sur la 5G, c’est très drôle. Première déclaration d’Éric Piolle, le maire Vert de Grenoble : La 5G est faite pour regarder du porno dans les ascenseurs. Il faut être assez tordu pour inventer ça ! Pour lui, la 5G c’est davantage de numérique et de consommation, donc c’est déviant…
Pour Julien Bayou, le secrétaire général des Verts, il ne faut pas de 5G parce qu’il faut aller vers la sobriété numérique. Les Verts veulent donc refuser ce progrès technique qui est pourtant une continuité de la 2G, de la 3G, de la 4G. S’il y a un problème de santé sur les ondes, qu’on remette alors tout en cause et les portables en premier. Cette logique de la peur est insupportable. Être vigilant sur la mise en œuvre de la 5G est nécessaire, la remettre en cause est un choix que je ne partage pas.
- Yannick Jadot peut-il être le candidat commun de la gauche ?
Je ne le crois pas capable de gagner la présidentielle. Il a été battu par la partie la plus radicale de son parti lors de leur dernière consultation interne, comme ce fut le cas par le passé entre Nicolas Hulot et Eva Joly. La culture d’EELV, son noyau dur, c’est la décroissance. Si cette ligne est celle d’Éric Piolle, alors il ne peut pas y avoir d’union.
- Malgré les efforts du premier secrétaire du PS pour faire alliance avec les Verts ?
C’est là que je ne suis pas d’accord avec Olivier Faure. Le peu importe qui sera candidat, du PS ou des Verts, c’est n’importe quoi ! Ce n’est pas l’alliance qui compte. C’est le projet qui sera présenté et sa cohérence qui comptent pour les Français. Or, de projet, nous n’en avons pas. Nous n’avons même plus de débat.
- Le PS ne pense plus ?
Le parti n’a pas organisé une seule convention ces dernières années. Depuis trois ou quatre ans, c’est alliance, alliance, alliance, et rien d’autre. Croire qu’il suffit qu’on se rassemble pour empêcher un nouveau duel Macron-Le Pen en 2022 est une erreur colossale. Ce n’est pas vrai. Il manque une offre politique aujourd’hui, un projet pensé et construit qui fera réussir les idées de progrès, écologiques et sociales.
- Ce que vous dites là est entendu par vos camarades ?
Mes idées sur la stratégie sont largement majoritaires auprès des socialistes, mais totalement minoritaires au sein de l’appareil. C’est tout le paradoxe.
- Comment cela ?
Regardez ce qui se passe ! Même les partisans de l’alliance avec les Verts se déclarent candidats aux élections régionales. En Île-de-France, Anne Hidalgo propose qu’Audrey Pulvar y aille, alors que Julien Bayou, le secrétaire national d’EELV, veut se présenter. Ici, en Pays de la Loire, Guillaume Garot vient de se lancer seul. Ils disent partout qu’il faut faire des alliances et ils y vont sans attendre.
Vous allez quitter le PS ?
Pour aller où ? J’y reste, mais je vais continuer à dire ce que je pense. Je n’aime pas du tout la manière dont ma propre famille politique traite les anciens ministres de François Hollande, dont je suis. Critiquer, c’est tout à fait légitime, mais finir par se convaincre que nous n’avons rien fait de bien depuis quarante ans – années Mitterrand comprises – c’est le summum du déni ! Répéter que le quinquennat de Hollande n’aurait été qu’un échec ne nous permettra pas de nous reconstruire. La jeune génération veut nous mettre de côté.
- C’est un peu fort, non ?
Mais c’est ce qui conduit Nathalie Appéré à refuser le grand départ du Tour de France à Rennes, ou Johanna Rolland à demander un moratoire sur la 5G à Nantes ! Si nous nous retrouvons sous domination idéologique, nous allons au-devant de grandes difficultés. Je ne crois pas que le modèle décroissant et anti-progrès des Verts soit porteur d’espoir. La sobriété imposée aux classes populaires s’apparente à un mépris de classe comme l’a dit Yannick Jadot.
- Vous seriez partisan d’un retour de François Hollande à la présidentielle de 2022 ?
Non, je n’y crois pas. L’incarnation est certes essentielle, mais il faut d’abord s’entendre sur ce que l’on veut faire avant de décider qui on envoie à la présidentielle. La crise sanitaire a déjà des conséquences sociales graves, nous devons avoir une ligne de gauche claire et affichée. On ne devrait pas se perdre dans la bouillie des alliances, à se demander si les Verts doivent être devant et le PS derrière ou si c’est l’inverse ! Il faut une ligne.
- On vous sent agacé…
J’ai envie de secouer le cocotier. Je ne sais pas si vous vous rendez compte de la faiblesse dans laquelle se trouve le parti socialiste aujourd’hui. Quand j’étais au bureau du PS, il y avait Jospin, Strauss-Kahn, Aubry, Delanoë, Frêche, Mélenchon, Fabius, Mauroy… Quand on se réunissait, je peux vous dire que ça volait haut. Vous avez vu qui y siège aujourd’hui ? On n’est même pas descendu en deuxième division. Là, on est en DH !