Enfant je n’ai jamais mangé à la cantine, y’avait pas de cantine je rentrais manger au Bourg-Pailler. Ma première expérience de restauration collective je l’ai connue pensionnaire à l’école d’agriculture où le frichti n’était guère ragoutant mais parfois mangeable. Le summum du dégoût : les œufs durs aux épinards, genre dégueulis, qui m’ont fait fuir ce légume cher à Popeye pendant de longues années. Le restau U n’était pas un sommet de la gastronomie mais, comme j’avais de quoi faire la cuisine dans mon logement d’abord rue Noire (faudra-t-il la débaptiser ?) puis place Victor Richard, je préférais me gaver de pâtes et de sardines à l’huile plutôt que de bouffer des carottes râpées insipides et des steaks semelles en carton bouilli. Le sommet de l’horreur de la bouffe collective fut atteint lorsque je fis mes 3 jours à Blois pour le futur service militaire, je n’ai rien mangé, j’ai jeûné, la vision de l’andouille baignant dans une mer d’huile rance, l’odeur fade, la malpropreté, furent, hormis mon peu de goût pour l’uniforme, l’un des motifs de mon choix d’opter pour le service civil.
Au Ministère de l’Agriculture, la cantine de la rue Barbet de Jouy, gérée par une association du personnel, proposait du manger honnête. En 1981, j’ai fréquenté le restaurant des députés, au dernier étage du 101 rue de l’Université, où nos chers élus se restauraient bien pour pas cher. Puis ce fut la cantine de la SVF sur le port de Gennevilliers où, à mon arrivée il y avait 2 cantines, celle des propres sur eux, celle des ouvrières et des ouvriers, dans la première il y avait la table des cadres, les autres pour la piétaille. Nommé directeur du site, malgré les protestations des secrétaires qui ne voulaient pas poser leurs fesses sur les mêmes chaises que les ouvriers, j’ai unifié les 2 cantines et aboli la table des cadres. On y mangeait bien. Lorsque j’étais sous les ors de la République au 78, j’allais de temps en temps à la cantine, pas trop car les demandeurs de privilèges en profitaient pour me la jouer « monsieur le directeur ». Puis, lorsque j’ai gagné le gagatorium, j’ai mangé au restaurant d’entreprise de la rue de Grenelle géré par un des géants de la restauration collective. C’était propre et honnête. Enfin, pour clore cette litanie cantinière il y eut, suite à mon gadin en vélo, mon séjour de 15 jours en pneumologie de l’hôpital Cochin où l’ordinaire était triste, sans saveur, à pleurer.
Pourquoi mange-t-on si mal dans les cantines ou les restaurants d’entreprise ?
Pour faire court : les cuisines centrales, les appels d’offre obligés, la gestion concédée aux géants de la restauration collective.
Ce sont des usines à malbouffe gérée pour le plus grand profit des actionnaires, la santé publique, les PNN machin chose, les manger bouger, les 5 fruits et légumes par jours, de la poudre aux yeux dont les premières victimes sont les enfants, les urbains majoritaires, qui n’ont pas le choix.
En 2018, dans Le Livre noir des cantines scolaires de Sandra Franrenet (Leduc.s éditions), l’autrice avait mené une enquête à la fois passionnante et effrayante sur les grosses machines qui font manger les enfants de la primaire au lycée : rupture thermique pas forcément respectée, trop de sucre, trop de gras, du bio du bout du monde, des plats obligatoirement servis avec de la sauce - pour ainsi mieux les réchauffer - mais où la sauce est pleine de produits innommables, du poisson pané (star des cantines depuis des décennies…) où le poisson n’en a plus que le nom, du gaspillage alimentaire avec des quantités délirantes dans les assiettes ou a contrario des enfants qui ont encore faim quelques heures après le repas et toujours des politiques qui n’ont pas que cela à faire. Le livre faisait un constat déplorable de l’état de la plupart des cantines scolaires françaises.
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Marseille : Une journaliste mange un mois à la cantine... et ça fait peur ICI
ALIMENTATION Pendant un mois, Valérie Simonet a mangé les plats préparés dans les cantines marseillaises, et en tire un documentaire qui interroge sur la nourriture servie aux plus petits
Mathilde Ceilles Publié le 25/09/20
La vérité sort-elle de la bouche des enfants ? Il y a un an, la journaliste marseillaise Valérie Simonet a voulu en avoir le cœur net. « Ma fille mangeait à la cantine depuis la petite section de maternelle. A partir du CE2, elle a commencé à se plaindre tous les jours. Elle disait que ce n’était pas bon, alors que ce n’est pas du tout une gamine difficile de ce côté-là. »
La journaliste a donc décidé de s’adonner à une drôle d’expérience : pendant un mois, à l’aide de complices dont elle protège l’anonymat, Valérie Simonet a récupéré dans des boîtes Tupperware le repas servi dans les cantines marseillaises. Elle a ensuite déjeuné tous les jours exclusivement ces mets et immortalisé l’expérience dans un documentaire, « Y avait quoi à la cantine », diffusée ce samedi sur Public Sénat. Une manière de faire le point sur ce « monstre français » qu’est la cantine marseillaise. Il s’agit en effet du « plus gros marché des cantines de France » détenu par un géant du secteur, l’entreprise marseillaise Sodexo, sous contrat avec la ville jusqu’en 2024.
Tout droit à la poubelle
Et le constat est sans appel : cette nourriture, parfois préparée des jours à l’avance dans une seule et unique cuisine centrale, est loin de séduire la journaliste, qui finit rarement son assiette. « Le soir, à 19 heures, j’avais super faim, confie Valérie Simonet. Je n’avais qu’une envie, c’était de me mettre à table. » Entre les omelettes caoutchouteuses conservées pendant dix-huit mois, la moussaka qui s’apparente plus à une bouillie sans goût et le riz aux poivrons qui n’a de poivron que la couleur, Valérie Simonet ne s’est pas vraiment livrée à une partie de plaisir. « J’avais un jour sur mon plateau une sorte de sauce marron crue étrange, raconte-t-elle. Je croyais que c’était une vinaigrette… Mais pas du tout, c’était une crème caramel ! »
Une expérience qui semble rejoindre le vécu de milliers d’écoliers marseillais. « Dans le cadre du documentaire, j’avais même interrogé des enfants à la sortie d’une école près de la Canebière, rapporte la journaliste. Ils disaient tous se jeter sur le goûter parce qu’ils avaient trop faim. Et de toute façon, il y a une donnée objective : en France, 30 % des repas servis par les cantines partent à la poubelle. Je suis allée faire les poubelles des cantines de Marseille, et elles étaient pleines. Même les SDF le savent, puisqu’ils étaient à côté de moi pour voir aussi dans ces détritus… »
« Il faut repenser les choses »
La journaliste souhaite à travers son documentaire ouvrir un débat sur la question des cantines, « un vrai enjeu humain, écologique et d’éducation pour sensibiliser les générations futures au bien manger. » « Aujourd’hui, à Marseille, la cantine est gérée par une société privée, une grosse machine dont le but est de faire du profit, note Valérie Simonet. Donc c’est une question de responsabilité politique que de confier ces tâches à des grands groupes privés. »
« Il faut repenser les choses, plaide Séverine Gil, présidente de l’association de parents d’élèves MPE13. Choisir le service de Sodexo, il y a quatre ans, c’était la solution de facilité pour gérer autant de repas. Mais ça a amené à un constat : ce qui est servi n’est pas bon. Il faut revenir à des échelles plus petites. »
Ce changement de modèle demeure toutefois compliqué, comme le note la journaliste, puisqu’il nécessite, entre autres, la construction de très nombreuses cuisines centrales sur Marseille. Une mesure que réclame dans le documentaire un certain Benoît Payan, alors opposant de gauche à Jean-Claude Gaudin. Aujourd’hui premier adjoint au maire, le socialiste assure vouloir respecter cet engagement, sans pour autant avancer de calendrier. « Nous souhaitons sortir de ce marché unique et on a commencé à travailler là-dessus », affirme-t-il auprès de 20 Minutes.
En France, les repas servis dans les cantines scolaires représentent près d'un tiers de la restauration collective.
Et 41% de ce marché de 21,1 milliards d'euros annuels, selon Gira Foodservice, est confié à des sociétés dans le cadre d'une gestion "concédée" plus économique, en vogue depuis 30 ans, au détriment de la gestion directe des cantines par les collectivités.
Filiale du britannique Compass, Scolarest, n°3 en France derrière les géants Sodexo et Elior, sert quelque 400.000 repas par jour dans 500 établissements scolaires,
Les enjeux de la restauration collective en milieu scolaire Adopté à l'unanimité lors de la plénière du CNA du 4 juillet 2017 ICI
Elior, Sodexo, Compass, présents sur les trois segments - scolaire, entreprise, santé - sont contraints de redéployer leurs forces vives. Les écoles sont fermées mais la demande explose dans le segment santé tandis que certaines industries restent des sites prioritaires.