« L'enfer n'existe pas – STOP – Tu peux te dissiper – STOP – Préviens Claudel – STOP – Signé : André Gide »
Télégramme et canular littéraire le plus fameux, reçu le 20 février 1951 par François Mauriac. Soit deux jours après la mort de Gide au Vaneau.
« Ce petit bleu d'outre-tombe a été attribué à divers auteurs potentiels : Jean-Paul Sartre, Roger Nimier ou encore Anne-Marie Cazalis… »
« On a beaucoup ri d'un télégramme que Mauriac a reçu peu de jours après la mort de Gide », note Julien Green le 28 février dans son Journal.
L'année suivante le Vatican, qui espérait une conversion jusqu'au dernier souffle de Gide, inscrit l'ensemble de son oeuvre à l'index. Le 2 juin 1952, à la suite d'un décret du 24 mai 1952 de la Suprema Sacra Congregatio Sancti Officii, "Andreae Gide opera omnia" est inscrite à la liste des "librorum prohibitorum". L’Osservatore romano l'accuse d'être "un négateur du Christ ", "Un poète de la joie la plus trouble et de la gloire la plus vaine.
« C’était le ciel que mon enfer épousait », écrit André Gide dans Si le grain ne meurt. Si Juliette Rondeaux, sa mère, lui avait grandes ouvertes les portes du ciel, Gide ne pouvait y rencontrer qu’un ange. Mais « à sainte femme fils pervers » et son enfer était celui des revendications de la chair. Pour joindre le ciel et son enfer, des noces blanches furent célébrées, mettant à l’abri Madeleine, son ange, qui a respecté les « suppliciantes délices » de l’enfer de Gide. Du désir mortifié nous allons voir par quel miracle Gide a fait un désir vivant. « Il anime tout ce qu’il touche », disait de lui son ami, Roger Martin du Gard.
Isabelle Morin
Le 23 mars 2008 Classé X : les "Enfers" du sexe... (interdit aux moins de 16 ans) j’écrivais :
À la tentation j’ai longtemps résisté mais ce matin j’y ai succombé avec un grand plaisir que j’espère vous partagerez.
Pudibonds, pudibondes passez votre chemin, l’ouverture de la porte de son Enfer par notre Bibliothèque Nationale, ce grand X rose placardé la nuit sur le flanc d’un des 4 grands vits érigés sous le règne de François Mitterrand, m’y invitait depuis des mois. Bien évidemment je ne puis me pencher sur un tel sujet sans vous offrir quelques gâteries, le sexe dans tous ses états, frivole, grave, polisson, esthétique et parfois sadique…
Âmes pudiques, femmes honnêtes ou sages, prudes et prudes retirez-vous nous allons emprunter le chemin de la licence, de l’indécence et de l’obscénité. Mais, permettez-moi quand même, en un temps où la sexualité trop souvent se réduit à une frénétique mécanique des corps, de vous confier qu’il est temps de réenchanter le désir. Ne rallumez pas pour moi les feux de l’enfer mes propos matinaux, comme toujours, sont là pour vous éclairer non pour vous dévergonder.
La suite ICI
Pourquoi avoir mis en oeuvre un tel projet ?
« Parce que cet enfer nourrit tous les fantasmes. On le voit comme une sorte de pénitencier de la censure ou, à l'opposé, comme un boudoir galant, un lieu clos où serait conservé, à l'abri des regards, l'obscène et le licencieux, explique Marie-Françoise Quignard, l'une des commissaires de l'exposition. Or l'enfer de la BN, ce n'est ni un boudoir ni une prison, mais une cote attribuée à un volume conservé dans la réserve des livres rares. »
L'enfer est né au XIXe siècle. La première mention d'un livre portant la mention "Enfer", suivie d'un numéro, date de 1844.
« Cette décision n'est pas le fait du pouvoir politique, mais sans doute des bibliothécaires, précise Mme Quignard. Peut-être parce la BN de l'époque était devenue un lieu de lecture publique et que, le puritanisme aidant, on voulait éviter de mettre certains livres "osés" entre toutes les mains. Pour avoir accès à ces ouvrages, il fallait que la demande passe devant un comité consultatif. »
Les publications qu'on y garde sont presque toujours clandestines, et souvent imprimées à l'étranger. Ce sont les saisies qui facilitent la constitution de ce fonds, riche de 620 livres en 1876, et qui compte aujourd'hui près de 2 000 références.
En 1969, quelques mois après Mai 68, l'enfer de la BN avait été liquidé et les titres "licencieux" intégrés aux collections ordinaires. En revanche, une cote - 8o Y2 90000 - avait été ouverte pour la "basse pornographie", qui disparaîtra à son tour. « Pour des raisons pratiques et la nécessité de mieux classer les livres érotiques, on a rouvert l'enfer en 1983, mais les difficultés de communication n'existent plus », explique la commissaire de l'exposition. Mieux, les principales pièces de l'enfer quittent la clandestinité pour se montrer au grand jour.