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28 juillet 2020 2 28 /07 /juillet /2020 07:30

 

Jean-François est, contrairement à ma pomme, un garçon sérieux, lorsque nous étions ensemble au cabinet du Ministre de l’Agriculture, dans les années 90, où il tenait le poste de Conseiller Technique chargé des questions internationales, donc communautaires, j’étais tranquille, ses notes au Ministre, synthétiques, précises, argumentées, nous permettaient de faire progresser dans la tête d’un politique pur, Louis Mermaz, la nécessité de réformer en profondeur de la foutue PAC. Ce qui fut fait, je ne sais si ce fut un progrès mais la porte était ouverte sur une autre conception du soutien à l’agriculture communautaire. Depuis, avec les élargissements, le chemin parcouru est bien modeste et le verdissement reste bien pâle.

 

Si je tresse des lauriers mérités à JF c’est qu’en plein mois de juillet il vient de me faire parvenir une note où il évalue l’accord adopté par le Conseil européen de Juillet 2020, pendant que votre serviteur buvait des canons tout jetant un œil distrait sur le fil Twitter pour glaner des informations sur ce sommet qualifié par notre guide élyséen, en pleine mutation, de grande avancée dans la construction européenne. Il a travaillé au corps Angela confie-t-il au très people Paris-Match, j’en suis fort aise mais, contrairement à notre Mélenchon, qui ne bite rien aux questions communautaires, je ne vais pas dézinguer l’œuvre du chef, ou en entonner avec zélotes de notre Emmanuel, « on a gagné, on a gagné… »

 

Pour mémoire, au temps de Rocard Ministre de l’Agriculture, le Conseil Européen de Dublin du 27 février 1985, marqua le grand virage de l’OCM vin essentiellement consacrée au vin de table, en adoptant la distillation obligatoire pour stopper les hauts rendements et l’arrachage des vignes les produisant. Ce qui m’a frappé à ce Conseil c’est que les négociations étaient menées au nom de la France par le Ministre des Affaires Etrangères, Roland Dumas, et le Président de la République, François Mitterrand, pour qui la distillation obligatoire et l’arrachage relevaient d’une autre planète et que nos notes à leur attention, éléments de langage, devaient  se résumer en quelques phrases. Nous étions, et nous sommes toujours, la seule délégation dans cette configuration, c’est tout à fait baroque.

 

Bref, la parole est donnée à Jean-François :

 

Comme toujours après un conseil européen difficile, tous les participants disent qu’ils ont gagné. Cette présentation des négociations européennes comme une guerre entre Etats de laquelle chacun doit revenir avec une victoire sur ses partenaires, en dit long sur la solidarité et l’esprit fédéraliste qui règnent dans cet ensemble fragile. Les médias mettent en valeur le rôle décisif de leurs représentants nationaux et insistent sur le caractère « historique » des décisions prises. Ensuite, les polémiques sont d’autant plus bruyantes que les résultats de la négociation ont été présentés avec emphase et beaucoup d’approximation.

 

Un plan de relance économique et un budget de l’Union Européenne jusqu’en 2027.

 

Le conseil européen de ce mois de juillet 2020 devait se prononcer sur deux sujets intimement liés : un plan de relance de l’économie européenne frappée par la récession consécutive à la pandémie et le budget de l’Union européenne pour la période 2021– 2027.

 

Ces discussions présentaient, en plus de leur caractère budgétaire, une dimension politique puisqu’il s’agissait  d’autoriser la commission européenne a emprunter sur les marchés financiers 750 milliards d’euros (la commission a déjà emprunté mais jamais des sommes aussi importantes) pour financer le plan de relance en lieu et place des Etats membres et de trouver de nouveaux moyens de financement des dépenses européennes.

 

Le plan de relance « Next Generation EU » n’est pas un nouveau cadre budgétaire européen.

 

Le conseil européen a autorisé la commission à emprunter 750 milliards d’euros pour financer le plan de relance.

 

Les fonds empruntés pourront être prêtés aux Etats de l’Union européenne, pour 360 milliards d’euros, ou transférés sous forme de subventions pour financer des dépenses à hauteur de 390 milliards d’euros.

 

La commission remboursera ces emprunts au plus tard le 31 décembre 2058.

 

Les dépenses du plan de relance seront engagées en trois ans : 2021, 2022 et 2023. Le « droit de tirage » des Etats sur ce programme exceptionnel sera proportionnel à leur perte de PIB en 2020 et à leur perte de PIB cumulée en 2020 et 2021. C’est ce qui permettra  à des pays comme l’Espagne, l’Italie ou la France d’être parmi les principaux  bénéficiaires de ces subventions européennes.

 

Pour bénéficier de ces aides, les Etats-membres devront présenter des « plans nationaux de réforme et d’investissement » pour les années 2021–2023, qui seront évalués par la commission européenne et soumis au conseil européen statuant à la majorité qualifiée.

 

Il ne s’agira donc pas d’un chèque en blanc ; les concours financiers ne seront accordés que si les programmes de dépenses présentés sont considérés comme conformes aux orientations de politique économique formulées à l’occasion de l’examen annuel de la situation budgétaire des membres de l’Union par les instances européennes, notamment en matière de « réformes structurelles ». Ce vocable désigne habituellement les mesures de dérégulation de l’économie, de privatisation, d’ouverture à la concurrence et de réduction des dépenses publiques demandées par les instances européennes.

 

La décision du conseil précise que l’effort de relance consacré par le programme « Next Generation EU » (nom officiel du programme de relance européen) est « limité dans le temps parce que le cadre financier pluriannuel (le budget européen) et les règles qui le régissent demeurent le cadre de base pour la planification et l’exécution du budget de l’Union ». « Les fonds supplémentaires générés par les emprunts…seront versés par l’intermédiaire des instrument et des programmes du CFP ».

 

Les 750 Mds€ d’emprunts que la commission est autorisée à souscrire constituent donc bien une mesure exceptionnelle qui n’a pas vocation a être renouvelée. Ce n’est pas un nouveau budget européen, l’embryon d’un budget fédéral comme cela est parfois abusivement présenté. Le financement de l’UE reste assuré par son budget, financé par les contributions des Etats-membres, donc les contribuables des Européens, théoriquement à raison de leur richesse moyenne, sans rupture dans son enveloppe globale avec le budget des sept précédentes années.

 

Un plan exceptionnel financé par les moyens habituels - Beaucoup de mensonges sur la réalité des décisions prises

 

Les dispositions relatives au financement du programme européen de relance et du budget européen pour les années à venir sont peu explicites.

 

Le plafond des ressources propres de l’UE est porté de 1,20% du revenu national brut des Etats membres à 1,40% pour le financement du prochain budget, ce qui pourrait représenter une augmentation de la contribution française annuelle de l’ordre de 4 à 5 Mds€. De plus, le financement du plan de relance serait assuré par un relèvement temporaire de 6 points de pourcentage du plafond de ressources propres affecté au financement des dépenses de l’Union, au-delà de 1,40%.

 

Pour le moment, les dépenses ordinaires de l’UE et le plan exceptionnel seront donc financés par les moyens habituels des contributions des Etats, donc par les impôts des contribuables européens, qu’il s’agisse d’impôts directs ou indirects (fraction de la TVA collectée).

 

Il est mensonger de dire, comme le font MM. Macron et Le Maire, que « le plan européen ne sera financé ni par nos impôts ni par notre dette ».

 

S’agissant de l’avenir, le paragraphe A 29 du compromis est ainsi rédigé : « Au cours des prochaines années, l’Union s’efforcera de réformer le système des ressources propres et d’introduire de nouvelles ressources propres. Une nouvelle ressource propre fondée sur les déchets plastiques non recyclés sera établie et appliquée à partir du 1er janvier 2021. Au cours du premier semestre de 2021, à titre de base pour des ressources propres supplémentaires, la commission présentera des propositions relatives à un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières et à une redevance numérique, en vue de leur introduction au plus tard le 1er janvier 2023. Dans le même esprit, la commission présentera une proposition relative au système révisé d’échange de quotas d’émissions, éventuellement étendu à l’aviation et au transport maritime. Enfin, l’union s’efforcera au cours du prochain cadre financier pluriannuel, de mettre en place d’autres ressources propres, qui pourraient inclure une taxe sur les transactions financières. Le produit des nouvelles ressources propres introduites après 2021 sera utilisé pour le remboursement anticipé des emprunts contractés dans le cadre de « Next Generation EU ».

 

La seule ressource nouvelle présentée comme certaine est donc la taxe sur les plastiques non recyclés, mais elle n’est certainement pas de nature à produire 750 Mds d’euros de rendement. Le reste relève d’une simple déclaration d’intention de s’efforcer de faire évoluer la situation.

 

La capacité des 27 pays de l’Union à décider de la création d’une taxe carbone aux frontières européennes puis de l’imposer à l’Organisation Mondiale du Commerce et à leurs partenaires américains et asiatiques disposant de moyens de rétorsion considérables peut, à tout le moins, susciter un peu de scepticisme.

 

La taxation des GAFA n’est pas un sujet nouveau ; les récentes décisions de la cour de justice européenne annulant les sanctions prises par la commission contre certaines des entreprises concernées a mis en lumière la profonde division des Européens sur le sujet, certain pays comme l’Irlande choisissant d’offrir un paradis fiscal aux grands groupes américains du secteur et défendant leurs intérêts face à la commission européenne.

 

Quant à l’extension de la taxe carbone, du reste très insuffisante pour atteindre la neutralité carbone en 2050, aux compagnies aériennes qui sont déjà à terre, cela ne paraît pas très crédible.

 

Le financement du plan de relance sera donc assuré pour le moment et peut-être pour longtemps par les contributions des Etats a proportion de leur richesse. Il n’y a là aucun changement, aucun pas en avant vers le fédéralisme souhaité par certains, si ce n’est l’affirmation d’une volonté de « s’efforcer » de trouver d’autres ressources. Mais dans ce domaine, c’est l’unanimité des Etats qui prévaut et elle n’a pas prévalu pour négocier le programme de relance. Au contraire, on a vu s’agrandir le fossé entre ceux qui veulent que l’UE ne soit qu’un espace de coordination des disciplines budgétaires imposées aux Etats membres et ceux qui voudraient une Europe plus solidaire.

 

Pire encore, le compromis adopté par le Conseil européen n’a pas rendu plus fédéral ou solidaire le financement de l’Union, il a prolongé les entorses aux règles normales de financement qui prévalent aujourd’hui en prolongeant les « rabais » dont bénéficient certains Etats membres.

 

Les règles de calcul du montant des contributions des Etats-membres devraient être les mêmes pour tous les pays européens. Ce n’est plus le cas depuis que le Royaume-Uni a obtenu un rabais sur le montant de sa contribution (le fameux « I want my money back » de Mme. Thatcher). L’UE a versé au Royaume-Uni, depuis 1984 et jusqu’au Brexit, un chèque représentant 66% de la différence entre sa contribution au budget européen et ce qu’il percevait au titre des dépenses de l’UE en sa faveur. En clair le Royaume-Uni payait plus au budget européen qu’il n’en recevait, il était un des « contributeurs nets » (comme la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède…) et il a obtenu de faire financer par les autres européens les deux tiers de cette contribution nette.

 

Cette entorse très importante au principe de solidarité financière entre les pays de l’Union en a entraîné d’autres. Le cadeau aux Britanniques devait être payé par une augmentation de la contribution nationale des autres pays européens, mais l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Autriche et la Suède ont obtenu de ne payer que 25% de la somme qu’ils auraient dû payer à ce titre. De ce fait, la France est depuis 1984 le principal financeur du cadeau fait aux britanniques.

 

Ces rabais devaient disparaître avec le Brexit. Le conseil européen de juillet a décidé de les prolonger pour les 7 ans qui viennent, sans autre justification que celle de dire que ce n’est pas parce qu’on est riche que l’on doit payer pour les pauvres.

 

Le rabais allemand reste fixé à 3,7 Mds€, tandis que le rabais annuel de l’Autriche sera doublé à 565 M€, celui des Pays-Bas grimpe à 1,92 Md€ contre 1,57 milliard d’euros précédemment, la Suède (1,09 Md€) et le Danemark avec 377 M€ ont aussi obtenu plus que prévu. Au total, c’est une perte de 53 milliards d’euros pour le budget européen entre 2021 et 2027.

 

On voit par là que les soi-disant progrès du fédéralisme sont bien illusoires et l’on pourrait s’étonner que l’Allemagne qui portait le projet de plan de relance avec la France n’ait pas renoncé à son rabais.

 

Bien sûr, la prolongation de ces rabais injustifiés constituera une charge supplémentaire pour ceux qui n’en bénéficient pas, comme la France et beaucoup d’autres pays beaucoup moins riches que nous.

 

 

Des décisions importantes pour l’Union européenne mais un impact économique faible

 

Le budget européen pour la période 2021–2027 sera de 1 074,3 Milliards d’euros, soit 153,4Mds€/an, à comparer au PIB total des 27 membres de l'Union européenne en 2019, soit 13 929 Mds€ ; le budget de l’Union européenne représente donc 1,1% du PIB européen.

 

Avec les 312 Mds€ de subventions adoptées par le conseil européen, qui seront engagées entre 2021 et 2023, le budget annuel de l’UE passera à 257 Mds€/an pendant cette période, soit 1,8% du PIB européen. Si l’on ajoute les 360 Mds€ de prêts auxquels pourront avoir accès les pays qui le souhaitent, le budget annuel de l’UE représentera 2,7% du PIB européen. 

 

Une augmentation de 63% (en prenant en compte les seules subventions) ou de 170% (avec les prêts) du budget de l’UE rapporté au PIB européen n’est pas insignifiante. Elle représente une rupture dans l’univers de l’union européenne marqué par la volonté de maintenir le budget de l’Union à un niveau aussi bas que possible, même si elle ne constitue pas le basculement vers un budget fédéral.

 

Mais ces décisions importantes du point de vue du fonctionnement de l’UE n’auront qu’un impact économique très limité.

 

Prenons le cas de la France, deuxième contributeur au budget européen, derrière l’Allemagne avec 21 Mds€ de contribution en 2019, soit 14% des recettes de l’UE, et 14,5 Mds€ de retour sur le budget européen, dont 9,2 Mds au titre de la politique agricole commune. Sa contribution nette au budget européen en 2029 fut donc de 6,5Mds€.

 

Si La France présente un plan satisfaisant aux instances européennes, elle pourra bénéficier de 13 Mds€ de subventions par an en moyenne de 2021 à 2023, soit 13 % du plan de relance de 100 Mds annoncé par le gouvernement conduit par J Castex. C’est moins que le seul plan de soutien consenti au secteur aéronautique de 15 Mds€.

 

Dans cette logique comptable, il faudrait déduire un certain nombre de chose de ces 40 Mds€ de subventions pour arriver à un compte juste. Les crédits consacrés à la Politique agricole commune généraient jusque-là un retour de 9 Mds€/an à la France. Les moyens accordé à la PAC vont baisser de 10%/an dans le prochain budget communautaire, ce qui devrait entraîner un manque à gagner de l’ordre de 900 M€/an, donc 6,3 Mds€ sur la période 2021/2027. Les fonds structurels vont également diminuer. Notre contribution au budget européen va augmenter relativement à notre PIB pour financer le plan exceptionnel et le prochain budget. Comme on ne voit pas l’intérêt pour la France d’utiliser l’emprunt européen puisqu’elle emprunte sur les marchés financiers à des taux très bas, les subventions constitueront l’essentiel de l’intérêt qu’elle peut trouver à ce plan de relance européen.

 

Le gouvernement commet une erreur en présentant ce plan européen comme une victoire française, ou au mieux franco-allemande, permettant de financer la reprise de notre économie. Si l’on raisonne dans ces termes, l’Europe nous « coûte » chaque année 6 à 7 Mds€, et elle coûtera un peu plus dans les années qui viennent. Elle rapportera 13 Mds€ pendant trois ans avant d’être à nouveau une charge nette pour notre budget et déficitaire sur la durée du prochain budget.

 

Le solde positif de 6 à 7 Mds€ sur la période 2021/2023 représentera 0,002% du PIB français (2 427 Mds€). Ce n’est certainement pas avec cela que nous allons sortir de la crise économique dans laquelle nous nous trouvons. Ces sommes sont sans rapport avec les moyens mis en oeuvre par le budget de l’Etat, 338 Mds€, les collectivités locales, 270 Mds€ ou la sécurité sociale, 450 Mds€.

 

Ce qui est vrai pour la France l’est pour les autres pays européens.

 

On peut craindre par ailleurs que les responsables de l’Union européenne ne doivent se retrouver à nouveau rapidement pour déterminer les moyens de faire face à une nouvelle crise financière en raison du poids des créances irrécouvrables dans le bilan des banques. La crise pourrait d’ailleurs bien venir des soi-disant pays frugaux. 

 

L’un d’entre eux a agit avec la plus forte détermination contre le projet franco-allemand, les Pays-Bas. Ce paradis fiscal affaiblit constamment l’UE. Il favorise l’installation de multinationales européennes à La Haye ou Amsterdam pour payer moins d’impôts, Renault par exemple, bien que l’Etat français en soit actionnaire, privant ainsi les pays d’origine de précieuses recettes fiscales. Ces pertes s’élèveraient à 2,7 Md€ pour la France, 1,5 Md€ pour l’Italie et l’Allemagne et près de 1 Md€ pour l’Espagne, selon l’ONG Tax Justice Network.

 

Par ailleurs si les « frugaux » affichent une dette publique très basse : 33,2 % du produit intérieur brut au Danemark, 35,1 % en Suède, 48,6 % aux Pays-Bas et 59,4 % en Finlande, contre 77,8% en moyenne dans l’UE, la dette privée est très élevée. Les ménages des « frugaux » figurent parmi les plus endettés au monde. Selon l’Organisation de développement et de coopération économiques (OCDE), la dette des ménages représente 280 % du revenu disponible net au Danemark, 240 % aux Pays-Bas, 189 % en Suède et 148 % en Finlande. A côté, les ménages italiens (87 %), grecs (106 %) et espagnols (107 %) sont d’une prudence remarquable.

 

Du coup, les banques néerlandaises sont très exposées au risque immobilier, une fois de plus, car durant la crise de 2008 La Haye a dû nationaliser une partie d’entre elles pour les sauver.

 

Au passage, les donneurs de leçons néerlandais ne sont pas non plus les plus laborieux d’Europe. Ils travaillent en moyenne 1 434 heures par an, selon l’OCDE, avec un poids très important du temps partiel (46,8 % des emplois, en particulier chez les femmes), pendant que les paresseux du Sud travaillent 1 718 heures par an en Italie, 1 719 heures au Portugal ou 1949 heures en Grèce.

 

Un accord qui n’est pas inutile

 

On peut défendre l’utilité de l’accord passé au Conseil européen, même en prenant en compte tout ce qui est écrit ici. En considérant que si l’Union européenne n’avait rien fait, on le lui aurait bien davantage reproché que le compromis auquel elle est parvenue.

 

Il n’est pas exagéré de dire que les pays du Sud, Italie et Espagne en particulier, avaient besoin de cet accord, beaucoup plus que la France ou l’Allemagne. Ils sont frappés beaucoup plus durement que nous par la crise post-pandémie. La chute du PIB espagnol sera l’une des plus importante d’Europe et la sensibilité du chômage à la croissance est plus forte que dans la plupart des pays européens ; on parle d’une remontée du chômage à 20% de la population active comme aux pires moments de la crise de 2008 et après. Les faiblesses intrinsèques des ces économies conduisaient au cours des dernières semaines à une aggravation des différences de coût de l’endettement de l’Italie ou de l’Espagne en comparaison des taux obtenus par la France ou l’Allemagne, ce qui constituait une menace supplémentaire pour l’économie de ces pays.

 

L’immobilisme n’était donc pas une position souhaitable.

 

Avec cette crise et avec cet accord, l’Allemagne a également redécouvert sa dépendance vis à vis de l’Union européenne, alors que se ferment à leurs exportations d’automobiles et d’équipements, le marchés américains et certains marchés asiatiques, ce qui constitue une bonne nouvelle.

 

Mais un accord sans doute payé trop cher

 

L’Allemagne et la France ont beaucoup sacrifié pendant la négociation pour obtenir cet accord. On passera sur la réduction des subventions de 750 Mds€ à 350 Mds€,  mais il a fallu aussi sacrifier le “Fonds de transition juste” qui devait permettre d’aider les pays les plus dépendants des énergies fossiles à passer à une économie moins carbonée ; il passe de 30 Mds€ prévus dans le projet de budget à 10 Mds€.  Le programme de recherche « Horizon 2020 » perd 8 Mds€ des 13,5Mds€ qui lui étaient attribués dans le projet de la Commission, tout comme InvestEU (moins 25 milliards) ou Solvency (moins 26 milliards), programme destiné aux entreprises en grande difficulté qui passe carrément à la trappe, de même que le programme santé, qui passe de 9,4 milliards à rien du tout, ou la politique de défense. Il faut y ajouter la PAC et les fonds structurels, sacrifiés également.

 

Cela finit par faire beaucoup et par donner un résultat qui sacrifie l’avenir au profit de moyens sans doute trop limités pour le présent

 

En raison d’une erreur politique

 

E Macron et A Merkel ont considéré qu’à partir du moment où un accord existait entre eux, l’accord des 25 autres était une formalité. Ils se sont trompés d’époque.

 

E Macron poursuit son projet de renforcement de la construction européenne en dotant la zone euro d’un budget propre et l’union européenne dans son ensemble de capacités budgétaires plus importantes pour améliorer sa résistance aux crises qui se succèdent. Il a pensé que la crise actuelle serait un moment favorable pour imposer ses vues et il s’est trompé. Il paie cher, sur des sujets qui sont normalement sa priorité, un succès qui pourrait rester de façade si les négociations à venir sur les ressources propres n’aboutissent pas et il a d’ores et déjà accepté un budget qui pour 7 ans n’est qu’un budget de reconduction.

 

Les divisions européennes se sont affirmées avec force pendant cette négociation. Il faudra formuler d’autres objectifs que budgétaires pour les surmonter.

 

Il reste maintenant au Parlement européen à approuver ou remettre en cause cet accord qui sur plusieurs points (maintient des rabais, réduction du volume du budget par rapport à l’ambition initiale, priorité à la transition énergétique) ne correspond pas à la volonté qu’il avait exprimée.

 

Jean-François Collin

24 juillet 2020

Page

30 ans de Pays d’Oc : La saga qui changea le visage de la viticulture

ICI 

« Notre production comblait le manque à gagner d’autres productions en chute libre », voire à la débâcle de certaines : « Les accords de Dublin, sous Rocard, lui imposaient de distiller massivement, jusqu’à 12 millions d’hectolitres d’excédents français! » Pour endiguer la crise, l’Europe mis aussi en place des primes à l’arrachage qui fut de masse. Parallèlement, « nous avons engagé un remembrement des vignobles avec les organismes comme la Safer et la chambre d’agriculture à faire en sorte que les exploitations aient toutes le plus possible une taille critique d’au moins 25 hectares chacune. » Les cépages qualitatifs imposés par le label ayant moins de rendement, la surface doit grossir.

De la piquette à  l'AOC

 

TIME - NEW YORK

Dans la plupart des pays d’Europe du Nord, les deux ingrédients de la révolution industrielle ont été la houille et le minerai de fer. En France, il y en a eu un troisième : le vin rouge bon marché. La plupart venaient du Languedoc, le vignoble le plus vaste du monde. Mais les goûts ont évolué, et les ventes ont chuté après la Seconde Guerre mondiale tandis que, grâce aux subventions agricoles du Marché commun, le pays produisait beaucoup plus qu’il ne pouvait écouler.

 

 

En 1984, l’accord de Dublin a limité les subventions [européennes], et les viticulteurs languedociens se sont trouvés confrontés à un choix difficile : s’adapter ou disparaître. A l’initiative de pionniers, ils ont entrepris de planter des variétés de raisin renommées comme la syrah et le cabernet sauvignon sur des coteaux à moindre rendement. Quinze ans plus tard, la région a oublié son complexe d’infériorité et dispose de plus de 100 000 hectares de vigne.

 

Les ventes internationales ont été le catalyseur du renouveau. A l’époque où le vin de Bordeaux perdait des parts de marché à cause de prix trop élevés, le Languedoc courtisait les consommateurs étrangers en leur offrant des vins de très bonne qualité à des prix abordables. La région offre quelque chose que le Nouveau Monde n’a pas : des vins faits d’un mélange de différentes variétés de raisin, dont le goût complexe reflète les idiosyncrasies du sol sur lequel elles ont mûri.

 

 

Attirés par un fantastique potentiel, les étrangers s’adonnent désormais aux libations languedociennes, comme investisseurs et consommateurs. Mondavi, le géant de la Napa Valley, en Californie, plante actuellement 50 hectares pour produire son propre vin. A une échelle plus modeste, Robert et Kim Cripps, un couple anglo-américain, ont acheté 18 hectares de vignes près de Montpellier. Le domaine du Poujol produit 100 000 bouteilles par an, dont 80 % pour l’exportation.

 

 

Le label Appellation d’origine contrôlée (AOC), qui est censé garantir la qualité du vin, fixe également la quantité de chaque variété qu’il est possible de faire pousser sur une surface déterminée. S’il n’est pas en conformité avec les critères AOC, votre vin sera vendu comme “vin de pays” ou “vin de table”, des étiquettes moins recherchées. Selon Cripps, “c’est un exemple de législation française très restrictive qui ne contrôle pas grand-chose. Si vous voulez vendre en France, il faut être AOC, mais à l’étranger cela n’a aucune importance.” La pression est de plus en plus forte pour une révision des critères AOC, de façon à prendre en compte les caractéristiques du marché actuel.

 

 

Nicholas Le Quesne

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