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16 août 2020 7 16 /08 /août /2020 08:00

Livre: Les yeux de la momie / l'intégrale des chroniques de cinéma ...

« Tous les journalistes sont des menteurs et des putes », rappelle manchette en conclusion des chroniques de cinéma hebdomadaires qu’i publia Charlie hebdo de 1979 à 1982 sous le titre « Les yeux de la momie ».

 

Préface de Gébé

 

Manchette nous laisse une masse de critiques où le nom des films importe peu. On peut remplacer les titres. Restent son jugement, son discernement, sa lucidité, sa pénétration, sa morale qui s’appliquent à tout. Une philosophie.

 

Les Yeux de la momie - Jean-Patrick Manchette - SensCritique

Frédéric Bonnaud

 

Manchette aimait le cinéma, mais plus guère celui de son temps. D'où ce mélange de compétence et de désinvolture qui fait tout le prix de son recueil d'articles.

 

On sort de ce livre comme d'une cure. Ainsi, à côté du génial romancier, il existait aussi un grand critique, qui a écrit à la fois sa passion du cinéma (mais pas seulement...) et son dégoût du journalisme ("Tous les journalistes sont des menteurs et des putes", bien dit !) pendant plus de deux ans, d'août 79 à décembre 81, dans les colonnes de diverses publications "bêtes et méchantes" (Charlie hebdo, La Semaine de Charlie, L'Hebdo Hara-Kiri, et même le très fugitif Charlie Matin). En le découvrant en un seul bloc, on est d'abord frappé par l'alliage inédit de deux qualités devenues rares, même prises séparément : une extrême compétence (Manchette sait parfaitement de quoi il parle, il connaît même Irving Lerner, ce qui n'est pas donné à tout le monde) et une parfaite désinvolture (il finit par "avouer" qu'il n'a souvent même pas vu ce dont il parle, sauf les "reprises").

 

C'est que pour lui, le cinéma est fini, juste apte au grand recyclage.

 

D'un côté, il y a le stock, les fameuses "reprises" justement ("Je vais finir par croire que j'ai été traumatisé par une chaussette dans ma petite enfance"), avec le quatuor de génies immortels (Ford, Lang, Hitchcock, Welles), les perles (Péché mortel ou Now voyager) et les déesses (Gene Tierney, "On en meurt ou on en reste idiot, je le sais, je l'ai pas eue" ) 

 

Et de l'autre, le robinet des sorties, le tout-venant, avec en vrac les films de Costa-Gavras ("ce cinéaste a la vue basse"), ceux d'Altman ("ce pauvre débile"), ceux de Bertrand Blier ("que je boycotte depuis Les Valseuses, pour cause d'ignominie dans sa tête") et ceux de Wajda ("le célèbre con centriste, anus du pape en second").

 

On le voit, Manchette a l'insulte facile et drôle, il aime bien "déconner" la suite ICI 

 

Clair de femme - Film (1979) - SensCritique

 

6 septembre 1979

 

« Par exemple, dans le confort douillet et gratuit d’une projection privée, aurais-je aimé Clair de femme ? Évidemment non. Sujet : un monsieur vieillissant quitte la compagne de sa vie à la demande de cette dernière (la compagne, pas la vie) qui, cancéreuse, préfère se flinguer tout de suite. Et, dans la nuit, le monsieur unit son désespoir à celui, encore plus pire, d’une dame dont la fillette est morte et le mari complètement débranché dans sa tête (agnosie). Question : l’amour peut-il triompher de la déchéance et de la mort ? Réponse : des fois on croit ça mai fait non. À l’appui de cette thèse, des images léchées de déchéance, d’élans désespérés et retenus, et puis du dialogue désespéré et retenu aussi, sobre, tout ça. Montand et Schneider font leur numéro, avec capacité et conviction. Costa-Gavras filme avec capacité et conviction. Le résultat est, comme son nom l’indique, un bol de mastic.

 

L'Aveu” : le procès des procès staliniens

 

Permettez-moi une digression qui va me permettre de dégager une vieille colère, vieille de plusieurs années. Au temps où Costa-Gavras et Jorge Semprun, et Montand, ont entrepris de critiquer le stalinisme dans L’Aveu, ils ont choisi de porter à l’écran le témoignage d’un homme d’appareil maltraité par ses collègues, le témoignage d’un stalinien, le témoignage d’un menteur. Quand on sait ce qu’Arthur London avait écrit sur le POUM espagnol (en particulier pages 249, 254 et 255 de son livre Espagne, éditeurs français réunis, vous pouvez vérifier), quand on sait que les mêmes calomnies avaient servi de prétexte aux staliniens pour torturer et assassiner de nombreux militants du POUM, on se dit qu’Arthur le menteur était bien placé pour se plaindre après ce que ses petits copains eurent entrepris de lui tordre les couilles à lui aussi. C’est pourtant son histoire que Costa-Gavras et ses potes choisirent de tourner, plutôt que l’histoire d’un Andrès Nin ou d’un Berneri (ceux-ci, il est vrai, après être passé entre les mains des staliniens, se sont trouvés définitivement incapables d’écrire un best-seller).

 

L’Aveu et Clair de femme n’ont aucun rapport. Est-ce bien sûr ? Le problème de Costa-Gavras n’est-il pas qu’il pose toujours des questions fausses ? En amour comme à la guerre, il apparaît que ce cinéaste à la vue basse. C’est cohérent.

 

Lettre d’Yves Montand parue dans le numéro du 13 septembre 1979

 

En tant qu’abonné de Charlie hebdo, j’ai lu ça (la critique ci-dessus)

 

Tout ceci me paraît cousu de fil blanc pas très propre, comme dirait mon ami Jacques Prévert. En effet, dix longues années après, c’est toujours à Arthur London qu’il faut poser la question, mais sûrement pas au scénariste et au réalisateur qui ont tout fait pour souligner dans le film la part de responsabilité de l’auteur ainsi que celle de tous les responsables staliniens, militants, sympathisants, où, comme moi, compagnons de route dans d’autres « aveux ».

 

Il me semble tout à coup être revenu dix ans en arrière, quand les Kanapa de service avaient ordre d’aboyer et si possible de mordre.

 

Salut

Yves Montand

 

1er PS : En ce qui concerne la liquidation du POUM, vous devriez (quand on veut bien faire ce métier de critique), vous devriez, dis-je, avoir vu le film de Jorge Semprun, Les Deux Mémoires.

 

Les Deux mémoires - Catalogue des restaurations et tirages - La ...

 

2e PS : Je souhaite au cinéma en général et aux metteurs en scène français en particulier d’avoir « la vue aussi basse » que celle de mon ami Costa-Gavras, et d’avoir le talent et le courage de réaliser Z, État de siège, L’Aveu en tenant bien compte du contexte politique dans lequel ces films ont été réalisés.

 

Le PS du 20 septembre 1979 de JP Manchette

 

On a pu lire dans le dernier Charlie hebdo une lettre d’Yves Montand faisant suite à mes remarques désagréables sur le vieux film l’Aveu. Mes remarques étaient claires. La lettre l’est aussi, et n’appelle donc pas de réponse. Surtout que, plutôt qu’avec Montand, j’aimerais m’engueuler avec des salauds méprisables. Quant à la recommandation  que me fait Montand de voir Les Deux Mémoires de Jorge Semprun, elle tombe à plat car je l’ai vu, et elle confirme notre désaccord car ce film aussi me paraît courtaud. Davantage que la comparaison avec Jean Kanapa, la suggestion que je pourrais vouloir faire bien mon travail est une offense. Mais le déstalinisé meurtri étant un gibier trop facile à tirer, nous en resterons là.

 

Romain Gary "Clair de femme" - Bouquinerie du Lion - Belfort

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commentaires

P
Bravo Taulier, tu vois qu’il y presque rien à faire pour passer d’une chronique fleuve à une chronique flamboyante et qui remet les choses en place après avoir descendu fausses idoles et idées reçues.<br /> J’avais aimés Z. Surtout pour l’excellent casting sauf bien sur ce pôvre Ivo Livi * qui s’applique tellement à être sérieux. Je veux parler de Julien Guyomard et Pierre Dux en officiers arrogant qui repartent du tribunal, la queue entre les jambes, par la petite porte et où, gag, ils se trompent et ouvrent un placard à balais. Un Jacques Perrin qui observe, photographie en rafale et semble beaucoup s’amuser lui qui avait participé au financement du film. Mais il y a aussi Marcel Bozzufi en pervers j’menfoutiste. Et Charles Denner qui contient tant bien que mal sa révolte. Et bien sur Irène Papas et tant d’autre tel Jean Bouise ou encore George Geret et bien sur Jean Louis Trintignant qui obtint un prix d’interprétation à Cannes et avait accepté un cachet symbolique<br /> Je n’avais pas aimé l’Aveux ou les scènes d’interrogatoires se succédaient à des scènes d’interrogatoires et puis basta ! Et l’on plaignait ce pôvre Montant d’avoir beaucoup souffert sur le tournage. Pas autant que moi à te voir souffrir mon brave. Pas autant que moi.<br /> Claire de Femme, j’avais adoré le livre de Romain Gary . Et oui, cette midinette de mouche du coche aime les histoires d’amour surtout racontées par un être aussi blessé et tourmenté que Gary. Mais alors, le film ! Au secours ! Personne n’y croit, ni les acteurs (pardon, les très grands acteurs que dis je, les Monstres Sacrés qui s’y collent), ni le metteur en scène. Un éclairagiste peut être ou une maquilleuse ? <br /> Et bien voilà encore un commentaire qui casse la baraque. Ben oui, c’est comme ça.<br /> J’ai déjà dit que je ne connaissais rien à la musique du magazine Rolling Stone et évoquée quelques fois par notre Taulier mélomane éclectique mais tout n’est pas à jeté dans ce monde là. Il me plait de faire mienne cette phrase de Kurt Cobain “Ils se moquent de moi parce que je suis différent, je me moque d’eux parce qu’ils sont tous pareils »<br /> Na !<br /> <br /> <br /> <br /> *Oui, oui, je sais qu’il arrive à Yves Montant d’être épatant – La Folie des Grandeurs par exemple ou le Diable par la queue – Mais aussi importante soit sa place dans l’histoire et du cinéma et de la chanson et du théâtre et malgré son séjour au State, ce n’est pas lui que l’immense Orson Wells à qualifier de plus grand acteur du monde mais le succulent Raimu <br /> (Pour Z – 12 minutes à l’écran – Pépère avait négocié une rémunération au pourcentage !)
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