Le fondateur de la Ve République, grand pourfendeur de la IVe et de son régime des partis, doit se dire qu’il a réussi : y’a plus de partis !
J’exagère à peine : le PS out, LR en voie d’implosion, le PCF disparaît, le RN n’existe que par Marine Le Pen… EELV est un conglomérat hétéroclite où déjà les clivages entre un mol Jadot qui rêve de la future présidentielle et un Piolle bien ambigüe prenant son contre-pied, ne laisse pas augurer d’une nouvelle mouture de la gauche plurielle.
LREM lors des élections municipales a fait la démonstration de son inexistence en tant que parti politique. La start-up Macron sonne le creux.
Alors, cher Jean-François, peut-on dynamiter la Constitution de la Ve République sans artificiers ?
Qui en prendra l’initiative ?
Les partis politiques en voie de marginalisation ?
Le peuple dans la rue ?
Révolution ?
Pourquoi pas mais n’oublions pas que les premiers gilets jaunes protestaient contre la pénalisation de la bagnole, ce peuple gueulard est profondément conservateur, le changement c’est pour les autres, ne pas toucher à mes privilèges, la place est aux Macron, Le Pen, Mélenchon, Jadot déjà dans les starting-blocks, accompagnés d’éventuels figurants : la grenouille Xavier Bertrand, le flou François Baroin… ou d’outsiders sortie du diable-vauvert Anne Hidalgo, Valérie Pécresse, Christiane Taubira, Ruffin… ou bien encore de madame Royal… et pourquoi pas Bigard ou Onfray ?
Qui de ceux-là portera la VIe République sur les fonds baptismaux ?
La votation future en 2022 enterrera-t-elle la Constitution de 1958 ?
J’en doute et, même si un élu de ton cœur vert accédait au trône, je le vois bien comme le Mitterrand du Coup d’Etat permanent s’accommoder du pouvoir personnel que confère cette fichue Constitution.
Revenons un instant aux victimes de la personnification de la vie politique : les partis.
Le petit opus « La fin des partis ? » auquel j’ai déjà fait référence permet, autant que faire de peu, d’éclairer notre lanterne sans pour autant répondre à la question.
« À travers les figures d’Emmanuel Macron et de Jean-Luc Mélenchon, l’élection présidentielle de 2017 a été le théâtre inédit du lancement d’entreprises politiques personnifiées par un candidat n’incarnant pas seulement une « ligne » ou un « destin », mais offrant sa personne en guise de programme : les composantes de sa personnalité devaient constituer en elles-mêmes un bien politique, à l’image des initiales (EM) désignant tant le leader (Emmanuel Macron) que le mouvement (En Marche !).
Ces nouvelles entreprises politiques sont apparues en fin de compte mieux ajustées que les partis établis aux logiques dominant de plus en plus fortement l’élection présidentielle. Indissociablement politiques et « communicationnelles », de telles entreprises ne sont pas de prime abord, sans en évoquer d’autres, notamment Forza Italia, parti qui a accédé au pouvoir l’année même de sa création, après une campagne éclair, en proposant une rupture avec le système politique et partisan en place. »
[…]
« Certaines prises de position de Jean-Luc Mélenchon et d’Emmanuel Macron – en dépit de leurs oppositions idéologiques évidentes – présentent ainsi des affinités qui tiennent à leurs positions homologues visant à subvertir l’ordre politique institué. Cette logique est d’ailleurs endossée, y compris sur le mode de la provocation (Emmanuel Macron n’a-t-il pas intitulé Révolution le livre manifeste de sa campagne ?), alors que la rhétorique de la modernité et de l’efficacité à l’œuvre – enfin délestée des alliances et des clivages politiques classiques – oppose le « nouveau monde » à l’ «ancien monde » (celui des partis, du clivage gauche/droite auquel renvoie ses adversaires) dont le candidat était pourtant l’un des représentants quelques mois auparavant, en tant que Ministre de François Hollande (et au sein duquel il recrute bon nombre de ses plus proches collaborateurs pour la campagne). De ce point de vue, l’invocation du « dégagisme » et l’acceptation du label « populiste » par Jean-Luc Mélenchon en référence aux écrits de Chantal Mouffe constituent un équivalent fonctionnel du « nouveau monde », dans la mesure où il appelle aussi à une redéfinition des clivages politiques, articulée à partir de la « personne » du leader et de la ligne politique qu’il incarne »
[…]
Des partis en apesanteur sociale ?
L’un des facteurs qui a érodé leur légitimité est l’affaiblissement de leur ancrage social.
« … les partis sont devenus le lieu d’un entre-soi de professionnels de la politique ou d’aspirants à l’élection, le plus souvent issus des catégories sociales aisées et fortement diplômés. »
Appareils dévitalisés, repliés sur leurs jeux et enjeux propres : la conquête des positions de pouvoir, éloignés de la société et peu représentatifs socialement des différentes couches de la population…
Ex-hauts fonctionnaires passés par les cabinets ministériels, camarilla d’attachés parlementaires n’ayant jamais touché le monde du travail ordinaire, barons locaux et régionaux agrippés à leurs privilèges, cumulards de mandats et d’indemnités… le financement public des partis… la montée du « tous pourris »… l’abstention massive des quartiers populaires…
[…]
« La fonction expressive et socialisatrice, longtemps revendiquée par les partis eux-mêmes, s’est à l’évidence affaiblie. Alors qu’ils demeurent des rouages centraux du gouvernement représentatif, les partis parviennent de moins en moins à assumer ce rôle en raison de leur faible réceptivité aux demandes sociales, elle-même liée à leur coupure (partielle) de la société. Cette situation résulte bien sûr aussi des changements qui ont affecté la société contemporaine : qu’y-a-t-il à représenter dans une société, non moins inégalitaire, mais plus fragmentée que par le passé ? Les grands clivages sociaux et idéologiques, qui constituent un des soubassements des partis ont largement perdu de leur pertinence avec le développement de l’Etat-providence, la sécularisation de la société, la disparition de la paysannerie puis des forteresses ouvrières, la tertiarisation de l’économie et la chute du communisme international. Les organisations partisanes sont affectées par cet épuisement des clivages historiques et l’affaiblissement de l’appartenance subjective aux classes sociales, phénomènes auxquels ils ont eux-mêmes largement contribué (particulièrement les partis de gauche). Les « nous » partisans sont ainsi plus difficiles à construire dans un contexte d’individualisation de la société, liée notamment au nouvel esprit du capitalisme. »
La parole est maintenant à Jean-François Collin :
La cinquième République, régime d’instabilité.
Ce nouveau remaniement qui substitue un inconnu de droite, à un autre homme de droite que l’on commençait à peine à connaître, interroge une nouvelle fois sur l’une des vertus supposées de la cinquième République: la stabilité.
Grâce à ces institutions que le monde entier nous envie, la France jouirait d’une stabilité politique lui permettant de traiter les grands problèmes auxquels elle est confrontée. Cette stabilité serait la contrepartie, à défaut d’en être la justification de notre démocratie réduite à la portion congrue, de la mise au pas du Parlement réduit au rôle de chambre d’enregistrement, du contrôle du parquet par l’exécutif, du contrôle de constitutionnalité des lois effectué par une instance peuplée des anciens présidents de la République et de nombreuses autres bizarreries comme l’existence d’un ordre de juridiction propre à l’administration qui est aussi un organe de conseil du gouvernement et dont les magistrats occupent les principaux postes de pouvoir de la République.
Pourtant un bref regard en arrière suffit à se convaincre de la profonde instabilité de notre fonctionnement institutionnel.
Entre 2002 et 2020, la France a changé de Premier ministre 8 fois, soit 27 mois d’exercice de cette responsabilité en moyenne.
Au cours de la même période, les chefs de gouvernement ont changé 4 fois en Espagne, 6 fois au Royaume-Uni, 2 fois en Allemagne, 8 fois en Italie si l’on compte pour 2 les mandats de Berlusconi interrompus par celui de Romano Prodi de 2006 à 2008. La Belgique a connu 6 premiers ministres, les Pays-Bas 2 chefs de cabinet et le Portugal 5.
C’est donc en France que la durée de vie des premiers ministres est la plus brève et leur changement le plus fréquent. On peut ajouter que c’est aussi le seul pays européen où ils doivent leur existence au seul Président de la République et non à une base parlementaire qui serait la source de leur légitimité et donc de leur autorité, ce qui les rend particulièrement faibles vis à vis des parlementaires auxquels ils ne peuvent s’imposer que par le corset constitutionnel qui leur interdit de jouer leur rôle de législateur et de contrôleur de l’action du gouvernement, mais aussi vulnérables aux sautes d’humeur du Président de la République.
Les Premiers ministres ne pèsent pas grand-chose en France, sauf lorsqu’ils décident d’utiliser ce poste pour se lancer dans la seule course qui compte dans notre pays aux institutions atrophiées, l’élection présidentielle.
Quant aux ministres dont le premier ministre est flanqué, c’est encore pire. Celui de l’écologie, dont on nous dit qu’il s’agit de la priorité des priorités, a changé 15 fois en 18 ans, celui de l’intérieur 14 fois, ceux de l’économie ou du travail 12 fois, celui de la culture 10 fois, etc. Ceux qui viennent d’être désignés doivent rester lucides sur leur importance dans l’histoire s’ils ne veulent pas souffrir trop de désillusion.
Cette faible capacité des exécutifs français à conduire une action dans la durée n’est pas corrigée par l’existence d’un Président de la République élu au suffrage universel et disposant de pouvoirs étendus. S’il est à peu près intouchable pendant son mandat, il n’est pas réélu depuis le second mandat de J. Chirac et la partie « utile » de son mandat est très réduite. Les Présidents de la République obtiennent leur élection sur un malentendu, comme dans le cas d’E Macron qui a bénéficié du vote « utile pour faire barrage au FN devenu RN » pour l’emporter et a interprété ce vote comme une approbation par la population de son programme de réforme du code du travail, des retraites ou de l‘assurance retraite, ce qu’il n’était naturellement pas. Ainsi, faute de pouvoir s’exprimer au Parlement ou dans une politique plus équilibrée du chef de l’Etat, l’opposition s’exprime ensuite dans la rue par de très longues grèves qui ne font pas reculer l’exécutif mais paralysent le pays et laissent de profonds sentiments d’amertume, ou par le mouvement des « Gilets Jaunes » qui a effrayé le pouvoir parce qu’il sortait des cadres habituels et mettait en mouvement le pays dans sas couches habituellement les mois revendicatives. L’action réformatrice du Président de la République a été stoppée jusqu’à la prochaine élection et le même scenario se reproduira la prochaine fois si les candidats au second tour sont les mêmes.
Les thuriféraires de la Vème République regardent avec mépris les régimes précédents. Pourtant la troisième République n’a compté qu’une bonne quarantaine de Présidents du conseil différents en 70 ans, les mêmes revenant souvent reprendre la responsabilité des affaires, et elle a construit les fondements de la France républicaine, la protection des libertés individuelles, de la liberté de la presse, des associations, l’école publique, qui sont autant de piliers qui résistent tant bien que mal aux nouveaux « manageurs » de la vie publique. Elle n’était en réalité pas beaucoup plus instable que la Vème République et son œuvre se compare favorablement à cette dernière.
L’héritage de la quatrième République qui a mis en œuvre le programme du Conseil national de la résistance, celui des « jours heureux » auxquels faisait allusion E Macron dans un discours récent, vaut également beaucoup plus que le souvenir que le Gaullisme triomphant a voulu en laisser.
On aimerait que le nouveau gouvernement réalise le dixième de tout cela, mais il annonce sa volonté de reprendre la réforme des retraites, de l’assurance chômage, bref de finir le travail de destruction de ce qui reste des Républiques précédentes.
De ce fait, l’instabilité institutionnelle se conjuguera à nouveau au désordre dans la rue car ce qui a été refusé hier n’a guère de chance d’être mieux accepté aujourd’hui, dans une situation économique catastrophique qui va aggraver le chômage, les inégalités et la pauvreté.
JF Collin 6 juillet 2020
Maladie chronique des "Verts"
La division, maladie chronique des "Verts". Hulot-Joly, Duflot-Rugy, Jadot-Duflot… La courte existence de la formation écologiste a été minée par les guerres d'égos et de personnalités. "C'est un parti qui fonctionne sur la haine et le ressentiment", analyse tristement Daniel Cohn-Bendit. L'ancien député européen ne se lasse pas de raconter comment son projet de direction bicéphale Jadot-Duflot a volé en éclat en 2010 en raison de l'animosité – très forte – que se vouaient les deux personnages. Dans un parti qui érige la démocratie interne en valeur supérieure, et où les militants ont bien souvent le dernier mot, il n'est pas rare de voir des décisions prises en dépit du bon sens. En 2001, Noël Mamère est battu de 91 voix par Alain Lipietz à la primaire des écologistes avant d'être rappelé en catastrophe quelques mois plus tard pour mener la campagne présidentielle ; en 2011, Eva Joly est préférée à Nicolas Hulot malgré le potentiel électoral de ce dernier ; en 2014, les écologistes choisissent de quitter le gouvernement et le parti implose… A chaque fois, la tentation groupusculaire l'emporte.
Cette fois, c'est différent veulent croire les écologistes. "Nous n'avons plus le droit d'offrir ce genre de spectacle", alerte l'ancien candidat à la présidentielle Noël Mamère