tunique de plumes © musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Patrick Gries, Valérie Torre
Tunique de plumes (détail) © musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Nicolas Borel
Dans les tourments du 78 rue de Varenne, le déjeuner mensuel chez Allard, avec mon ami Jacques Geliot, toujours à la même table, la sienne, je n’y dérogeais jamais, c’était une bulle de paix. Jacques, vieux monsieur, socialiste, amateur de pur-sang, me couvait comme le fils qu’il avait perdu jeune homme. Il n’avait de cesse de s’occuper de mon intendance que je négligeais, en célibataire de fraîche date. C’est lui qui m’avait dégoté le petit 2 pièces de la rue de Lagny à l’orée du Bas-Montreuil.
Un jour, dans la conversation, je lui lance « J’aimerais bien vivre à la campagne, pourquoi pas dans les bois, en solitaire… J’ai besoin d’air… » Ce n’était pas tombé dans l’oreille d’un sourd (même si Jacques était dur de la feuille à 80 ans) car le lendemain il m’appelait au téléphone pour m’annoncer « Je t’ai trouvé la maison de tes rêves, dans les bois, chez mon ami Georges Halphen. » Pour faire bon poids, il ajouta « Tu sais Georges Halphen est un grand admirateur de Michel Rocard… »
Je vous épargne les détails mais je me retrouvai locataire de l’ancien pavillon d’honneur du château de Georges Halphen – vendu et transformé en hôtel de luxe : l’hôtel du Mont-Royal – à la Chapelle-en-Serval dans l’Oise, sur la route de Plailly, donc dans les bois.
Tout sur Georges Halphen fils de Fernand Halphen et d’Alice de Koenigswarter. Son père était lui-même le fils de Georges Halphen, banquier, négociant en diamants et administrateur de la Compagnie des chemins de fer du Nord, et d’Henriette Antonia Stern, fille du banquier Antoine Jacob Stern.
Grand amateur des arts et civilisation de la Chine et de l’Egypte, les objets de la Mer de Béring, les textiles précolombiens. Ce n’était pas un collectionneur mais un amateur discret.
Portrait de Fernand Halphen enfant peint par Auguste Renoir, 1880. Huile sur toile 46cm x 38 cm. Paris, Musée d'Orsay. Avec l'aimable autorisation de M. Georges Halphen, fils du compositeur et donateur du tableau au Musée d'Orsay.
Fernand Halphen choisit pour son nouveau château une butte au sein de la « garenne de La Chapelle », forêt appartenant au domaine du « vieux Château » près de l'église, que son père Georges Halphen avait déjà acquis en 1882. Après avoir rejeté le projet de style anglo-normand de l'architecte René Sergent, puis un premier projet de style médiéval (dessins au Musée d'Orsay), le commanditaire fixa son choix sur le second projet de Guillaume Tronchet : un château de style Louis XVI célébrant la chasse à l'extérieur et la musique à l'intérieur. La construction s'échelonne de 1908 à 1911.
Le plan du château est assez complexe. L'entrée se situe dans l'angle entre deux ailes obliques, sous un portique formé de colonnes toscanes. La façade principale se déploie à l'arrière et est animée par un avant-corps en hémicycle, dont la position est décentrée. Tout le second étage est bâti en retrait derrière une balustrade en pierre, formant ainsi une galerie permettant la découverte du paysage forestier des alentours. Sur les façades, des bas-reliefs dus à Georges Gardet célèbrent les plaisirs de la chasse. L'intérieur comprend notamment un théâtre, réplique de celui de l'Opéra-Comique, aujourd'hui utilisé par le restaurant de l'hôtel. Le décor intérieur est également l'œuvre de Georges Gardet.
Fernand Halphen ne put pas en profiter longtemps, car il fut mobilisé en 1914 et fut tué en 1917, durant la Première Guerre mondiale. ICI Sa veuve Alice de Koenigswarter (1878-1963) créa ensuite la Fondation Halphen, destinée à aider les élèves de composition musicale du Conservatoire, en faisant exécuter leurs œuvres. Durant la Seconde Guerre mondiale, le château fut vidé de son mobilier et vandalisé. En 1989, J.P. Hermier l'acheta aux descendants de Fernand Halphen et le fit transformer en hôtel, qui ouvre ses portes en 1990. En juin 1992, le groupe des hôtels Concorde acquiert l'ensemble de la propriété. L'hôtel comprend cent-neuf chambres dont cinq suites, un restaurant et une piscine couverte.
Petit reportage photographique sur l’intérieur de ma maison dans les bois
GEORGES
HALPHEN
DON D'UNE TUNIQUE DE PLUMES ICI
En 2002, Georges Halphen a fait don au musée d’une tunique de plumes, qui décline les thèmes figuratifs d’une iconographie consacrée par les cultes et les cérémonies funéraires des cultures péruviennes anciennes. Utilisée lors de rite funéraire, la tunique était l’une des composantes du fardo funerario, sorte de ballot de toile dans lequel la momie du dignitaire défunt était enfermée et enveloppée. Enterré dans un tombeau sacré (huaca), le corps se métamorphosait alors pour son voyage final.
Description de cette tunique de plumes dans l'ouvrage "Plumes d'éternité - Parures funéraires de l'ancien Pérou - Collection Georges Halphen" (Somogy, coédité avec la Maison de l'Amérique Latine, Paris, 2003):
« Les personnages sont représentés symétriquement, les bras étendus. Leur coiffure est de type semi-circulaire. Le dualisme andin est ici illustré par l’opposition de couleurs des deux paires disposées en diagonales, l’une présentant des coiffes rouges et des visages noirs, l’autre des coiffures bleues et des visages jaunes. La symétrie entre l’homme et l’oiseau est particulièrement présente. »