Louis Dreyfus Company (LDC) ça ne vous dit peut-être rien, sauf peut-être aux footeux qui ont connu Robert-Louis Dreyfus, qui fut pendant un temps le propriétaire de l’OM (Olympique de Marseille) et le boss d’Adidas, sur les ruines laissées par Bernard Tapie.
Moi j’ai connu Gérard-Louis Dreyfus, qui partageait son temps entre New-York et Paris, au temps où Jean Pinchon officiait dans les bureaux de l’avenue de la Grande Armée qui jouxtaient ceux d’Interagra du fameux Jean-Baptiste Doumeng. Gérard-Louis Dreyfus, qui vouait à mon boss une admiration sans bornes.
C’était la grande époque des excédents agricoles de l’Europe des 6, ce fameux Marché Commun si protecteur pour nos agriculteurs, (céréales, poudre de lait, beurre, viande) qui ont permis de nourrir les consommateurs de l’empire soviétique incapable de produire assez de nourriture pour sa population. Les appels d’offres, grâce au mécanisme des restitutions à l’exportation, permirent à Louis-Dreyfus, allié à Doumeng, d’empocher de grasses marges. Le Jean-Baptiste était copain comme cochon avec la nomenklatura soviétique, et plus particulièrement avec un certain Mikhaïl Gorbatchev, chargé des questions agricoles dans le gagatorium du Comité Central avant d’accéder à la première marche.
Bref, la maison Louis Dreyfus était une institution, en effet Pierre la 3e génération fils de Louis le fils aîné de Léopold (17 mai 1908 et mort le 15 janvier 2011) rallie de Gaulle à Londres où son engagement lui vaut d’être fait Compagnon de la Libération. J’ai le souvenir qu’il faisait l’objet au siège parisien de l’avenue de la Grande-Armée d’un immense respect et d’une quasi-vénération.
Maison secrète, c’était une commandite simple qui n’avait aucune obligation de publier ses comptes mais « officiellement » un code de déontologie non écrit évitait les dérapages. Lorsque je pris mes fonctions au cabinet je découvris dans mon portefeuille le dossier « alcool », l’un des plus obscurs, en France c’était le temps du Service des Alcools dépendant directement du Ministre du Budget, et le marché mondial de l’alcool (il s’agit ici de l’alcool neutre) était aussi important que celui des céréales et, bien sûr, Louis Dreyfus y était le numéro 1.
Si vous voulez tout savoir ou presque (la chronique à 7 ans, et de l’eau a coulé sous les ponts) reportez-vous ICI
1 décembre 2013
Si tu veux comprendre le monde mondialisé fixe les yeux dans les yeux les marchés de matières premières : mais qui c’est ce Louis Dreyfus ?
Ce matin c’est sur la toute-puissance de LDC dans le jus d’orange que je vais chroniquer.
En effet, lors d’un séjour dans l’Etat de São Paulo en février, un enquêteur d’une ONG helvétique Public Eye s’est penché sur le cas des fournisseurs ou autres filiales d’un géant des matières premières siégeant à Genève, Louis Dreyfus Company (LDC).
© Marcos Weiske
Les conditions de vie des cueilleurs, des «forçats» qui viennent souvent du nord du pays, sont précaires et elles se détériorent avec les années, pointe l’ONG. Les salaires sont souvent inférieurs au minimum légal chez des fournisseurs de LDC qui utilisent par ailleurs régulièrement des pesticides sans équipement de protection. Le groupe genevois respecterait pour sa part la loi dans ses rémunérations à ses salariés.
Présent sur toute la chaîne
LDC et les sociétés brésiliennes Cutrale et Citrosuco se partagent à elles seules 75% du marché́ mondial du jus d’orange, relève l’ONG. De quoi influencer à leur avantage les conditions-cadres et les tarifs, quitte à fixer le prix d’achat des fruits à un niveau parfois en dessous des coûts de production et concentrer encore plus le marché, selon l’ONG. Depuis le début des années 1990, 20 000 exploitations ont renoncé à la culture d’oranges car elles n’étaient plus rentables et il en reste 7000, selon l’association brésilienne des producteurs d’oranges, Associtrus.
L’intégration est également verticale. Jadis un pur négociant, LDC intervient désormais tout au long de la chaîne de valeur. La multinationale possède 38 plantations d’agrumes au Brésil, sur 25 000 hectares. Elle détient trois usines de transformation d’oranges, en concentré ou en jus, et emploie 8000 personnes au Brésil. Le groupe possède des terminaux portuaires pour le stockage du jus, à Santos, au Brésil, et à Gand, en Belgique, et trois navires pour son transport. LDC dit offrir ses services «de la ferme à l’assiette».
Mais il n’assume pas ses responsabilités sur cette chaîne logistique, selon Public Eye, qui souligne que l’inspection du travail brésilienne a enregistré près de 200 violations du droit du travail par LDC dans le secteur des agrumes ces dix dernières années.
«Vu le niveau du salaire minimum au Brésil, le débat est surtout éthique. Est-ce juste de payer des gens moins de 200 francs par mois pour cueillir jusqu’à 3 tonnes de caisses d’oranges par jour?» demande Adrià Budry Carbó, enquêteur chez Public Eye.
«Non seulement nous respectons les lois du travail au Brésil, mais nous nous efforçons constamment d’aller au-delà pour nous assurer que nos employés, permanents et saisonniers, travaillent dans un contexte sûr et sain et se voient offrir des avantages sociaux équitables et encourageants», répond le service de presse de LDC, contacté par nos soins.
L’entreprise dit avoir un code de conduite exigeant de ses fournisseurs qu’ils respectent les règles en matière de droits de l’homme, de santé et de sécurité, d’intégrité commerciale et d’environnement. «Nous travaillons en permanence avec nos fournisseurs pour que les règles soient respectées, indiquent les porte-parole. Si nous observons des problèmes, nous travaillons à leurs côtés pour les aider à se mettre en conformité. Si ces efforts échouent, nous cessons de commercer avec eux.»
Alors vous comprendrez que Tropicana très peu pour moi !
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