Rassurez-vous, je n’exprime en rien une opinion politique je me contente, une fois n’est pas coutume, d’être d’accord avec Mélenchon :
«Edouard Philippe est de droite et n'a jamais prétendu autre chose. C'est un homme élégant, d'un côtoiement agréable, un libéral assumé et qui le dit clairement», a assuré le chef de LFI. Avant d'embrayer sur la passion du locataire de Matignon pour la boxe : «Savoir le sport qu'il pratique aide à comprendre un homme politique. Lui, c'est la boxe. Regardez le faire! Quand il répond, il tourne et danse sur le ring le temps qu'il faut pour que vous baissiez la garde. À ce moment-là, il choisit le point où frapper : c'est un mot qu'il a pris dans votre discours, et il en fait ce qu'il veut, pan!», raconte-t-il. Reconnu pour ses joutes oratoires, Jean-Luc Mélenchon ajoute : «On peut aussi faire un peu d'esthétique en politique, j'y tiens».
Debré Michel janvier 1959 au 14 avril 1962, Pompidou Georges 14 avril 1962 au 10 juillet 1968, Maurice Couve de Murville, 10 juillet 1968 jusqu'au 20 juin 1969, Jacques Chaban-Delmas 20 juin 1969 au 5 juillet 1972, Pierre Messmer 5 juillet 1972 au 27 mai 1974, Jacques Chirac, du 27 mai 1974 au 25 août 1976, Raymond Barre 25 août 1976 au 13 mai 1981. …
Pierre Mauroy 21 mai 1981 17 juillet 1984, Laurent Fabius 17 juillet 1984 - 20 mars 1986, Michel Rocard 10 mai 1988 jusqu'au 15 mai 1991, Edith Cresson 15 mai 1991 au 2 avril 1992, Pierre Bérégovoy 2 avril 1992- 29 mars 1993 …
Jacques Chirac* du 20 mars 1986 au 10 mai 1988
Edouard Balladur* 29 mars 1993 -11 mai 1995, Alain Juppé 17 mai 1995 - 2 juin 1997.
Lionel Jospin*le 2 juin 1997 - 6 mai 2002.
Jean-Pierre Raffarin 6 mai 2002 -31 mai 2005, Dominique de Villepin 31 mai 2005 - 16 mai 2007, François Fillon 16 mai 2007 jusqu'au 10 mai 2012…
Jean-Marc Ayrault 15 mai 2012 - 31 mars 2014, Manuel Valls 31 mars 2014 – 5 décembre 2016, Bernard Cazeneuve le 6 décembre 2016 – 10 mai 2017…
Edouard Philippe 15 mai 2017 …
*Premiers Ministres de cohabitation : Chirac sous Mitterrand 1, Balladur sous Mitterrand 2, Jospin sous Chirac
Le nombre de premier Ministre de la Ve est de 23 mais Chirac l’ayant été deux fois sous Giscard qu’il « adorait » puis Mitterrand qui le fascinait, je n’en ai connu que 22.
Du côté de la droite qui a occupé le plus longtemps le siège éjectable de Matignon, c’est Edouard Philippe qui incarne pour moi le mieux ce qu’est un premier Ministre de la droite républicaine.
À gauche, sans surprise, c’est Michel Rocard, bien qu’entravé par la vieille garde Mitterrandienne, qui a mes faveurs, ainsi que Lionel Jospin, qui lui avait bien plus de liberté dans la cohabitation, mais trop rigide, entouré de technocrates avec en tête Olivier Schrameck, qui chutera lourdement à la présidentielle, trahi qu’il fut par les candidatures Chevènement et Taubira.
Bien évidemment, les à gauche je les ai tous pratiqués quand j’étais aux manettes, j’ai connu Valls dans l’équipe rocardienne, j’ai eu un faible pour ce pauvre Pierre Bérégovoy, une allergie folle de la gouvernance raide dingue d’Edith Cresson, j’ai toujours trouvé Ayrault d’une fadeur extrême…
Edouard Philippe lors du traditionnel défilé militaire du 14-Juillet sur les Champs-Élysées, en 2019. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE POUR « LE MONDE »
Edouard Philippe, un ambitieux en sursis avant les municipales et le remaniement Par Olivier Faye ICI
Donné favori du second tour des élections au Havre, il n’est pourtant pas sûr de rester premier ministre.
Décembre 1993. Edouard Philippe est heureux : il vient d’être admis à l’ENA. Le natif de Rouen s’est marré pendant vingt minutes après avoir appris la nouvelle.
Il arrive à un rendez-vous avec le journaliste Guy Jacquemelle, qui écrit un livre sur le grand oral (Le Grand Oral de l’ENA, éditions du Mécène, 1995), épreuve-phare du concours, à la fois test de culture générale et de personnalité. « C’est évidemment de la cooptation, reconnaît le jeune Philippe, 23 ans, lui-même fils d’un proviseur de lycée. C’est une épreuve où il faut être gris pendant quarante minutes tout en montrant qu’on sait ne pas être gris quand les membres du jury vous y invitent. » Il les a fait rire, une ou deux fois, mais pas trop ; mieux vaut éviter de passer pour un « cabot ». « Je n’ai pas été interrogé par la seule femme du jury. C’est dommage ! Il y a une composante de charme qui rentre en ligne de compte, crâne l’étudiant. Avec elle, je n’aurais pas joué la fibre maternelle, parce qu’elle est trop jeune. J’aurais joué le petit gars qui a peur, mais qui ne se dégonfle pas. » L’ambitieux maîtrise déjà tous les codes. De ceux qui vous ouvrent les portes sans avoir l’air d’y toucher.
Quel visage Edouard Philippe présentera-t-il au lendemain du second tour des élections municipales au Havre (Seine-Maritime), dimanche 28 juin, pour lesquelles il est donné favori face au communiste Jean-Paul Lecoq ?
Celui du premier ministre loyal acceptant de se « réinventer » sur le « nouveau chemin » du quinquennat que va dessiner Emmanuel Macron début juillet ? Celui de l’homme de droite qui préfère reprendre sa liberté plutôt que de donner le sentiment de se renier ? Ou bien celui du fidèle second qui prend sa lettre de renvoi sans dire un mot ?
« Il aura l’attitude qui correspondra à ce qui se passera. C’est vraiment un Normand », commente une ministre. « Emmanuel Macron sait qui je suis, ce que j’incarne, ce que je peux faire et ce que je ne peux pas faire », a d’ailleurs souligné le chef du gouvernement dans Paris-Normandie. Les grognards du chef de l’Etat ont trouvé la formule « habile ». Un peu trop, même. Car il est permis de lire, derrière l’humilité apparente, un aimable coup de pression : le populaire Edouard Philippe ne sera pas l’homme du virage à gauche ou du tout écologie.
Stratégie du « voleur chinois »
Dès mars 2017, le maire du Havre présentait la mine tranquille de celui qui ne réclame rien mais sait trouver sa place dans le décor. Une photo récemment exhumée par Paris-Match le montre avec Bruno Le Maire, Gérald Darmanin et Sébastien Lecornu en train de dîner chez leur ami, le député des Hauts-de-Seine Thierry Solère. Tous ont alors quitté la campagne à la dérive de François Fillon. Tous rejoindront Emmanuel Macron. Derrière l’objectif se trouve un certain… Jean-Louis Borloo.
Un mois plus tard, Philippe passe un grand oral face aux hommes du candidat Macron, Alexis Kohler, Philippe Grangeon et Stéphane Séjourné. Un dîner a été organisé dans l’appartement d’une personne tierce – discrétion oblige – à deux jours du premier tour de l’élection présidentielle. Bruno Le Maire et Thierry Solère l’accompagnent. En tant qu’ancien candidat à la primaire, le premier fait valoir sa stature et ses réseaux : il vise clairement Matignon en cas de victoire d’Emmanuel Macron. Philippe, lui, la joue discret. « Qu’est-ce que vous faites si le second tour c’est Fillon-Macron ? », leur demande Grangeon. Les trois hommes de droite bafouillent une réponse incompréhensible.
Le lundi, une fois l’ancien ministre de l’économie qualifié face à Marine Le Pen, Alexis Kohler convie Edouard Philippe et Thierry Solère à venir rencontrer le candidat. Le profil d’élu local du Havrais, représentant d’une droite humaniste, a plu. Son apparente humilité aussi. « Le talent, c’est de savoir coller aux circonstances politiques quand elles surviennent. Et de demeurer indispensable après », relève l’ancien député socialiste de l’Essonne Jérôme Guedj, ami du premier ministre depuis leurs années d’études à Sciences Po.
Cela fait maintenant trois ans que les macronistes se figurent Edouard Philippe en adepte de la stratégie dite du « voleur chinois », qui vient tous les jours dans le magasin pour déplacer de quelques centimètres l’objet de sa convoitise, avant de finir par l’emporter, ni vu ni connu. Cet objet, c’est le pouvoir. « Publiquement, c’est difficile de prendre Edouard Philippe en défaut de loyauté. Ça arrive plus dans l’exécution », note un député de La République en marche. Quand l’orientation prise à l’Elysée s’arrête en gare d’arbitrage de Matignon. Edouard Philippe étant du genre à considérer que les Romains ont tout inventé, il fait preuve d’une certaine humilité dans la conduite du pouvoir et respecte les permanences de l’Etat.
« J’ai toujours été méfiant vis-à-vis de ceux qui pensent que quelque chose de radicalement nouveau peut arriver en politique », écrit-il dans son autobiographie, Des hommes qui lisent (JC Lattès, 2017). Pas de chance, le livre d’Emmanuel Macron, lui, s’appelait Révolution (XO, 2016)0. « En 2017, le macronisme était un projet transformateur, et le juppéisme un projet gestionnaire. On croyait les deux solubles l’un dans l’autre, mais ils sont fondamentalement différents », tranche un proche du président de la République.
« Club anglais »
Cette dissonance s’est ressentie en particulier sur la réforme des retraites, que l’Elysée imaginait comme un tournant systémique. Au fil des semaines, le chef du gouvernement l’a fait muter en « projet de gestion financière », déplore un macroniste, avec l’adjonction sans chausse-pied d’un volet d’économies.
Il en va de même pour la très symbolique suppression de l’ENA envisagée par Emmanuel Macron au lendemain de la crise des « gilets jaunes ». Inquiet de la possible fin des grands corps au sein de la haute fonction publique, un membre éminent du Conseil d’Etat s’est ouvert un soir du sujet auprès des « tauliers » de Matignon que sont Edouard Philippe, son directeur du cabinet, Benoît Ribadeau-Dumas, et le secrétaire général du gouvernement, Marc Guillaume. Trois conseillers d’Etat qui vouent une fidélité sans borne à leurs corps d’origine. Un « club anglais », comme dit Edouard Philippe. « Nous tiendrons bon », répondent-ils en chœur à leur camarade.
En privé, Ribadeau-Dumas n’a de cesse que de tempêter contre la « course démagogique » consistant à crier haro sur les hauts fonctionnaires. « La haute fonction publique, c’est des gens payés beaucoup moins que dans le privé, et qui travaillent beaucoup plus. Ce n’est pas dans l’air du temps de dire ça… », peste-t-il. L’homme a fini par gagner dans la majorité le surnom de « Bulldozer ». Pour la peine, Edouard Philippe et son communicant Charles Hufnagel sont allés lui en acheter une réplique dans un magasin de jouets.
Nouvelle dimension
Le premier ministre a la politesse de l’humour. Au moment de grimper dans un avion, il peut lâcher : « Si cet avion s’écrase, alors là, Benalla, plus personne n’en parle ! » Mais il est surtout susceptible. « Très susceptible », selon l’un de ses plus proches amis.
Par exemple quand on lui reproche de ne pas assez protéger le président de la République. « Je n’ai pas le sentiment d’être en deuxième ligne. Quand ça chauffe, je suis où, ailleurs ? », réplique-t-il en petit comité. Qui est monté au front à l’Assemblée nationale au moment de l’affaire Benalla ? Et la réduction à 80 km/h de la vitesse sur les routes secondaires, qui l’a défendue face aux critiques ?
Cette décision très décriée est d’ailleurs l’une des rares qui porte sa marque. « Il ne cherche pas la réforme 100 % Doudou », jure un proche, qui rappelle toutefois l’implication de son patron dans la conduite de la réforme de la SNCF ou du dossier calédonien. En plus, bien entendu, de toutes les réformes prévues dans le programme Macron qu’il fallait faire atterrir.
Ce qui satisfait Edouard Philippe, c’est d’avoir duré trois ans (et peut-être plus si affinités). De s’être imposé à des ministres qui cherchaient à le contourner, au début du quinquennat, en allant quémander les arbitrages auprès d’Emmanuel Macron. « Une part de sa fierté, c’est d’être aujourd’hui considéré à la hauteur du poste, souligne son ami, le publicitaire Régis Lefebvre. C’est un type sérieux, Edouard. »
La crise due au coronavirus l’a fait passer à ce titre dans une nouvelle dimension. Il est apparu rassurant et concret. Prudent, surtout. La courbe de sa popularité a grimpé en flèche. « Les Français ont eu le sentiment que le président voulait aller vite en imposant la date du 11 mai pour le déconfinement. Edouard, lui, voulait prendre le temps, raconte un proche. Quand il présente le plan de déconfinement à l’Assemblée nationale, il met une nouvelle borne au 2 juin. Ce jour-là, les Français se sont dit : il y a quelqu’un qui nous protège. » « C’était la foire aux bretelles, aux ceintures, aux parachutes ! », cingle un ministre.
La phrase d’Emmanuel Macron rapportée à la télévision par Philippe de Villiers – « Edouard Philippe gère son risque pénal » – a mis en furie le locataire de Matignon. « Villiers est un zozo », souffle Philippe. « Il fait beaucoup de mal au pays avec ça », ajoute un proche.
Pointe d’exaspération
Les tensions entre l’Elysée et Matignon apparues à la faveur de cette crise ont réveillé une question aussi vieille que la Ve République : qui, au fond, exerce le pouvoir entre le président de la République et le premier ministre quand l’un et l’autre prétendent tenir le manche ? « C’est un peu comme Georges Pompidou en 1968. Il a pris une existence autonome pendant cette période », note l’ex-juppéiste Dominique Bussereau. En 1969, Pompidou remplaçait Charles de Gaulle à l’Elysée.
Les philippistes jurent néanmoins qu’ils savent où réside la légitimité du suffrage universel. « Edouard soutiendra le président en 2022 quoiqu’il arrive. Je suis assez sûr de moi quand je dis ça », affirme son ami et ancien conseiller spécial Gilles Boyer. Conquérir un jour l’Elysée ne serait pas une obsession du personnage, explique-t-on. Même si cela ne l’empêche pas de se placer dans le paysage. « Il y a trois ans, il n’imaginait pas être premier ministre », rappelle la députée (Agir) de Seine-Maritime, Agnès Firmin-Le Bodo.
Depuis quelques semaines, le réalisateur Laurent Cibien est enfermé en studio pour monter le troisième volet de sa série documentaire Edouard, mon pote de droite. Après la municipale du Havre, en 2014, et la primaire de la droite, en 2016, le nouvel opus de sa saga consacrée à Edouard Philippe racontera les coulisses de la vie quotidienne à Matignon. La diffusion interviendra à la fin de son bail à Matignon. Ce qui peut arriver « très vite », à en croire Edouard Philippe lui-même, qui répète ce mantra dans la presse havraise. Simple manière d’inciter les électeurs à lui accorder leurs suffrages dimanche, assure son entourage. Car une défaite le priverait de toute ambition future.
Mais le propos cache aussi une pointe d’exaspération ; il ne veut pas faire des pirouettes pour montrer qu’il serait capable de se réformer personnellement. « On ne lui demande pas de se teindre la barbe en bleu ou jaune, sourit un de ses remplaçants potentiels à Matignon. Mais, pour rester, il ne peut pas se contenter de vouloir limiter la vitesse sur la route et de contrôler les déficits. »
Edouard Philippe, de toute façon, est le contraire d’un homme pressé. En 1993, il expliquait ainsi à Guy Jacquemelle ne pas être fasciné par les trajectoires éclairs. « Les hommes politiques, les Fabius ou autres, qui sont de brillants ministres à 40 ans, me laissent rêveurs. Je ne suis pas sûr que ces gens laisseront quelque chose derrière eux, estimait-il. Je préfère quelqu’un qui commence sa carrière à 50 ans, comme de Gaulle, à quelqu’un qui la commence à 30 ans et qui ne fait pas long feu. » Edouard Philippe a aujourd’hui 49 ans. A cet âge-là, Emmanuel Macron aura sans doute achevé sa carrière politique.
Olivier Faye