Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron, mardi, à l'Élysée. © LUDOVIC MARIN / POOL / AFP
Pour ne rien vous cacher, pour avoir croisé une seule fois dans ma vie Emmanuel Macron, aux Invalides lors de l’hommage à Michel Rocard, je le trouve étriqué dans ses petits costars cintrés, emprunté comme un petit communiant sage, cravaté, engoncé, à son crédit élève de Paul Ricœur, garçon brillant pour les peaux d’âne chères à la méritocratie républicaine, même s’il se plante à Normale Sup, transgressif qu’avec Brigitte mais affreusement conformiste en presque tout, il veut toujours avoir le dernier mot sur tout. Je ne suis pas de ceux qui lui reproche son passage chez Rothschild, Pompidou et Emmanuelli l’ont fait aussi, même si ce n’étaient pas les mêmes. Sa chance il a su la saisir lorsqu’il perçut avant tout le monde que « François Hollande est un nihiliste », qu’il a enterré le PS avant les funérailles avec la collaboration active des « frondeurs » et de l’impérieux Manuel Vals.
Faute de mieux, comme à chaque présidentielle depuis que je vote, j’ai voté par défaut pour lui. Je ne le regrette pas car l’offre des Présidentiables était et reste d’une indigence qui atteint, sur l’échelle de Richter de la politique, des valeurs himalayennes.
La question de savoir s’il est un personnage de roman ou non, m’indiffère, mais alors pourquoi s’intéresser aux réponses de deux écrivains ?
Tout simplement parce que le sieur Bellanger exprime, bien plus brillamment que moi, pourquoi l’arrogant Macron a pu survivre à l’affaire Benalla, aux Gilets Jaunes et, peut-être à la présente crise sanitaire.
- La réponse du thuriféraire Philippe Besson
« Un personnage de roman », Julliard, 216 p., 18 euros
Pour l'écrivain Philippe Besson, Emmanuel Macron est « un personnage de roman ». Pas étonnant que le récit, par ce proche du président et de son épouse, de la conquête de l'Élysée par l'ancien ministre de l'Économie se lise comme un roman. ICI
Dans Atlantico, qui est plutôt de droite, Benoît Rayski sort la sulfateuse :
Du temps de la Rome antique l'empereur Caligula, un grand mégalomaniaque, fit de son cheval un consul. Du temps de la France 2018 Macron, un autre mégalomaniaque, fit d'un de ses favoris un consul.
La nomination de l'écrivain Philippe Besson au consulat de France à Los Angeles a soulevé une petite tempête parisienne. D'aucuns s'offusquent que l'on ait choisi pour ce poste un homme de lettres alors que tant de diplomates talentueux et chevronnés sont dans l'attente d'une affectation.
D'autres rappellent que ce poste convoité fut naguère, et quand même, occupé par un écrivain. Pierre Assouline, toujours bien inspiré, donne son nom : Romain Gary. Et ce dernier, écrit-il « doit se retourner dans sa tombe » en voyant qui lui succède. En effet entre Gary et Besson il y a une distance que le copain de Macron ne franchira jamais.
Mais le scandale n'est pas là où on le dit. Qu'un écrivain, même d'envergure moyenne devienne consul à Los Angeles n'est pas en soi une monstruosité. Il s'agit de bien autre chose et qui est infiniment plus grave.
Besson est un auteur à succès. Un de ses livres les plus remarqués porte comme titre Un personnage de roman. Et vous savez qui est ce personnage qui vaut un roman ? Emmanuel Macron! Une hagiographie enflammée…
Dans l'Evangile, selon St Besson le président de la République n'est quand même pas le Christ. Mais, en le lisant, on imagine que s'il le voulait il marcherait comme lui sur les eaux du lac Tibériade.
Le livre a séduit le président de la République. Il s'est pris d'amitié pour Philippe Besson qui avait besoin d’être consolé après une douloureuse déception amoureuse. Il a fait de lui un consul. Jamais, s'il connaissait le sens du mot "tact", il n'aurait dû le faire. Pas parce que Besson est écrivain. Mais parce qu'il a écrit "Un personnage de roman". Nommer quelqu'un qui vous a encensé, ou, soyons plus directs, qui vous a ciré les pompes, est un acte assez vulgaire.
La décence et la pudeur aurait commandé à Macron de ne pas proposer le poste de Los Angeles à Besson. La décence et la pudeur aurait voulu que Besson le refuse aussitôt qu'il lui a été proposé. Mais ces gens-là ont l'arrogance chevillée au corps.
- Celle du facétieux Bellanger
L’intégrale ICI
Mon choix illustré par la photo romanesque
On m’a souvent demandé si Macron était un personnage romanesque. Je ne suis pas sûr que le romancier que je suis s’y connaisse spécialement en personnages romanesques, mais je répond en général que le roman n’aime pas trop les personnages de premier plan. On fait de meilleures histoires avec un séminariste raté fou de Napoléon qu’avec Napoléon lui-même, et Rastignac lui-même ne fit jamais beaucoup mieux que ministre. J’aimais bien Sarkozy pour cela : une dimension de personnage secondaire, de valet de comédie, même au sommet de sa gloire.
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Non, je ne crois pas que Macron soit un personnage de roman. Sa trajectoire est trop nette et ses aventures trop institutionnelles. Si, comme Julien Sorel, on voit qu’il admire l’Empereur, avec lequel il accuse d’ailleurs une petite ressemblance physique — c’était le message immanquable de son discours à la Pyramide du Louvre —, il a, lui, épousé Madame de Rénal, et ainsi gardé sa tête. Je suis retombé l’autre jour sur ce fameux portrait de groupe des jeunes rocardiens (ndlr. Bellanger se trompe il s’agit de jeunes socialistes lorsque Rocard occupa le poste de 1er secrétaire du PS rue de Solférino) et, pour tout dire, j’ai trouvé cette seule photo plus romanesque que toute la séquence présidentielle du printemps.
Le principal rival de Macron y figure, comme la plupart des leaders ou ex-leaders socialistes actuels. Mais ce qui crève l’écran c’est une spectaculaire absence. Non pas celle de Macron, bien sûr, qui devait avoir 15 ans à l’époque. Ce qu’on ne peut s’empêcher de voir, fasciné, c’est la surnaturelle absence de charisme de Jean-Luc Mélenchon.
Qu’un professeur de Français en lycée technique dans le Jura soit devenu sénateur, c’est exceptionnel, mais ça demeure de l’ordre du possible — la magie des années Mitterrand. Ce n’est pas plus fou que d’imaginer qu’une petite ville de l’Essonne reçoive un opéra et une gare TGV. Tiens, justement : c’est la ville, dont il fut sénateur : on est déjà dans les dessous de l’histoire contemporaine, dans le romanesque pur. (Ndlr. Massy-Palaiseau de Claude Germon auprès duquel Mélenchon entama sa carrière voir plus bas)
Qu’il devienne ensuite ministre de l’enseignement professionnel cela appartient encore à sa logique biographique. Mais le reste, sa mutation récente en Jaurès, en héros de la jeunesse, en Mitterrand tardif — synthèse improbable de ces deux France qui normalement ne se parlent pas, celle de l’Ancien Régime et du respect de l’immuable, des privilèges obtenus et des statuts spéciaux, et celle de la Révolution : cela en fait un personnage romanesque. Non pas complexe, ni même éblouissant, mais glorieusement invraisemblable. Etant entendu, bien sûr, le pacte romanesque ne souffre aucune exception, qu’il n’accède jamais au pouvoir suprême.
La PHOTO-TITRE
Le 21 novembre 2017, Emmanuel Macron « a bien des défauts mais il a la qualité de ne pas fuir le débat », a déclaré Jean-Luc Mélenchon à l'issue d'un entretien avec le président sur l'Europe à l'Elysée.
Jean-Luc Mélenchon qui complimente Emmanuel Macron, voilà qui peut surprendre.
Avec l'actuel président, « ce n'était pas les numéros qu'on a connus ici dans un passé proche » quand « on avait l'impression de discuter avec une anguille », a ajouté, sans citer de nom, le chef de file de La France insoumise (LFI) à la presse dans la cour de l'Elysée.