Au premiers temps du confinement nous avons frôlé la cata, les œufs avaient disparus des rayons, ICI ça me rappelait mon séjour à Constantine où régulièrement c’était « y’a plus de patates… y’a plus de pâtes… y’a plus de bouteilles de gaz… », même si souvent y’en avait dans la soupente pour faire grimper les prix, Il faut dire que l’oeuf est bon marché et peut se conserver assez longtemps. Il se consomme en moyenne 28 jours après la date de ponte. Et puis, ça s’est stabilisé.
NATURE MORTE AUX ŒUFS ,FERNAND GUERY-GOLAS
En temps ordinaire je suis un assez gros consommateur d’œufs sous toutes ses formes, œufs à la coque, œufs mimosas, omelette, base de la carbonara, pâtisseries… Pendant le confinement ce fut un stock stratégique que j’ai bien géré.
Les chefs, les chroniqueurs gastronomiques, nous ont inondés de recettes, soi-disant faciles à réaliser, sauf que très souvent ces grands et beaux esprits y incorporaient des ingrédients introuvables en temps de confinement.
Et puis, Blandine Vié vint, elle republiait sur un site un article publié le 11 janvier 2019 : Elle a beau être un de nos petits plats quotidiens, réussir une omelette c’est tout un art !
Les Oeufs, Claude Monet 1907, huile sur toile 73x92cm, collection particulière Etats-Unis
Le journaliste gastronomique Francis Amunategui (1898-1972) disait d’elle : « L’omelette est le fourre-tout de la cuisine, c’est le plat le plus accueillant du monde. » Qu’elle se présente plate comme une crêpe, épaisse comme une tortilla, souplement roulée ou rebondie façon chausson, ce petit plat du quotidien passe même pour être trop banal. Oui mais… elle n’est pas pour autant si facile à réussir ! ICI
Excellent article à lire pour tous les novices des fourneaux et des plaques chauffantes, je ne citerai pas de noms afin de ménager certaines susceptibilités, chez beaucoup de nos concitoyens « ne pas savoir faire cuire un œuf… » est génétique. Alors, leur demander de se faire une omelette équivaut pour eux d’affronter l’Everest en tongs.
Quand j’étais gamin au Bourg-Pailler j’étais préposé à la recherche des œufs, les poules de mémé Marie jouissaient d’une liberté totale, ce qui faisait marronner mon père car ces dames fientaient joyeusement sur ses belle machines agricoles, et elles pondaient dans des lieux improbables. Parfois, je découvrais dans le creux de la paille des nids œufs punais, très vieux, pourris, qui sentent mauvais, puant lorsqu’on brise la coquille et Dieu sait s’ils nous arrivaient parfois d’en balancer sur des murs pour faire les marioles.
L’omelette faisait partie des menus du soir au Bourg-Pailler, agrémentées d’oignons et de lard frits et accompagnée d’une salade du jardin.
À ce stade de ma chronique je me dois de faire un coming-out un peu humiliant : très souvent les hommes, lorsqu’ils raillaient entre eux quelqu’un, disaient : « C’est une Hommelette ! » moi phonétiquement j’entendais « Omelette ! » et je ne voyais pas le rapport. Comme dans aucun texte à l’école il n’était question d’Hommelette je suis resté un bon moment face à ce mystère, j’étais trop fier pour demander une explication.
Hommelette, substantif féminin, péjoratif : « Homme qui n'a rien des qualités et des vices de l'homme » (Delvau 1883).
Et puis, en griffonnant cette chronique, mes neurones déconfinés se sont souvenus que j’avais dû commettre une chronique sur l’omelette.
Bonne pioche, c’est ICI
Nos voisins d’au-delà des Pyrénées, qui ne portent pas forcément les Français dans leur cœur, revendiquent la paternité de l’omelette comme l’indique cette anecdote rapportée dans un livre que je suis en train de lire « Aujourd’hui caviar, demain sardines » aux éditions de l’Épure :
Le problème c’est que vous autres, les étrangers (ndlr en l’espèce des Uruguayens), vous croyez que tout ce que font les Gaulois, c’est le meilleur du monde. Et en fait, la vérité, c’est qu’ils s’approprient tout ce qui nous appartient, même l’omelette française est espagnole ! Regardez, regardez là – dit-elle en me montrant un livre qui, si j’en crois l’usure, doit être sa bible : le manuel de cuisine régionale de la section féminine de la Phalange –, c’bien clair, là, la recette de l’omelette française a été inventée par un cuisinier de Philippe II qui l’appela l’ « omelette de la Cartuja ».
Au XVIIe « faire une omelette » signifiait déjà « casser des choses fragiles ». Au milieu du XIXe, l’expression évolua et veut dire que l’on n’arrive à rien sans prendre de risques et qu’il faut savoir accepter et assumer les dommages collatéraux qui découlent de toute entreprise humaine.
Cette locution proverbiale devenue expression française fut vulgarisée par Balzac dans Scènes de la vie privée…
- Voulez-vous arriver ? s’écria le grenadier.
- Au prix de tout mon sang !... Au prix du monde entier !... répondit le major.
- Marche !... On ne fait pas d'omelette sans casser des œufs !...
J’y proclamais : viva la frittata di maccheroni !
Sauf que mon oeuvre était un peu cramée, j’ai donc décidé de la refaire...