Que le secteur du vin, comme beaucoup de secteurs économiques, ait souffert à la fois du confinement de la population et de la fermeture des restaurants, à signaler tout de même que la GD est restée ouverte et que la plupart des cavistes ont assuré le service, je le reconnais sans peine.
Que les TPE du vin bénéficient d’un plan de soutien au même titre que les autres entreprises c’est logique.
Un point m’interroge : pourquoi distiller, avec aide de l’État, un volume très important d’AOP-IGP ? On avance le chiffre de 3 millions d’hl ce qui équivaut à 400 millions bouteilles de 75cl.
Les vins AOP-IGP, comme tous les vins sont stockables, je crois même que pour parer aux mauvaises récoltes l’INAO et les ODG ont prévu des réserves permettant aux vignerons d’alimenter régulièrement leurs circuits commerciaux.
On va me rétorquer qu’il s’agit de faire rentrer des liquidités dans les trésoreries asséchées et de libérer les cuves pour la prochaine récolte (le mythe de l’AOP-IGP en bouteilles en prend un coup sur la casquette.
Sans vouloir jeter la pierre à Bordeaux, je rappelle ce que j’ai écrit :
4 décembre 2019
Le repli subventionné des Bordeaux et Bordeaux Sup en VSIG c’est de la concurrence déloyale ! Faudra songer, comme le Midi rouge l’a fait, à une solution plus radicale… ICI
J’en reste là pour deux raisons : tout d’abord je n’ai nulle envie de me faire traiter de nantis par l’intersyndicale des vins, je leur signale à toute fin utile que je suis un client-consommateur et un contribuable conséquent, ensuite, tenant l’actuel Ministre de l’Agriculture pour ce qu’il est, il n’est pas de saison de tirer sur les ambulances on aurait plutôt tendance à les applaudir.
Je vais me permettre de sortir de la naphtaline comment on gérait les excédents au temps des vins de table.
Jean Pinchon, le normand producteur de cidre et de calvados, ancien directeur de cabinet d’Edgar Faure Ministre de l’Agriculture, homme de l’ombre chez Louis-Dreyfus, propulsé à la tête de l’INAO par Michel Rocard afin de mettre fin au monopole de Bordeaux, aimait les discours et, lorsqu’il recevait la Ministre, il ne manquait pas de lui rappeler que, contrairement aux vins de table, les AOC ne coûtaient pas un rond à la République et lui rapportaient beaucoup.
16 février 2015
Comment nomme-t-on un Président de l’INAO ? Le fait du Prince ! ICI
En effet, le règlement de l’OCM vin était exclusivement tourné vers la gestion du marché des vins de table structurellement excédentaire du fait de la chute de leur consommation.
La mécanique, entièrement prise en charge par le budget européen, elle était généreuse cette Europe aujourd’hui vouée aux gémonies, était une petite merveille :
1° sitôt la récolte un petit coup de distillation préventive : exit le picrate pas très présentable !
2° souscription de contrats de stockage à court et long terme pour tenir le prix du marché.
3° en fin de campagne pour les vins stockés à long terme : distillation des vins stockés à long terme à un prix rémunérateur, ça s’appelait la garantie de bonne fin.
Bien sûr, mes éminents collègues œuvrant au 78 rue de Varenne n’ont pas la queue d’un souvenir de ce temps préhistorique où la chaudière des distillateurs fumait, que le Service des alcools était l’un des lieux de pouvoir de la République, Montredon : 2 morts, qu’en 1981 les CAV versaient du mazout dans le pinardier Ampélos à Sète, qu’à Bruxelles le chargé du vin s’appelait Chiappone, qu’il a fallu instaurer la distillation obligatoire dans les accords de Dublin pour pouvoir acter l’entrée de l’Espagne dans le Marché Commun, qu’il a fallu arracher des milliers d’ha de vigne pour faire entrer le Midi rouge dans la modernité…
Bref, la réalité nous revient en pleine poire, les AOP-IGP grand bassin déversoir de tous les espoirs des viticulteurs en quête de la reconnaissance, exit le jaja populaire nous sommes tous des vignerons auteurs de petites cuvées étiquetées, que nous soyons VIF ou coopératifs, laissons aller les rendements la grande éponge de la GD et des Chinois réunis absorbera !
Et puis patatras, la conjonction d’un désamour baptisé Bordeaux-bashing, des excentricités du blond dans le vent Trump qui taxe et de l’essoufflement de l’économie chinoise du souriant Xi Jinping, de la crise sanitaire… revoici revenu le temps des excédents.
Pure conjoncture ?
Les grands chefs proclament : repartons à l’offensive sur notre marché intérieur !
Pure illusion, celui-ci qu’il soit domestique ou européen ne va donner beaucoup de marges de manœuvre.
Alors il va bien falloir se résoudre à réfléchir sérieusement à la gestion des excédents structurels des AOP-IGP, ce sera douloureux pour les beaux esprits de la CNAOC et de l’INAO, mais l’histoire nous a appris qu’à trop tarder, à tergiverser, ça se termine par des arrachages.
Consultée par Vitisphere, une lettre envoyée à l’exécutif demande de gonfler le paquet d’aides envisagé pour que le vignoble surmonte la crise sanitaire du coronavirus.
Après la montée de l’insatisfaction dans le vignoble, les revendications tombent sur les ministères. Envoyant une réponse au plan gouvernemental d’aides sectorielles présenté ce 11 mai, les principales organisations viticoles* signent ce 14 mai une lettre précisant leurs demandes aux ministres de l’Agriculture et de l’Economie, soit Didier Guillaume et Bruno Lemaire. Remerciant l’exécutif pour ses « premières annonces », les représentants du vignoble soulignent que « ce plan est très insuffisant et n’est pas à la hauteur de ce que représente la filière viti-vinicole pour la France (600 000 emplois sur le territoire et 12 milliards d’euros à l’export) ».
Le gouvernement ayant prévu une clause de revoyure, la filière précise ses demandes, notamment sur la gestion des volumes invendus pesant sur les marchés. A l’enveloppe gouvernementale de 140 millions € pour la distillation de 2 millions d’hectolitres de vin (un prix moyen de 70 euros par hectolitre), le vignoble français confirme un besoin de 260 millions € pour désormais 3,5 millions hl d’excédents (avec un prix de 80 €/hl pour les AOP/IGP et de 65 €/hl pour les VSIG, ainsi qu’une aide de 20 millions € pour les distillateurs). « Le dispositif ne doit comporter ni contingentement par région, ni contingentement par segment » ajoute le courrier aux ministres, ne souhaitant pas plafond en volume pour la distillation, mais évoquant le souhait d’« une réduction linéaire des volumes engagés identique pour toutes les souscriptions en cas de dépassement des demandes par rapport à l’enveloppe ». Ce mécanisme incitatif étant complété par une menace de « sanction financière en cas de non-livraison de la totalité ou d’une partie des volumes accordés après réfaction ».
"Vins conservés plutôt que distillés"
Jugeant injuste l’utilisation de 80 millions € du programme national d’aide pour financer toute distillation, la filière demande au gouvernement de maintenir la pression pour que Bruxelles débloque de l’argent frais. Afin de financer les mécaniques de gestion des excédents, y compris le stockage privé, auquel les vignobles septentrionaux sont plus enclins. En la matière, le courrier indique qu’« une aide de 10€/hl/12 mois serait précieuse pour les vins qui peuvent être conservés plutôt que distillés ».
50 à 100 % d’exonération de charges sociales
Les modalités d’éligibilité à l’exonération de charges sociales suscitant l’incertitude la plus complète dans le vignoble, les représentants viticoles fournissent au gouvernement des « précisions sur le mode de fonctionnement de nos filières de manière à dimensionner le dispositif » afin de redimensionner l’enveloppe (trois fois inférieure aux cotisations nationales pour un trimestre selon la MSA). Si les metteurs en marché enregistrent depuis mars une chute brutale de leurs ventes depuis le confinement, les opérateurs sous contrats avec des négociants ou adhérant à une cave coopérative ne ressentent pas encore commercialement les conséquences de la crise du coronavirus.
« Pour ces différentes raisons, nous vous proposons le dispositif suivant : une exonération de charges de 50 % systématique pour toutes les exploitations, toutes le caves coopératives et leurs unions quelle que soit leur taille, ainsi que les groupements d’employeurs » propose la filière. Ajoutant qu’« au-delà de 50% de pertes de chiffre d’affaires, nous souhaitons 100% d’exonération de charges ». Dans le premier cas, la filière propose de simplifier la mesure avec une application automatique de l’exonération par la MSA. Dans le second cas, les entreprises devraient poser un dossier justifiant de leur perte d’activité (celui de la cave coopérative pour les viticulteurs apporteurs). Dans tous les cas, il s’agirait d’une exonération des charges sociales et patronales concernant l’année 2020.
Fin des demandes de distillation le 20 juin
N’oubliant pas de relancer les demandes de fonds de compensation aux mesures de rétorsion américaines (ou de résolution diplomatique du conflit aéronautique), de « demande de prise en charge des intérêts d’emprunts en cas de négociation d’année blanche avec les banques », de réduction de la TVA en CHR pour les boissons alcoolisées (ce qui est le cas en Corse) et d’allégement de la fiscalité sur les stocks (mécaniquement à la hausse), la filière vin rappelle que le temps presse. Avec une adoption des mesures de gestion des excédents prévue ce 3 juin, lors d’un conseil spécialisé vin de FranceAgriMer, la réception des souscriptions à la distillation devrait s’achever « au plus tard le 20 juin ». Après le temps des revendications, celui des négociations s’ouvre.
* : Soit la Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à Appellations d'Origine Contrôlées (CNAOC), les Vignerons Coopérateurs de France (CCVF), la Confédération des vins IGP (Vin IGP), les Vignerons Indépendants de France (VIF), l’Association Générale des Producteurs de Vin (AGPV) et la commission viticole de la Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles (FNSEA).
" Vous avez de tout temps inscrit bien haut, au fronton des appellations d'origine, l'exigence de la qualité. Il faut que par-delà les proclamations l'on retrouve dans chaque bouteille vendue sous le cachet de l'authenticité de l'appellation un produit irréprochable. Dans d'autres domaines certains producteurs ont payé et payent encore très cher les libertés qu'ils ont pris avec les exigences qualitatives.
En termes simples : surveillez les rendements, n'admettez pas facilement les dérogations, ne tolérez plus très longtemps mes délimitations imparfaites ou absentes, soyez exigeant lors de l'accession à l'appellation d'origine.
Je salue volontiers volontiers votre orientation vers plus de rigueur, mais permettez-moi d'attendre un peu les résultats pour vous transmettre les félicitations. Bien sûr je ne suis pas là pour distribuer des bons ou des mauvais points mais pour encourager vos efforts..."
Extraits du discours de Michel Rocard, Ministre de l'Agriculture, devant la session itinérante du Comité National de l'INAO, le 17 mai 1984 à Montpellier.
En faisant des recherches je suis tombé sur cela :