FRANÇOIS MITTERRAND, SALVADOR ALLENDE, GASTON DEFERRE ET CLAUDE ESTIER AU PALAIS DE LA MONEDA, À SANTIAGO AU CHILI, LE 19 NOVEMBRE 1971.(DR/IFM) |
Nous sommes dans la France du président Pompe, qui dénonçait « les odeurs d’égouts » de l’affaire Aranda. Pierre Viansson-Ponté écrivait dans le Monde « Il fonce tête baissée, le sourcil en bataille, l’œil allumé, le ton caustique, féroce et déterminé. L’opposition, la majorité, la presse, l’ancien Premier Ministre, les parlementaires, chacun reçoit son paquet. Adieu les prudences et les platitudes apaisantes d’un président épanoui et sécurisant. Il ronronnait et voici qu’à nouveau il griffe et il fait mal. »
Ma licence en Droit bouclée j’entame ma thèse sous la direction intriguée, vu le sujet, du doyen de l’époque à la Fac de Nantes, Yves Prats ICI (frère de Bruno, alors propriétaire de Cos d’Estournel et Petit Village) dont j’ai appris récemment le décès le 13/02/2020 à l'âge de 80 ans, si je l’avais su je me serais rendu le 26/02/2020 à 10:30 à l’Église Saint-Sulpice pour lui rendre un dernier hommage. Nous étions devenus amis, mon parcours peu orthodoxe lui plaisait beaucoup.
J’étais en sursis, pardon je bénéficiais d’un sursis pour effectuer mon service militaire, et comme je n’avais pas envie de me retrouver dans une caserne je me renseignais, lors de mes passages à Paris pour ma thèse, sur les conditions à remplir pour le faire en tant que VSNA.
Le 4 septembre 1970 Salvador Allende, candidat de l'Unité populaire (regroupant le Mouvement de la gauche révolutionnaire et le Parti communiste), est élu président de la République du Chili, est le premier « marxiste » latino-américain élu démocratiquement. Il ne doit cependant son élection à la présidence, avec un peu plus du tiers des suffrages, qu'à la division de ses adversaires.
À la tête d'une coalition hétéroclite qui va des radicaux centristes à l'extrême-gauche révolutionnaire et violente, le MIR, il voit se dresser en face de lui une droite qui va des milieux d’affaires jusqu’à la moyenne bourgeoisie en passant par une fraction des classes populaires victimes des pénuries « mouvement des casseroles ».
Vu de Paris, la gauche, l’officielle de Mitterrand et du PC, la 68 hard gauchiste, a les yeux de Chimène pour Allende.
Bourlinguant du côté du PSU j’en suis, alors pourquoi ne pas être VSNA au Chili d’ Allende ?
En théorie c’est possible sauf que je suis lesté de 2 handicaps rédhibitoires : je ne parle pas espagnol et j’ai CV qui sent le soufre.
J’insiste, on ne me dit pas non, je remplis le dossier, mais au bout du bout ce sera l’Algérie pourvue du plus gros bataillon de coopérants.
11 septembre 1973 : Chili : putsch de Pinochet
Moi je viens d’arriver à Constantine avec ma petite famille et mon boxer Ulysse, si ça avait été Santiago-du-Chili…
De retour à Paris en septembre 1975, les exilés chiliens jouaient déjà de la flute de pan dans les couloirs du métro.
L’expérience chilienne m’a toujours intéressée dans le sens où, même si ça déplaît à la vision de l’extrême-gauche, elle est emblématique des illusions d’un passage démocratique non-violent d’une économie capitaliste à une économie de type étatiste, un nouveau Cuba.
3 juin 2008
« Drôles de Dames » Las Niñas de Santa Cruz Chile, elles décoiffent… ICI
Par la suite, je me suis aussi intéressé au Chili pour son irruption dans les échanges mondiaux du vin, tout d’abord, lors de ma mission dans VDN dans les PO où j’eux des discussions passionnées et passionnantes avec Bernard Dauré qui avait investi dans le vignoble chilien avec son ami de La Martiniquaise, qui avait racheté l’entreprise Dauré. Et puis, lorsque je commis mon fichu rapport en rentrant de Vinexpo.
Mercredi 20 juin 2001 : de retour d’une journée entière passée à arpenter les allées de Vinexpo…
L’Australie, la Nouvelle-Zélande, les USA, le Chili, l’Argentine, l’Afrique du Sud, la déferlante des vins du Nouveau Monde va-t-elle naufrager la viticulture du Vieux Continent.
À Vinexpo, à en croire certains, la France vinicole, sûre d’elle et dominatrice, en serait la première victime. Déjà, sur le marché anglais, face à la coalition des pays du Nouveau Monde conduite par les australiens, sa part de marché s’effrite inexorablement.
Et puis j’ai lu Le Monde du bout du monde de Luis SEPÚLVEDA El Mundo del fin del mundo traduit par : François Maspero.
Un garçon de seize ans lit Moby Dick et part chasser la baleine. Un baleinier industriel japonais fait un étrange naufrage à l’extrême sud de la Patagonie. Un journaliste chilien exilé à Hambourg mène l’enquête et ce retour sur les lieux de son adolescence lui fait rencontrer des personnages simples et hors du commun, tous amoureux de l’Antarctique et de ses paysages sauvages. Il nous entraîne derrière l’inoubliable capitaine Nilssen, fils d’un marin danois et d’une Indienne Ona, parmi les récifs du Cap Horn, sur une mer hantée par les légendes des pirates et des Indiens disparus, vers des baleines redevenues mythiques.
« Le Monde du bout du monde a les vertus des coquillages de nacre que l’on colle à son oreille : la musique de ses phrases nous révèle le bruit sans âge de la mer. »
Michèle Gazier, Télérama
« Je me souviens particulièrement de l'un d'entre eux. Un homme très grand et corpulent, chevelure rebelle et barbe blanche, qui après avoir été péon d'estancia, châtreur de moutons, contremaître, puis marin sur le bateau-école Baquenado et enfin baleinier, a fait une pause dans ses courses sur les mers australes pour devenir le plus grand écrivain du Chili. Il s'appelle Francisco Coloane, il doit avoir quatre-vingts ans et, chaque fois qu'un ami lui rend visite, il l'emmène naviguer sur les canaux et les mers du Bout du Monde...
Ma fille Anne-Cécile m’a offert Le vieux qui lisait des romans d'amour, son premier roman traduit en français qui fut un des succès de librairie.
Enfin, lorsque je me lançai dans l’aventure de mon blog, je décidai de mettre en ligne un roman du dimanche, mon héros se rendit au Chili : CHAP 8 s’intitulait de la FAR à l’UP en passant par les BR.
FAR = Fraction Armée Rouge RFA
UP =Union Populaire Allende Chili
BR = Brigades Rouges des années de plomb Italie
Voir des extraits en fin de chronique.
Biographie de Luis Sepúlveda ICI
CHAP 8 : de la FAR à l’UP en passant par les BR, Allende avait informé Claude Estier qu’«il fallait absolument que Mitterrand vienne au Chili»
En novembre 1970, Salvador Allende avait informé Claude Estier, l’un des fidèles parmi les fidèles du Florentin qu’« il fallait absolument que François Mitterrand vienne au Chili». Ce voyage revêtait, nous faisait-il remarquer avec gourmandise, la plus haute importance : François Mitterrand n’était pas uniquement un socialiste, il était le leader du parti socialiste français depuis le Congrès d’Epinay où, en s’alliant à la fois aux cryptocommunistes du Cérès de Chevènement et aux bastions traditionnels de l’ex-SFIO drivés par Gaston Deferre, il avait mis la barre à gauche toute. En tant que tel, se rendre au Chili serait une preuve de la volonté française d’instaurer une solidarité socialiste internationale avec le Chili. Ce choix était d’autant plus judicieux dans la mesure où l’Unité Populaire chilienne venait à peine de fêter sa première année au gouvernement et que son action était considérée comme exemplaire par la gauche française. Le nouveau leader du parti socialiste français pourrait ainsi être aux côtés de l’homme qui incarnait cette expérience insolite, la « Révolution dans la légalité ». Salvador Allende incarnait cette idée neuve du socialisme que François Mitterrand souhaitait mettre en place en France en parvenant à la signature d’un programme commun de gouvernement avec le parti communiste.
CHAP 8 : « Le Chili est une synthèse intéressante et originale. Il s’agit de démontrer aux Français que cette voie est possible » déclare Mitterrand
Lorsqu’en novembre 71 François Mitterrand posait le pied sur le tarmac de l’aéroport Arturo Merino Benitez de Santiago, flanqué de Gaston Deferre et de Claude Estier, j’étais aux premières loges pour jauger l’accueil des autorités et de la presse de l’Allende Français. Le tout nouveau premier secrétaire du PS, qui n’avait pas encore limé ses canines, un peu empâté, ressemblait à un cheval de retour fourbu, entre deux âges, alors que le vieux Deferre, qui passait son temps à mitrailler tout ce qui bougeait avec un petit Instamatic Kodak, paraissait primesautier et coquin. Dès ses premières déclarations Mitterrand ne cachera pas l’objectif de son voyage : « Le Chili, dira-t-il, est une synthèse intéressante et originale. En France, pays industriel avancé dans la zone d’influence occidentale, il est peu probable que puisse se développer une action violente sans qu’elle soit réprimée par les forces de la grande bourgeoisie. Le mouvement populaire peut, en revanche, légitimement penser l’emporter par la voir légale : grâce au suffrage universel et aux pressions des travailleurs dans les secteurs en crise. Il s’agit de démontrer aux Français que cette voie est possible. La preuve ? Le Chili est en train de l’apporter ». Danièle la militante, la gardienne de l’orthodoxie, l’épouse délaissée mais non résignée, ne faisait pas partie du voyage et elle ne put ainsi serrer la main d’une ses futures idoles : Fidel Castro.
En effet, le 10 novembre l’emblème de la Révolution cubaine débarque lui aussi à Santiago pour témoigner de la gratitude de son peuple qui « n’oubliera jamais que la première mesure décrétée par le nouveau président a été le total rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays, défiant le pouvoir de l’impérialisme qui avait imposé aux gouvernements d’Amérique latine, à l’exception du Mexique, la rupture des relations avec Cuba, et elle n’oubliera pas non plus son courageux geste d’aller chercher et accompagner les trois Cubains et les deux Boliviens survivants de la guérilla du Che, en sa condition de président du Sénat du Chili». En réponse, le bon docteur Allende déclare «La présence de Fidel et les magistraux enseignements de ses discours ont affermi la foi révolutionnaire des peuples latino-américains». Le mythe Allende se construisait et Danièle Mitterrand, grande gardienne des libertés, saura toujours préserver le Cuba du Leader Maximo de son champ d’indignation. La grande caisse de compensation entre les dictateurs permettra de vilipender l’ignoble Pinochet au regard fourbe caché derrière ses lunettes noires en invoquant les mânes d’Allende « La lutte des peuples ouvrira inexorablement les grandes allées qui conduisent au futur. L’histoire de Salvador Allende brillera alors comme un soleil infini».