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9 avril 2020 4 09 /04 /avril /2020 06:00

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« La critique d'art est aussi imbécile que l'espéranto. »

 

Blaise CENDRAS

 

Le Mooc (de l'anglais Massive Open Online Course), aussi appelé « cours en ligne ouvert à tous », est un outil de formation à distance via Internet.

 

« Il y a des livres pour être lus et des livres pour être là » disait Jean Cocteau dont la phrase exacte ne visait pas ce qu’on qualifiait alors les beaux livres et qui allait devenir ce que les Anglais allaient bientôt, devant l’inflation des parutions, appeler « les livres de table de salon » Ceux que l’on place ostensiblement pour impressionner les invités.

 

Aujourd’hui, ces livres d’art pullulent, au point qu’on en trouve beaucoup dans les solderies.

 

Dans mon  enfance, il y en avait un à la maison. C’était un cadeau d’entreprise reçu par mon père pour les fêtes de fin d’année. Il appelait cela, peut-être improprement « une perruque». Peut-être se sentait-il mal à l’aise et redoutait-il de commettre un abus de bien social puisqu’il l’avait reçu « au bureau ».

 

Ce livre me plaisait beaucoup et j’étais le seul des quatre enfants à montrer ce plaisir. Le jeudi après-midi j’avais accès au salon. Je pouvais m’asseoir dans le grand fauteuil de mon père. Il était tout à côté du grand poste de radio en bois vernis où l’écran affichait les noms de stations qui laissaient rêveur tel Radio SOTTENS. Il avait aussi un oeil vert fluo permettait de affiner la réception.

 

Le livre sur les genoux je feuilletais l’ouvrage en prenant bien soin de n’attaquer la page à tourner que par l’angle en haut à droite comme si ma grand-mère maternelle m’observait par-dessus mon épaule prompte à me rappeler sèchement à l’ordre de sa voix glaciale et autoritaire

 

C’était un livre de peintures composé d’une reproduction d’un tableau en plein page de droite et d’une légende au format carte postale centrée sur la page de gauche en vis à vis.

 

Seule une reproduction me captivait et retenait mon attention.

 

Je jetais au passage un coup d’œil sur un portrait qui me rappelait l’actrice Geneviève Page. Ce portrait précédait « La ronde de nuit de Rembrandt » qui me mettait en bouche car la peinture suivante n’était autre que « L’homme au casque d’or » du même Rembrandt.

 

L'Homme au casque d'or — Wikipédia

 

Je passais alors des heures à observer, contempler, détailler le tableau. A imaginer aussi l’artiste au travail et le voyage pour aller le contempler.

 

Puis la famille a éclaté. Je ne sais où est passé l’ouvrage.

 

L’adolescence m’est tombée dessus comme une maladie dont j’ai mis des années à me remettre. Mais « L’homme au casque d’or » restait caché dans ma mémoire, mon musée personnel. Il se rappelait à moi de temps de temps en temps. A chaque fois, comme le presbytère et le jardin du «Mystère de la chambre jaune » il n’avait jamais perdu de son charme ni de son éclat.

 

Autour de la quarantaine, bien que d’éducation catholique je suivais des cours à la faculté de théologie protestante. C’est au hasard de la fermeture du secrétariat de la faculté de théologie catholique que je me suis inscrit chez « ceux d’en face », trop paresseux pour revenir faire la queue et remplir les formalités nécessaires.

 

A la même époque je me suis séparé de la mère de mon ainé .Perturbé par cette pénible péripétie, j’ai quelque peu séché les cours. Un après-midi le téléphone sonne : c’est mon professeur de théologie qui s’inquiète de ne plus me voir. Je lui donne quelques explications moroses et désabusées. Il me recommande de ne pas les oublier et m’invite à partir en voyage d’étude sur les traces des Huguenots émigrés à Berlin suite à la révocation de l’Edit de Nantes. Ce sera préférable plutôt que de  vous morfondre, voir vous complaire dans une solitude stérile, ajoute-t-il.

 

Berlin ! Bien sûr que je vais y aller. D’ordinaire je n’aime pas les voyages. L’expérience a montré que je suis incapable de choisir une destination parmi toutes celles qui me tentent. Je justifie cette aboulie par une boutade du genre : Les pyramides ou les chutes du Niagara n’ont pas besoin de moi pour être admirées. Mais un voyage avec un groupe partageant en commun quelques centres d’intérêts, pourquoi pas. Et Berlin avec son mur, plutôt deux fois oui.

 

Et même trois fois oui, car à Berlin, au musée de Dahlem, se trouve « L’homme au casque d’or »

 

 

Voyage traditionnel et pittoresque en train militaire : les rideaux seront maintenus baissés une fois franchie la frontière de la RDA. Visite intéressante et conforme aux attentes. Au premier temps libre usuellement octroyé dans ce genre de déplacement je file à Dahlem à la Gemäldegalerie.

 

Je ne me souviens pas de l’aspect du bâtiment dont l’entretien indiquait clairement  qu’à ce moment-là, les priorités de Berlin-Ouest  étaient toutes autres. A peine si je garde en mémoire les allées boisées aux couleurs d’automne, le hall d’accueil lugubre et un gardien somnolant. Il me récite néanmoins le contenu des étages et l’itinéraire de visite recommandée.

 

Je lui demande ou est exposé « L’homme au casque d’or »Je me précipite dans la salle indiquée en ignorant les salles traversée quelque soient les autre chefs d’œuvres de la collection du musée.

 

A l’époque les salles d’exposition de ce musée sont des salles d’apparat que l’on dit commandées car on y accède l’une après l’autre franchissant des doubles portes du côté du mur de façade comme cela se pratiquait avant l’invention du couloir. C’est le type de disposition que l’on voit dans les palais et châteaux jusqu’au 18ième siècle et début du 19ième

 

Une fois dans la salle indiquée, pas de tableau j’étais déjà surpris d’être pratiquement le seul visiteur. Un tableau tel que « L’homme au casque » aurait dû avoir une foule de visiteur semblable à la cohue entourant  la Joconde au Louvre. Un musée ayant la bonne fortune d’abriter un tel chef d’œuvre se devait de lui assurer une présentation équivalente.

 

Rien, pas de Casque d’Or. Pas d’homme, pas de tableau. Pas de place vide non plus avec une éventuelle information sur le sort du tableau. Prêté à un autre musée. En déplacement pour une rétrospective Rembrandt sur un autre continent. Les organisateurs de manifestations culturelles devaient  s’arracher une telle pièce. Rien.

 

Je retourne à l’accueil, dans mon excitation j’ai peut-être mal mémorisé le numéro de la salle. Le gardien confirme sa première information. J’y retourne : c’est la bonne salle, celle que j’ai déjà visité. Avec soin je fais un à un, le tour des tableaux exposés. Le tableau est peut-être moins grand que la taille que lui prête mon imagination et mon admiration. Rien.

 

Me voilà encore une fois à l’accueil .J’avoue piteusement n’avoir rien trouvé et ce n’est pas une question de langue. Mon allemand parfois approximatif est suffisamment correct pour assure la clarté d’échange aussi simple que nécessite celui que j’ai avec mon gardien de musée même si l’accent berlinois peut désarçonner un allemand apprit dans d’autre région.

 

Le gardien, sans un mot, quitte son comptoir : manière de me faire comprendre qu’il faut le suivre. Il adopte un pas ferme que j’emboite, tout aussi déterminé. Nous arrivons dans la salle concernée. D’un coup d’œil je vois bien que rien n’a changé depuis toute à l’heure. Je me demande, un instant, par quel miracle va apparaître mon tableaux préféré.

 

Le gardien n’est pas réellement entré dans la salle. Resté à hauteur de la porte, il a saisi, comme pour la fermer le battant plaqué contre le mur.

 

La manœuvre révèle mon tableau. Il est piteusement accroché, comme mis au coin, en pénitence pour on ne sait quelle bêtise. Non seulement il n’occupe pas de place royale dans une salle dédiée mais ces gougnafiers de conservateurs, quelque peu  honteux de posséder une telle œuvre la dissimule, dans la salle où ils consentent à l’exposer, derrière un battant de porte, en pied de cimaise. Je le regarde. L’air fatigué qu’aborde le soldat, décrit presque par tout le monde, ses yeux baissés lui donne l’expression penaude du mauvais élève « au coin » que le maitre montre aux parents venus le chercher. Il est loin l’aspect de l’homme dont le casque flamboyait dans ma mémoire.

 

Que s’est-il passé ?

 

Comment ce chef d’œuvre de la peinture occidentale a pu en arriver là ?

 

Peut-être  est-ce moi qui, par un goût dévoyé, a attribué une valeur plus que surfaite à un semblant de chromo ?

 

Je n’en crois rien, je suis sûr de moi, je sais que j’ai l’œil.

 

Que s’est-il donc passé ?

 

Tout simplement que les amateurs d’arts ont été supplantés par des techniciens de toute nature : historiens d’art, critiques, scientifiques. Toute cette engeance qui aujourd’hui occupent le devant de la scène car il est plus facile de parler technique ou d’argent, que d’art.

 

Et c’est ainsi que la suspicion a été jetée sur l’authenticité du tableau.

 

Un travail d’élève ?

 

Peut-être.

 

Un exercice d’atelier ?

 

Il se peut.

 

Mais en tout cas pas un Rembrandt. Les infra-rouge sont formels, les ultras violet catégoriques et le carbone quatorze sans appel. La sentence est tombée en 1986 L’homme au Casque d’Or n’est, définitivement, pas une œuvre de Rembrandt.

 

Mais alors, si j’ai bien compris, seule la signature confère une valeur esthétique à une oeuvre ?

 

Allez y donc Messieurs les gougnafiers, soyez cohérents avec vous-même, jusqu’au bout. Contentez-vous d’exposer des signatures le reste ayant apparemment si peu d’importance. On connaissait déjà les buveurs d’étiquette. Il existe aussi les collectionneurs de signatures

 

Depuis je vis fidèle à ce tableau, J’écoute quelque fois peiné, quelque fois en colère, des polémiques autour de l’authenticité d’une œuvre. Je note qu’il est plus facile de rétrograder une œuvre que de lui conférer une identité authentique. Par exemple la récente polémique autour du « Judith et Holopherne » du Caravage ou des doutes subsistent encore mais qui reste une œuvre intéressante pour qui aime ce type de peinture.

 

Par exemple aussi, à contrario, l’attribution définitive à Leonard de Vinci d’un « Salvator Mundi » pourtant autant si ce n’est plus controversé que le Caravage évoqué plus haut. Il est, soudain, devenu le tableau le plus cher du monde adjugé pour une somme finale de 450,3 millions de 450,3 millions de $ au prince héritier d'Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane. Et ne parlons pas  de la qualité esthétique plus que contestable de ce tableau.

 

Ne parlons pas non plus de tous les faux * se trouvant dans tous les musées du monde. Bien sûr, les conservateur refusent de l’admettre, plus soucieux de la renommée de leurs établissements que de la réalité. En effet certains faussaires revendiquant la paternité de telle ou telle œuvre, sont près à révéler publiquement le « signe indien » qu’ils ont placé dans leur création, opération publique, à laquelle se refusent les mêmes conservateurs. Bref, soit on parle de l’art comme d’un plaisir esthétique à éprouver soit on ne s’y intéresse que pour des motifs tout à fait légitimes mais loin de ce plaisir indicible. Ce peut être l’aspect historique qui retiendra la curiosité ou encore technique de conservation et/ou de restauration mais aussi technique picturale ou style. Mais là, on est loin de « la réelle beauté de l’art qui, au sens littérale vous ravit »

 

Soudain, en 2016 paraît chez Gallimard un petit livre d’un écrivain haut en couleur et un peu Brindezingue.

 

C’est Pef. Dans son « Petit éloge de la lecture » Il raconte, son dépit, sa colère et son refus de faire sienne cette désatribution. Il raconte sa rencontre, enfant, avec l’œuvre. Il finit par croire que Rembrandt l’a réalisée pour lui. La suite vaut son pesant d’or. Pour moi du moins car je ne suis plus seul. A présent nous sommes au moins deux. Et tant pis si c’est insuffisant pour constituer une minorité.

 

* Selon les services de police spécialisés en œuvre d’art et les experts sérieux (!) de France, de Grande Bretagne et d’Allemagne quelque 80 % des œuvres sur le marché sont des faux.

 

Il y a 400 commissaires-priseurs en France. Deux sont en prison soit 5%. Ne parlons pas de ceux qui sont suspendus ou interdis pour diverses durées.

 

Lutzelhouse Janvier 2019

DYNAMITAGE RADIO SOTTENS REND L'ÂME EN 15 SECONDES ICI 
La bonne vieille antenne qui arrosait les Romands a volé hier en éclats. Séquence émotion autour de 180 tonnes de ferraille.
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