Charlatan du temps de Louis XIII. Gravure parue
dans Le livre des parfums, d’Eugène Rimmel (1870)
Nous vivons une crise sanitaire sans équivalent, et pourtant nous assistons au ballet interrompu sur les plateaux de télévision et sur les réseaux sociaux des « je ne suis pas… médecin… virologue… épidémiologiste… etc. mais je vais vous dire ce qu’il faut faire, ce qu’il aurait fallu faire… »
Les politiques d’opposition, bien sûr, type Retailleau, Ciotti, les Insoumis, la Marine, qui, comme toujours, espèrent tirer les marrons du feu, mais aussi les faux-nez, à la fois mandarin de la médecine et politique, tel le Pr Juvin, ou syndicaliste de métiers de la santé, avides de tirer de la crise leur bout de gras. Tous savaient, tous l’avaient bien dit, tous ne feraient pas comme ça, tous ces « compétents » ne sont qu’une forme de charlatans.
Les journalistes, bien sûr, tétanisés par la peur de ne pas faire de l’audience pour attraper le chaland, mettent en avant les qui font du buzz ou leurs experts maison qui astiquent leur ego, font bouillir leur petite marmite. Tout ce petit monde fait joujou sur Twitter, se taille des croupières en psalmodiant « je sais.. » en chantant plus mal que Gabin.
Il va m’être rétorqué qu’en les mettant ainsi en avant, en les disqualifiant, je suis un suppôt du gouvernement, un idolâtre de Macron, un résidu du néo-libéralisme, un privilégié qui ferait mieux de la boucler.
Désolé, je ne fais que me poser la question de la compétence de tous ces beaux parleurs, de quelques bords qu’ils fussent, pour ce qui est des gouvernants, ils se retrouvent plus que jamais face à l’impératif catégorique de PMF « gouverner, c’est choisir » et pour choisir il faut être en capacité d’évaluer ce que sont les bons choix, acquérir à la vitesse grand V, parfois en changeant de pied, la compétence auprès des scientifiques compétents.
Je n’ai absolument aucune affinité avec le socle de ce qu’En Marche nommait l’Autre Monde, socle qui s’effrite, se fissure sous les pieds du chef, mais, faire comme les extrêmes, jeter le bébé avec l’eau du bain, c’est la perspective de nous retrouver à poil. De façon simpliste sans doute : Macron prospère grâce à l’incompétence de ses opposants.
J’ai vécu ma vie de citoyen essentiellement sous la droite dites républicaine, un chouia sous la gauche à la sauce Mitterrand puis celle de l’effondrement sous la houlette molle de Hollande, lorsque j’avais les mains dans le cambouis, notre méthode était minoritaire et moquée, il a fallu la mise en bière de Rocard pour lui tresser des lauriers, pas tous mérités. Alors, minoritaire un jour, minoritaire toujours. Mon spectre de compétence se limite à ce que j’ai acquis de l’expérience et de ce que je peux acquérir dans ma retraite confiné.
Pour preuve, je suis horrifié par la cécité de mon ancienne maison et de Macron face à la grande et nécessaire mutation de notre agriculture. Choisir, le Finistère, qui plus est l’exploitation des Roué ICI, symbole d’un productivisme débridé, c’est louer le monde d’avant qui nous mène droit dans le mur face aux grands compétiteurs de la mondialisation. Nous sommes déjà bien essoufflés aujourd’hui, demain nous étoufferons.
Donc, je ne sais pas grand-chose, je doute sans tomber dans les rets ni dans le pessimisme, ni dans les lendemains qui chantent chers à ceux qui rasent gratis demain (ma barbe pousse pourtant).
Comme mon ami JF Collin, j’accumule les briques qui seront nécessaires à la reconstruction. ICI
L’avant-crise, la gestion de cette crise, dont qui que ce soit peu déterminer lorsqu’elle prendra fin, seront à l’ordre du jour à l’heure de l’après. Nous vivons, et c’est heureux, dans une démocratie parlementaire, un État dit de droit, alors tous les moyens constitutionnels, légaux seront à la disposition des élus et de nous citoyens pour exiger des comptes à ceux qui étaient en charge des décisions.
Les tribunaux populaires, non merci !
La prise du pouvoir par la rue, non merci !
Mais, en parodiant cette chanson pleine d’entrain, mais, alors que le haut du pavé est dominé par des incompétent, mais où sont passés les compétents ?
Les lois de Parkinson, de Peter et autres posent enfin la question de la place de la méritocratie dans nos sociétés, ce système sociopolitique dans lequel les pouvoirs sont confiés aux plus qualifiés.
Ainsi, en France, «en dépit de la tyrannie des diplômes pour l’accès aux positions professionnelles les plus élevées dans la hiérarchie sociale, on peut s’apercevoir que le mérite scolaire n’est pas automatiquement reconnu et valorisé dans la vie sociale et professionnelle.» Les amitiés, les affinités électives, la naissance et d’autres critères encore pèsent parfois plus lourds que les études.
Dans une étude intitulée «Boss Competence and Worker Well-being» la coauteure Amanda Goodall a indiqué que l’employé heureux est avant tout celui qui est dirigé par un supérieur hiérarchique capable de faire son travail.
«Les compétences du patron ont un impact beaucoup plus important sur votre satisfaction au travail que le salaire, le travail en lui-même ou le secteur dans lequel vous exercez.»
La grande question : qui peut jauger la compétence, donc faire la césure entre les incompétents et les compétents ?
On ne parle que de ce qu’on connaît bien, s’entend-on souvent dire. En toute logique, un livre sur l’incompétence ne peut donc être écrit que par un docteur ès incompétence, par définition compétent sur le sujet. On tourne en rond ?
Il ne faut pas chercher longtemps. Les incompétents sont parmi nous. Pour beaucoup de nos concitoyens, l’incompétence serait même une qualité largement répandue, dans la mesure où nos élites semblent en disposer en quantité non négligeable. Politiciens, industriels et autres managers : les médias nous abreuvent de récits vantant les non-mérites de nos dirigeants. « L’oligarchie des incapables », titraient récemment Sophie Coignard et Romain Gubert (2012). Cette incompétence est-elle une donnée fondamentale du profil de tout un chacun ? Serait-elle une compétence comme une autre ? Si l’on en croit le fameux principe de Peter, chacun de nous atteint, tôt ou tard, son niveau d’incompétence. Livrons-nous à un petit calcul pour fixer les idées : si l’on suppose que ce niveau est atteint, en moyenne, deux années avant la retraite (estimation modérée) et en tenant compte du nombre d’actifs ainsi que de la durée d’une carrière complète, on arrive à la conclusion que la France compte, au bas mot, un bon million d’incompétents.
De l’incompétence systémique
Michel Claessens
Selon la théorie de Dunning et Kruger ce n'est pas seulement que les moins compétents peinent à reconnaître leur incompétence mais qu'ils sont certains d'être compétents…
L’effet Dunning-Kruger est un biais intellectuel qui pousse les personnes incompétentes à surestimer leurs capacités, et les empêche de se rendre compte de leurs erreurs ou leur manque de compétences dans certains domaines. D’un autre côté, nous retrouvons aussi des personnes très compétentes qui tendent à sous-estimer leurs capacités, en pensant que les autres sont plus doués qu’elles.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce biais n’est pas dû à de la vantardise chez ces personnes, mais simplement à une mauvaise estimation de leurs propres capacités. En clair, pour savoir si on est incompétent il faut être compétent.
À l'inverse de ce comportement, Dunning et Kruger ont constaté que les personnes les plus qualifiées avaient, elles, tendance à sous-estimer leur niveau de compétence et à penser que les tâches faciles pour elles le sont aussi pour les autres. Autrement dit : « l’ignorance engendre plus fréquemment la confiance en soi que ne le fait la connaissance ». Charles Darwin
La force de la théorie de Dunning et Kruger, comme le principe de Peter, c'est qu'elle parle à tout le monde.
« Si je n’étais qu’intelligente, tout irait bien. Mais je suis extrêmement intelligente, ce que la plupart des gens trouvent menaçant. »– Sharon Stone
Selon la théorie de Dunning et Kruger ce n'est pas seulement que les moins compétents peinent à reconnaître leur incompétence mais qu'ils sont certains d'être compétents…
LA DEMOCRATIE EST-ELLE LA "TYRANNIE DES IGNORANTS" ?
Beaucoup pensent que la décision démocratique fait triompher l'incompétence. L'apparente logique d'une telle position découle de ce que la proportion des gens compétents pour régler des problèmes délicats, est faible. Mais il est pourtant faux d'en conclure qu'entre deux propositions opposées, dont il serait difficile de savoir laquelle est bénéfique et laquelle néfaste, la majorité opterait pour la mauvaise. ICI