Par bonheur le 10 mai tombe un dimanche cette année sinon faire coïncider la fin du confinement avec le jour où la France, selon Jack Lang, venait de passer « de l'ombre à la lumière » aurait fait jaser. Tonton, qui croyait aux forces de l’esprit, serait peut-être ressuscité.
Trêve de galéjade, nous ne sommes pas sortis de l’auberge et, beaucoup de commerces, les restaurateurs, les cafés...etc. vont souffrir, et le temps va paraître bien long.
Nous venons de boucler, la grande semaine, Pâques et son lundi férié.
Mes éminentes fonctions d’enfant de chœur en la paroisse St Jacques le majeur de la Mothe-Achard (suis abonné à St Jacques) m’ont permis de tuyauter une amie confinée qui souhaitait, avant de partir avec son bout de chou à la chasse aux œufs de Pâques, démêler cet écheveau.
La Semaine Sainte est "la grande semaine " disait Saint Jean Chrysostome, elle commence le dimanche des Rameaux, inclut le Jeudi Saint et le Vendredi Saint. Elle s’achève avec la veillée pascale, pendant la nuit du Samedi Saint au dimanche de Pâques.
Le triduum
- Le Jeudi saint inaugure le triduum pascal. Ce dernier commence par la messe du soir du Jeudi saint faite en mémoire de la Cène au cours de laquelle Jésus institua l’Eucharistie (la messe). On lit le récit de la Pâque juive avec l’agneau pascal (Exode 12,1-14), puis le texte de St Paul sur le repas du Seigneur (1 Cor. 11,23-26) et l’Évangile du lavement des pieds (Jean 13,1-15) Pendant cette lecture, le célébrant lave souvent devant l’autel les pieds de quelques fidèles. Après la célébration, l’Eucharistie est transportée solennellement en un lieu que l’on nomme "reposoir" où l’on peut se recueillir en méditant l’agonie de Jésus à Gethsémani et son appel "veillez et priez".
- Le Vendredi saint, on célèbre la passion et la mort de Jésus sur la croix spécialement lors de l’office de la fin de l’après-midi et du chemin de croix à 3 heure.
- Le Samedi saint est un jour de silence et d’attente. On ne célèbre ni baptême, ni mariage ce jour-là. La célébration de la résurrection commence le samedi soir à la Veillée Pascale.
Les cloches sont condamnées au silence pendant trois jours en signe de deuil.
Ce n’est que dans la nuit du samedi au dimanche de Pâques qu’elles carillonnent pour annoncer la joie de la résurrection du Christ. On a dit longtemps aux enfants qu’elles revenaient chargées de friandises qu’elles déversaient dans les jardins et les prés, sur les balcons des appartements.
Pour remplacer les cloches « parties à Rome » pendant la Semaine Sainte, les enfants faisaient sonner leurs crécelles dans les rues, pour annoncer les offices. La crécelle remplaçait la sonnette de l’autel dans les paroisses et les monastères.
Les enfants de chœur passaient plusieurs fois dans la journée. La première fois ils criaient : « Réveillez-vous ». La deuxième fois : « Préparez-vous ». La troisième : « Dépêchez-vous ».
Le dimanche de Pâques c’est la résurrection de Jésus.
En France, depuis le concordat de 1801, seul le lundi de Pâques est resté férié.
Demain vous aurez droit à un reportage photo sur mon déjeuner pascal. Pour l'heure passons à l'intendance du confiné.
Même si j’en ai le droit*, je ne vais plus à perpette les oies faire mes courses à vélo dans mes commerces préférés, je suis privé de beaucoup de mes ingrédients habituels : exemple le basilic.
*Au cours d'une cellule interministérielle de crise tenue cette semaine, le gouvernement a expliqué qu’il n’existe aucune obligation de regrouper ses courses dans un même commerce, ni de se rendre dans le magasin le plus proche de chez soi.
« Il n’existe aucune obligation de faire toutes ses courses alimentaires dans un seul et même commerce, ni de se rendre dans le magasin le plus proche. Il convient de rappeler aux préfets et aux forces de l’ordre les éléments suivants : tout achat réalisé dans un commerce dont les activités demeurent autorisées est considéré comme un achat de première nécessité ; les forces de l’ordre ne doivent ni analyser, ni contrôler le contenu ou la manière de faire les courses. Les usagers peuvent continuer à se rendre dans les magasins alimentaires spécialisés (boulangeries, fruits et légumes, chocolatiers, etc.). »
Vendredi, je pars faire mes courses à la supérette du boulevard Saint-Jacques et, à peine entré je tombe nez à nez avec du basilic emmailloté placé dans une armoire réfrigérée. J’en choque 2 paquets : 1,99 € les 30g x 2 = 3,98€, ce n’est pas donné mais à la guerre comme à la guerre quand on aime on ne compte pas.
J’allais pouvoir faire du vrai pesto et ainsi le comparer avec mon ersatz.
Ce que je fis.
Le toit de la rue d'Aboukir d’Émilie de Veni Verdi me manque
Attendu que le sieur Pax, confiné de Collioure, a raillé mon masque artisanal, la Cour a décidé dans sa grande sagesse de lui accorder une seconde chance face à mon travail de modiste :
Masque porté par les médecins pendant la grande peste de Londres en 1665. On y ajoutait herbes et épices...
LIVRES
ABONNÉEn 1919, Charles Ferdinand Ramuz imaginait dans «Les Signes parmi nous», une épidémie qui décimait la Suisse romande. Avec Daniel Maggetti, directeur du Centre des littératures en Suisse romande, retour sur un livre phare qui sonne aujourd’hui comme un appel à rester confiants ICI
Publié samedi 11 avril 2020 à 12:57
Fausses nouvelles et théories du complot, hommes foudroyés, angoisse galopante… Le roman Les Signes parmi nous, que Charles Ferdinand Ramuz publie en 1919, raconte déjà une épidémie et ses conséquences en Suisse romande. Le colporteur Caille parcourt les villages pour annoncer la fin du monde et certains croient au début de l’apocalypse. Daniel Maggetti, professeur à l’Université de Lausanne et directeur du Centre des littératures en Suisse romande, revient sur ce chef-d’œuvre visionnaire, écrit alors que sévissait la grippe espagnole et que venait de prendre fin la Première Guerre mondiale.
Le Temps: «Les Signes parmi nous» entre en écho avec la situation que nous vivons. Comment relisez-vous ce livre aujourd’hui?
- C’est troublant. Malgré l’arsenal mis à notre disposition pour comprendre et disséquer la crise, nous nous retrouvons aussi démunis que les personnages qu’inventait Ramuz. Il est difficile de ne pas faire un parallèle entre l’expérience que l’on traverse et celle vécue à l’époque où Ramuz écrivait son roman, marquée par la grippe espagnole. La société a évolué, la médecine a progressé… mais les conséquences matérielles, pratiques, des mesures qui sont prises fragilisent tout autant les individus qu’il y a cent ans.
Les personnages des «Signes parmi nous» cherchent à donner un sens au mal qui frappe la société dans laquelle ils vivent. Quel est le message de ce roman?
- Les personnages essaient de répondre à la brutalité des morts qui se multiplient en tentant de leur trouver une explication. Les Signes parmi nous raconte le conflit des interprétations possibles. Le texte fait largement écho à l’apocalypse biblique, mais Ramuz se distancie de la lecture littérale de la Bible: elle apparaît comme un point de vue sur le monde, parmi d’autres, et n’a pas un statut de vérité.
Il est humain, lorsque des événements nous affectent, de chercher à les interpréter en les inscrivant dans une vision globale. Nous y répondons tous de façons différentes, parfois en passant à côté de la vérité, parfois en tombant juste. Cela arrive dans des situations extrêmes comme dans la vie de tous les jours.
La possibilité de l’effondrement généralisé fascinait-elle Ramuz?
- Dans son roman Présence de la mort, en 1922, plus apocalyptique encore, le Soleil se rapproche de la Terre. C’est une fin du monde programmée, presque de la science-fiction, avec la mise en scène d’une série de drames symptomatiques de la destruction du vivre-ensemble.
La Guérison des maladies (1917) et Le Règne de l’esprit malin (1914) étaient davantage liés à des événements surnaturels d’ordre mystique. Dans le premier, une jeune fille possède des pouvoirs thaumaturgiques; dans le second, une incarnation du diable arrive dans un village. Le point commun entre ces textes, c’est qu’ils explorent ce qui se passe lorsqu’une société est bouleversée et menacée. Cela intéressait beaucoup Ramuz.
A-t-il été personnellement touché par l’épidémie de grippe espagnole?
Marguerite Bovon, l’épouse de son frère, à laquelle il était très lié, meurt à la suite de la maladie. Rappelons aussi que L’Histoire du soldat, fruit de sa collaboration avec Stravinsky, n’est jouée qu’une fois: à cause de l’épidémie, le théâtre ferme après la première représentation, le 28 septembre 1918. Cela évoque la situation de nos théâtres aujourd’hui…
La peur et les menaces invisibles semblent un thème majeur chez lui…
- Ramuz est très sensible à l’angoisse de la finitude, oui. Il ne croit pas à une vie après la mort, et les circonstances d’une épidémie augmentent la crainte de voir la fin arriver. Il montre à quel point les hommes sont démunis face à ce sentiment, quels que soient leur milieu social ou leur expérience… Il y revient dans des œuvres plus tardives, comme La Grande Peur dans la montagne, où le confinement touche un alpage maudit, Derborence, qui raconte une catastrophe naturelle, ou Si le soleil ne revenait pas, qui met en scène la crainte de la fin du monde dans un village valaisan.
Pourquoi «Les Signes parmi nous» paraît-il toujours novateur, un siècle plus tard?
Ramuz transforme la manière de concevoir et de composer un roman. Il ne procède pas selon une narration traditionnelle et linéaire, mais juxtapose des scènes, des «tableaux»; il use de l’ellipse, s’intéresse à la simultanéité des perceptions entre tous ses personnages. Le lecteur ne suit pas un héros mais découvre une société, de l’ouvrier au notable, du vagabond au paysan… Tout le monde est confronté à la peur et à la mort.
En 1905, Ramuz disait que le roman devait être un poème. Avec Les Signes parmi nous, il manifeste de nouveau sa volonté de décloisonner les genres, et accentue certains traits heurtés de son style.
Au cœur de la catastrophe que raconte Ramuz, la nature est très présente et commence à «parler» aux hommes…
- En effet, le roman dépeint une relation particulière de l’homme à la nature, au moment où le monde semble basculer. Salutation paysanne, deux ans plus tard, mettra aussi en évidence le rapport d’échange et de perméabilité entre les éléments naturels et les hommes. On songe parfois à une sorte d’«animisme», même si ce terme n’appartient pas au lexique ramuzien. L’univers est doté d’une force première de vie qui se communique aux hommes, et il y a un échange vital entre eux et lui.
A la fin, la crise s’avère aussi passagère qu’un orage. Ramuz nous invite-t-il à rester confiants?
- Le livre se termine sur le rendez-vous d’un couple d’amoureux, qui apparaît comme une marque d’espoir chez un auteur par ailleurs peu optimiste! Il reste une lueur, la catastrophe était une parenthèse, et non la destruction finale de l’humanité.
«Les Signes parmi nous» est paru en poche chez Zoé en novembre 2019.