Pierre-Jakez Hélias écrivait : « Les Bigoudènes, il n’y a pas si longtemps, rougissaient d’être vues en cheveux, n’auraient jamais permis qu’on touchât à leur coiffe quand elles l’avaient en tête ni surtout qu’on les vit se séparer d’elle pour la nuit. On faisait d’abord se coucher les enfants et le mari. »
Robert Delaunay, Marché breton (1905),
Dans ma chambrette d’étudiant de l’étage dans la maison de ville sise place Victor Richard à Nantes, je vivais de peu en cuisinant sur mon petit réchaud à gaz. J’avais pour colocataires (expression non usitée à l’époque) au rez-de-chaussée le couple Le Rouzic, lui carabin elle une belle irlandaise dotée d’un mouflon. C’est par eux que je découvris la langue de bœuf sauce madère de Joseph Larzul.
C’était mon plat de luxe que je réchauffais au bain-marie et que j’accompagnais de coquillettes.
Juste avant le confinement j’avais acquis une boîte de langue de bœuf sauce madère de Joseph Larzul, ce qui me permet ce matin de chroniquer.
Au tout début de l'histoire, il y a la famille de conserveurs bigoudens Larzul. En 1906, Noël Larzul fonde à Plonéour-Lanvern la première conserverie familiale. Son fils Joseph lui succède en 1920. En 1950, Jean et Jacques, fils de Joseph, prennent la suite et depuis 1980, ce sont Michel et Jean-Pierre, fils de Jean, qui sont aux commandes d'une entreprise florissante de 109 salariés, spécialisée dans la préparation des plats cuisinés dont une fameuse langue de boeuf sauce madère.
La conserverie Larzul ICI, existe donc depuis 1906 (malgré une faillite survenue en 1930), était restée pendant trois générations un groupe familial a été reprise en 2010 par la "Française de Gastronomie", filiale alsacienne du groupe belge "Floridienne".
Note historique :
Une grève survenue en juin 1931 concerna les 120 ouvriers et ouvrières de la conserve à Plonéour-Lanvern, qui revendiquaient une augmentation de 0,50 franc par heure (les ouvriers étaient payés 2,75 francs l'heure et les ouvrières 1,75 franc). Il n'y avait pas d'heure fixe de travail. Un jour douze, le lendemain vingt-quatre heures, sans compensation aucune.
Un arrêt de la Cour d'Appel de Paris vient de valider la prise de contrôle de la conserverie Larzul par la Française de Gastronomie (FDG), la filiale alsacienne du groupe belge Floridienne. La famille bretonne s'oppose à l'opération. «Les conditions de transmission de l'entreprise fixées par l'accord initial ne sont pas remplies, il y a eu tromperie entretemps», lance Michel Larzul, le patron de l'usine bigoudène (90salariés). «Il n'est pas question de laisser l'entreprise entre les mains de la Française de Gastronomie, la famille Larzul reste aux commandes!» L'affaire est portée en cassation. De son côté, Philippe Boonen, le président de la FDG, se déclare prêt à prendre possession de l'usine bretonne dans les mois qui viennent. Pas si simple apparemment!
Le mariage tourne mal
En 2004, Michel Larzul prépare la transmission de la société, leader français de la langue de boeuf appertisée. Il veut aussi développer la production de l'usine. L'industriel finistérien trouve un partenaire qui semble avoir la même culture d'entreprise, la Française de Gastronomie, dont l'usine de conserves d'escargots de Brumath (Bas-Rhin) est obsolète. Les escargots sont d'abord produits en sous-traitance à Plonéour-Lanvern. Le courant passe entre les dirigeants des deux sociétés.
En janvier 2005, la collaboration aboutit à la signature d'une convention de vente et d'achat des actions. La FDG acquiert 50% des parts, la famille Larzul, à travers sa holding Vectora, en conserve l'autre moitié, et s'engage à céder à terme les 50% restant. «En y mettant des conditions!», précise Michel Larzul.
Le 7 janvier 2008, la FDG exerce son option d'achat sur le solde des actions. Vectora refuse d'exécuter la vente. «Il y a eu tromperie, notamment sur la qualité des matières premières, ce qui n'est pas acceptable pour nous et ce qui ne respecte pas les termes de l'accord», souligne Michel Larzul. La FDG est même contrainte d'aller fabriquer ses escargots ailleurs. «Nous avons dû trouver rapidement une solution en sous-traitance», raconte Philippe Boonen, qui assigne Vectora devant le tribunal de commerce de Paris.
En octobre 2009, ce dernier donne raison à l'acheteur. Vectora est condamnée à livrer les 50% restant de la société Larzul.
Le 30 mars 2010, la Cour d'appel de Paris confirme le jugement du tribunal de Commerce.
La famille bretonne s'oppose à l'opération.
«Les conditions de transmission de l'entreprise fixées par l'accord initial ne sont pas remplies, il y a eu tromperie entretemps», lance Michel Larzul, le patron de l'usine bigoudène (90salariés). «Il n'est pas question de laisser l'entreprise entre les mains de la Française de Gastronomie, la famille Larzul reste aux commandes!» L'affaire est portée en cassation. De son côté, Philippe Boonen, le président de la FDG, se déclare prêt à prendre possession de l'usine bretonne dans les mois qui viennent. Pas si simple apparemment!
«Annuler l'opération»
«La décision de justice prévoit deux mois pour la transmission des titres», explique Philippe Boonen. «Nous allons développer l'entreprise bretonne». La famille Larzul ne l'entend pas de cette oreille et porte l'affaire devant la Cour de cassation. «Nous menons parallèlement d'autres actions en justice pour annuler cette opération. Nous attendons les décisions», annonce Michel Larzul. La résistance
Après sept ans de conflit juridique avec son principal actionnaire, le groupe Française de gastronomie (filiale belge de la Floridienne), l'entreprise Larzul, à Ploénour-Lanvern a accueilli le préfet, Jean-Jacques Brot, pour réaffirmer son attachement aux valeurs familiales et à sa dynamique du « vivre en harmonie ».
« Il y a quelques semaines, la justice a rendu son délibéré et ma famille a été reconnue principale actionnaire, dévoile Michel Larzul. Nous étions partenaires avec le groupe belge depuis 2005. »
Après une visite dans les locaux de l'entreprise, le préfet a souligné toute l'importance d'une entreprise locale et familiale dans un contexte économique difficile : « Je trouve très important de voir cette incarnation du capital familial, une entreprise éloignée par rapport au marché, mais qui sait innover et s'adapter à sa complexité et à ses exigences. »