Ce titre, d’une vulgarité inouïe, m’a posé un grave cas de conscience, pouvais-je ainsi interpeller Pax et, qui plus est, en le tutoyant ?
Ceux qui me connaissent savent que je n’ai pas le tutoiement facile – scorie à la fois de mon époque prof et de mon job sous les ors de la République, les socialos et les hauts-fonctionnaires se tutoient entre-eux – mais pour le charrier un brin, le vanner grave, la vulgarité et le tutoiement à la Béru s’imposait.
Citation à l’appui : « Je me dis in petto, l’autre variante de la chanson à Béru : « Pomme pomme pomme pomme, pomme, pomme, pommme, poooomme… » Mais c’est de moi que je cause. Ah oui, pomme. Triste, sombre, garcerie de pomme ! Pomme gâtée. Pomme de reinette et pomme d’api. Pomme d’arrosoir et d’escalier. Pomme funèbre ! Le sergent du jus de pomme… »
Lire « Et moi, dit bibi, dit mézigue, dit ma pomme, dit mégnace » : L'argot et les pseudos pronoms chez San-Antonio [article] Françoise Rullier-Theuret ICI
Mon passé d’enfant de chœur et ma pratique obligée de la confession, après contrition, me font penser qu’il m’accordera son pardon pour ce titre d'arroseur arrosé.
Que faire par ces temps de confinement quand les yeux sont usés à visionner des films, lire la presse et les livres ( relire Proust - car on ne lit jamais Proust, on ne fait que le relire si on en croit nos hommes politiques quand l’été venu et avec lui le temps des vacances et qu’on les interroge sur ce qu’ils allaient faire pendant leurs congés : « Je vais en profiter pour relire Proust » et un des plus beaux marronniers de la langue de bois – Tout le monde ne peut pas lire Zadig et Voltaire à moins que ce ne soit de Jadis et Naguère dont voulait parler ce cador) ?
Jouer en baillant au Petits Chevaux, au Triaminos, refuser pour la énième fois de jouer au Master Mind, ou, pauvre POMME je perds à chaque fois
Que faire donc ?
Et si on jouait au Taulier ?
Et c’est parti, en voiture Simone.
Voici donc une chronique façon Taulier, sur LA POMME justement.
Que peut-on dire qui ne soit connu, ultra connu ?
Mais en variant le ton, pourquoi pas.
Essayons donc.
CROQUER LA POMME ce que nous fit faire cette Ste Nitouche d’Eve et qui nous fit , d’abord TOMBER DANS LES POMMES, avant que ne s’aggrave la chute.
Cela a eu du mal à passer puisque depuis, nous reste en travers de la gorge, la POMME D’ADAM
POMME DE REINETTE ET POMME D’API nous chante la comptine
POMME D’OR (du jardin des Hespérides) mites au logis
POMME de Guillaume Tell (frère de Sophie et de sa jeune sœur Minnie)
POMMEAU DE DOUCHE là je sèche
POMMADE dont l’excipient et la pomme, ce qui permet de se pommader
POMMENADE dans les bois) ça n’a pas l’r mais par les temps qui courent...
POM Pom Pom Pom ( Beethoven)
POMME D’AMOUR que l’on croque chacun son tour sur le champ de foire. Des "je t'aime" de quatorze-juillet... Des "toujours" qu'on achète au rabais Edith Piaf
POMME DE NEWTON (à ne pas confondre avec la baie noire d’Archimède)
LA CHAUX, POMME d’origine de St Yrieix (Coucou Aredius )
Jeu de POMME (là vraiment je n’ai pas la main)
Ma POMME nous chante cavalièrement Maurice Chevalier
La tarte aux POMMES (j’ai bien dit aux pommes et non à la pâtissière)
On pourrait jouer avec les noms de toutes les sortes de pommes dont le Taulier (le vrai) nous entretient de temps en temps. Mais il s’agit ici d’un pastiche et non d’un devoir à rendre.
Il en est une cependant qui retient mon attention : La de l’Estre ou Sainte Germaine ou pomme Comte que Turgot, intendant de la généralité de Limoges de 1761 à 1774, découvrit à Saint Germain les Vergnes en Corrèze et qui en préconisa sa culture. Entré dans une chaumière l’intendant demanda à manger et on lui servi du pain et quelques pommes après que le paysan ait dit à sa femme : « donne leur quelques pommes du pommier de l'estre ».
L’estro signifie fenêtre en occitan.
Tout cela pour en venir au cœur de mon sujet : « Pomme et fenêtre »
Il y a peu, le Taulier évoquait ou illustrait une de ces chroniques par un tableau de Van Eyck.
J’adore Van Eyck, bien que cet artiste sorte de mon domaine de compétence. J’adore, je vénère son tableau « La Vierge de Lucques ». Vous allez comprendre pourquoi.
L’oeuvre fut admirée par Rainer Maria Rilke qui, dans son Testament (rédigé vers 1922 mais publié uniquement en 1972) : « Je m’absorbais dans la contemplation de la planche étalée sous mes yeux. C’était la Vierge de Lucques de Jean Van Eyck, la gracieuse Vierge au manteau rouge tendant à l’enfant assis, très droit, et qui tète avec gravité le sein le plus charmant. Et tout à coup je désirai, je désirai, oh ! je désirai de toute la ferveur dont mon cœur a jamais été capable, je désirai d’être non pas l’une des petites pommes du tableau, non pas l’une de ces pommes peintes sur la tablette peint de la fenêtre – même cela me semblait trop de destin… Non : devenir la douce, l’infime, l’imperceptible ombre de l’une de ces pommes -, tel fut le désir en lequel tout mon être se rassembla. Et comme si un exaucement était possible, ou comme si ce souhait à lui seul accordait à l’esprit une pénétration miraculeusement sûre, des larmes de reconnaissance me vinrent aux yeux » (Paris, Seuil, 1998, p. 43).
Ce texte pour moi déjà très émouvant l’est encore plus quand on connaît ce merveilleux film de Richard Lester « La Rose et la Flèche » .Les dernières images nous montre un Robin âgé, à l’article de la mort (superbe Sean Connery). Il écoute une des plus belle déclaration d’amour (mouchoirs) qui puisse s’entendre que lui fait Marian (sublime Audrey Hepburn).
Mais aussi, sur le bord de la fenêtre, deux petites pommes. Le film se termine en plan fixe sur ces deux petites pommes…
A ce jour, je n’ai trouvé aucun lien, aucune explication sur la présence de ces pommes. Ni sur le tableau de Van Eyck (symbole ?) Ni sur celles du film. Lien entre les deux œuvres ? – signification, interprétation ?) Nada, rien.
Fin de partie.
Le gros balourd émotif que je suis fait un appel au peuple.
Collioure le 4 avril 2020