San-Antonio chez les gones 51e opus de Frédéric Dard
Un roman qui sent bon le bouchon lyonnais, non seulement parce qu'on y boit du beaujolpif en général, et du Juliénas en particulier (et en quantité pour Béru), mais aussi par des détails de vocabulaire typiquement lyonnais : on parle d'un « pot » de Beaujolais (46 cl), « d'équevilles » (ordures) de « porte d'allée » (porche)… San-Antonio ne disait-il pas que le groupe sanguin de l’ineffable Bérurier était « Juliénas sans O »
« À l’évidence, le Mastard s’est soigné au beaujolais-villages, tendance juliénas grand cru.
Je suis con et vaincu par son bon foie !
Ma belle Pomme rougeoie sous les effets conjugués de la gloire et du juliénas. Il sourit finement par-dessus sa moustache en poils de cul mal torché. D modestise à faux, l’œil mi-clos, la lippe avantageuse.
Si les grands crus sont célébrés, du pommard à la tâche de Richebourg, du petrus au cheval blanc, du vosne-romanée au château haut-brion, les belles bouteilles de nos régions sont souvent à l'honneur, du pouilly fumé au meursault, du condrieu au saint-amour", une place d'honneur étant réservée au julienas et au muscadet particulièrement appréciés de Béru et Pinuche !
San-Antonio chez les gones, Michaël Sanlaville (scénario et dessin), d’après l’univers créé par Frédéric Dard. Éditions Casterman, 96 pages, 16 euros. ICI
Resté fidèle aux personnages récurrents imaginés par Frédéric Dard (on pense à l’inspecteur Bérurier jamais très loin d’une bonne bouteille de Beaujolais, il s’est aussi laissé aller pour notre plus grand plaisir.
Ainsi, impossible de ne pas sourire en voyant apparaître un antipathique et arrogant inspecteur d’académie ressemblant à s’y méprendre à Éric Zemmour et finalement contraint de détaler devant la fureur légendaire de Bérurier. Assez jouissif, il faut bien l’avouer. Comme cette scène où notre bellâtre aux faux-airs d’Alain Delon fait connaissance avec ce propriétaire d’un bar de nuit, accro au sexe, sous les traits de Dominique Strauss-Kahn. Ou encore ce moment où un pharmacien, librement inspiré de Gérard Depardieu, propose à San-Antonio un petit coup de Juliénas pour faire passer ses cachets d’aspirine ! Des clins d’œil qui fonctionnent bien dans cet album qui joue pleinement la carte du divertissement et de l’humour franchouillard. On se croirait, par moments, dans les Tontons flingueurs ou dans Nestor Burma de Tardi.
Le Juliénas se voulait le plus Parisien des crus, médicament quotidien de l’inspecteur Bérurier qui n’hésite pas à le partager avec son boss, le commissaire San Antonio, depuis des décennies, le également de carburant aux journalistes du Canard Enchaîné dans leur quête sans relâche à exhumer tous les scandales de la République.
Les vignerons de Juliénas organisent, chaque printemps, des chapitres de leur confrérie parisienne de Saint-Juliénas-des-Prés qui intronise chaque année douze nouveaux moines devant autant de pieds de gamay parisien plantés devant l’église de Saint-Germain des Prés.
J’avoue humblement n’en avoir jamais entendu causer avant de lire l’article du Le Rouge&leBlanc sur le cru Juliénas, et que ce brave Juliénas « qui se fait rare sur les cartes parisiennes » va devoir cravacher pour remonter la pente.
Béru et les licheurs du Canard ce sont des références de boomers, la génération émergente des vignerons de vin nu qui pue est plus porteuse que les dames et messieurs d'un certain âge en robes et bannières.
Yves Camdeborde intronisé à la Saint-Juliénas des Prés de 2007.
Pour preuve : Le Domaine de Botheland de Laurence et Rémi Dufaitre