C’était mieux avant, refrain connu !
Grâce à la daronne, Hannelore Cayre dans Richesse Oblige je me suis décrassé de mon ignorance en découvrant Le remplacement militaire.
EXTRAITS
- Tu vas être content, j’ai tiré un 4, répondit Auguste dans un souffle avant de se laisser tomber sur son siège.
Son père le rassura :
- Ne t’inquiètes surtout pas, j’avais pris les devants en provisionnant, comme je l’avais fait pour ton frère, les 2000 francs exigés par l’État pour régler ton exemption. Mais puisque avec cette maudite loi nous devons aujourd’hui nous débrouiller tout seuls pour te trouver un remplaçant, j’aurai largement de quoi payer un marchand d’hommes pour nous en amener un bon. Je me suis rapproché de la Compagnie Kahn & Levy, place Sainte6Opportune, qui dit-on en regorge.
- C’est dans ce torchon publié par votre ami Tripier que vous avez trouvé vos trafiquants de chair humaine israélites ? fit le beau-frère Jules.
- Entre une réclame pour la toise Naudia et la méthode simplifiée pour apprendre l’allemand ! renchérit Ferdinand.
- L’Assurance n’est pas un torchon mais un journal de pères de famille. Le conseil de recrutement aura lieu le 18 juillet, ce qui nous laisse, à nous tous, et j’insiste sur ce point, à NOUS TOUS, six petits mois pour trouver un remplaçant à notre cher Auguste.
[…]
- Avec la Prusse qui nous fonce dessus comme une locomotive, m’est avis que le prix vont grimper et que vos petits 2000 francs seront impuissants à attirer tous les rabatteurs que vous voudrez. Croyez-moi, ça n’est pas gagné, précisa le beau-frère Jules qui s’y connaissait en matière de conscription pour avoir gâché un tiers de son existence à barboter dans la morne routine de la garnison.
- C’est sûr qu’avec les rumeurs de guerre, ces maquignons gagnent plus à acheter et à revendre des hommes qu’à trafiquer des bestiaux, approuva Ferdinand la bouche pleine.
[…]
- Penses-tu que nous ne sachions pas ce qui te tracasse ? Le remplacement militaire est une bonne chose en ce qu’il contribue justement à rétablir cette justice sociale qui t’est chère. Il fait tomber l’argent des mains de ceux qui possèdent, dans celles, vides, de ceux qui n’en ont pas, pour au bout du compte donner à l’armée un bon soldat au lieu d’un mauvais. N’écoute pas les sottises que les socialistes que tu fréquentes t’auront mises dans la tête. En les soustrayant à l’air impur de leur atelier et à la mauvaise nourriture, le service n’a que des bienfaits pour les prolétaires alors qu’il compromet la santé des fils de bourgeois et ruine leur carrière. Cette rupture d’égalité dont tu nous parles sans cesse réside justement dans cette idée absurde du service pour tous.
[…]
Les nouvelles n’étaient pas bonnes
La société de remplacement israélite place Sainte-Opportune, qui soi-disant regorgeait d’hommes à vendre, s’était avérée une impasse : elle avait été pillée et n’en proposait plus un seul, alors qu’on avait versé un acompte de 1000 francs. M. Levy avait fini par rembourser, mais le problème restait entier car partout dans Paris les agences se retrouvaient dans la même situation de pénurie.
[…]
La taille réglementaire des recrues s’était abaissée de 14 centimètres depuis Louis XIV en raison des nombreux conflits avec l’Angleterre et l’Autriche et surtout des campagnes napoléoniennes grandes consommatrices de jeunes mâles en bonne santé. Compte tenu de la pénurie de beaux gaillards, on était donc devenu beaucoup moins exigeant : un jeune devait à présent mesurer 5 pieds 1 pouce, soit 1 mètre 55 au minimum pour être enrôlé, Auguste faisait 1 mètre 77. Un magnifique dragon.
Jadis, pour ma thèse, j’avais été amenée à étudier le roman Sébastien Roch d’Octave Mirbeau et je m’en suis souvenue tout de suite.
Aujourd’hui, j’ai tiré au sort, comme on dit, et il m’a été défavorable. Mon père m’a acheté un remplaçant. Je reverrai toujours la figure de ce marchand d’hommes, de ce trafiquant de viande humaine, lorsque mon père et lui discutèrent mon rachat, dans une petite pièce de la mairie. (…) Ils marchandèrent longtemps, franc à franc, sou à sou, s’animant, s’injuriant, comme s’il se fût agi d’un bétail, et non point d’un home que je ne connais pas, et que j’aime, d’un pauvre diable qui souffrira pour moi, qui sera tué peut-être pour moi, parce qu’il n’a pas d’argent. Vingt fois, je fus sur le point d’arrêter cet écœurant, ce torturant débat, et de crier : « Je partirai ! » Une lâcheté me retint. Dans un éclair j’entrevis l’existence horrible de la caserne, la brutalité des chefs, le despotisme barbare de la discipline, cette déchéance de l’homme réduit à l’état de bête fouaillée. Je quittai la salle, honteux de moi, laissant mon père et le négrier discuter cette infamie.
Le remplacement militaire au 19e ICI
Par Girondine « Acheter un homme » ou trouver un remplaçant... Le remplacement - Un système qui permettait à un soldat ayant tiré « un mauvais numéro » de se faire remplacer par un volontaire qu'il payait pour se substituer à lui et effectuer à sa place le service militaire |
LA RÉFORME MILITAIRE DE 1867 ET LA DÉFAITE DE 1870 ADRIEN DANSETTE ICI