Je ne fais pas l’intéressant, il y a quelque temps, à la sortie de mon parking, au pied d’un arbre de la contre-allée le sol s’est dérobé, ouvrant une large cavité. Les services de la ville ont sécurisé le petit périmètre, l’arbre qui s’était incliné a été élagué. La semaine passée, branle-bas de combat, un chantier vient de s’ouvrir pour injecter je ne sais quoi dans le sous-sol afin de le consolider.
Ce n’est pas une découverte, lorsque j’ai acheté l’appartement j’ai reçu un document du service des carrières me certifiant l’habitabilité de mon appartement.
Si le métro de la ligne 6 entre Saint-Jacques et la Place d’Italie est aérien ce n’est ni pour faire joli, ni pour tourner des films d’action sous ses piliers, c’est à cause du gruyère des carrières.
Paris, en ce domaine, est une rareté, sans doute unique dans de telles proportions. La ville, dès les Romains, s'est bâtie en dur en extirpant de ses dessous les merveilles que le monde entier nous envie au-dessus. Le civilisateur a trouvé très vite les gisements de gypse là où ils affleuraient à la surface, c'est-à-dire sur les buttes, Montmartre, Chaumont , Ménilmontant. Et découvrit ainsi le plâtre de Paris, fameux aujourd'hui encore dans la corporation des plâtriers pour ses qualités de finesse, de plasticité et de résistance. Lutèce devint alors la Blanche, car le matériau était si beau qu'on en recouvrait les façades. La tradition a perduré jusqu'au début du siècle.
Sous la rive gauche était la pierre à bâtir, et là aussi, au début il suffisait de gratter un peu pour ramasser. Au IIIe siècle, on exploitait à ciel ouvert sur les flancs de la montagne Sainte-Geneviève, à l'emplacement du jardin des Plantes, faubourg Saint-Marcel, et aussi sur les buttes de la rive droite. On bâtit donc et, au fur et à mesure que la ville a grandi, les carrières se sont éloignées de la Seine et de la surface. A partir du XIIe siècle, commence une intense exploitation souterraine qui a laissé des carrières sous les rues de Tournon, de Condé, de l'Odéon, Bonaparte, Cassette, Vaugirard, sous le boulevard Saint-Michel, comme l'a vu le coiffeur, sous les rues de l'Arbalète, Lhomond, d'Assas, du Cherche-Midi, d'Ulm, des Feuillantines, St-Jacques, sous le boulevard du Montparnasse, entre autres. Plus la ville s'agrandissait, se densifiait, plus les carriers creusaient. C'est ainsi que de magnifiques gruyères se trouvent sous les XIIIe, XIVe et XVe arrondissements, où les carrières comportent fréquemment deux ou trois étages superposés. De même à Montrouge, Châtillon, Vanves ou Malakoff, qui à leur tour servirent de réserve pour construire les arrondissements périphériques du sud.
Le coiffeur tenant boutique au 79, boulevard Saint-Michel
… venait à peine de mettre les pieds sous la table vers 18 heures, quand il vit couverts, plats et mets, et la table elle-même, disparaître devant lui, en même temps que le mur de façade de sa maison et la vitrine au-dessous. Penché au bord du désastre, le coiffeur pouvait voir un trou de onze mètres de profondeur sur sept de large qui courait sur dix-huit mètres de boulevard en plein Paris. C'était le 30 juillet 1880, le dernier affaissement spectaculaire dans la capitale. Ce n'était donc pas le premier. En quatre ans, six immeubles de la rue de la Santé et trois immeubles du passage Gourdon avaient disparu dans les profondeurs et suscité une émotion que l'on imagine vive des voisins et plus généralement des Parisiens. A tel point que les propriétaires lésés s'en étaient remis à la justice pour obtenir réparation de la Ville. C'était mal connaître le code civil, qui fait du propriétaire d'un terrain le responsable du sous-sol. Le préfet de la Seine prit donc un arrêté pour qu'à l'avenir tout propriétaire d'un terrain situé sur les anciennes carrières soit tenu de consolider le sous-sol avant de bâtir. Les lois n'ont pas changé depuis.
Des maisons entièrement englouties par les souterrains, ça n'arrive plus à Paris. Fondée en 1777, (Louis XVI interdit d’ouvrir ou de continuer à exploiter des carrières à Paris) .à la suite justement d'une série de ces éboulements qui entraînaient indifféremment à des profondeurs infernales quelques décamètres de routes, un pâté de maisons ou un coin de bois, l'Inspection générale des carrières est le service le plus ancien de la Ville. Depuis plus de deux siècles, l'Inspection générale des carrières bouche, maçonne, inspecte, patrouille et relève les tracés qui minent la capitale. «Nous connaissons plus de 300 km de galeries sous Paris, c'est-à-dire 99,99% des anciennes carrières, précise Helman le Pas de Sécheval, adjoint à l'inspecteur général des carrières.
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Le sous-sol est un gruyère
Par Philippe ROCHETTE — 10 janvier 1996 à 00:05
Comme vous le savez j’ai fait il y a quelque temps un séjour à l’hôpital Cochin, j’aurais pu, si je l’avais su, regagner mon chez moi en passant, en-dessous des grilles du Val-de-Grâce, jusque sous la rue de la Santé, près de la prison ma voisine.
Hôpital Cochin (XIVe). Les carrières situées à 20 m sous terre représentent plus d’un kilomètre de « balade » sous le pavé parisien. LP/Elodie Soulié.
Une galerie souterraine parcourt plus d’un kilomètre sous l’hôpital Cochin (XIVe). ICI
Par Élodie Soulié
Le 15 mai 2017
Vous connaissez les très touristiques Catacombes (XIVe), mais comment imaginer qu'en traversant l'enceinte de l'hôpital Cochin de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), entre Port-Royal et le faubourg Saint-Jacques, vous piétinez aussi… une carrière médiévale ?
C'est la « carrière des Capucins », incroyable dédale autrefois exploité pour sa pierre à bâtir. Ce lieu secret si bien gardé, habituellement fermé au public et transformé en véritable musée souterrain par les bénévoles de la Société d'études et d'aménagement des anciennes carrières des Capucins (Seadacc)
Un état de conservation exceptionnel
« C'est le site le plus représentatif du sous-sol de la capitale, explique ce passionné. Non seulement il est situé au cœur du haut lieu d'extraction de la pierre à bâtir à l'époque du Moyen-Âge, mais sa richesse esthétique, pittoresque, et son état de conservation sont exceptionnels ! ». L'association y est pour beaucoup, lancée depuis des décennies dans la valorisation d'une petite ville sous la ville, classée depuis les années 1990.
Exploités pendant des siècles pour construire la capitale et sa proche banlieue, les sous-sols de la région parisienne regorgent de trous qui menacent encore aujourd'hui la stabilité du bâti. De manière récurrente, des effondrements ont lieu.