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15 mars 2020 7 15 /03 /mars /2020 07:00

Le comédien et metteur en scène Didier Bezace ici au Château de Grignan pour les Fetes Nocturnes 2015. (DELALANDE RAYMOND/SIPA)

Didier Bezace, comédien, metteur en scène, directeur de théâtre, fervent défenseur de la décentralisation ayant une haute idée de la culture déliée de l'audimat est mort à son domicile parisien, ce mercredi 11 mars 2020, à l’âge de 74 ans.

 

J’aimais beaucoup ce que faisait cet homme.

 

Grand moment de théâtre lorsqu’en 2004 j’ai pu, au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers, être le spectateur d’Avis aux intéressés de Daniel Keene qu’il avait mis en scène, avec Gilles Privat, Jean-Paul Roussillon. La pièce a reçu le Prix de la critique pour la scénographie et une nomination aux Molières pour le second rôle.

 

Un très grand moment de théâtre : « Les spectateurs bouleversés restent assis, abasourdis à la fin du spectacle. »

avis aux intéressés - Théâtre de la Commune

Le vieil homme (JP Roussillon) arrive au terme de sa vie. Il le sait. Les médecins lui ont donné trois mois. Il a pris rendez-vous à l’hôpital. Il aura une chambre, des draps propres, des médicaments pour calmer la douleur. Des gens vont s’occuper de lui. Léo (Gilles Privat) le regarde, les yeux vides. Léo est un enfant attardé. Il a quarante ans.

 

Que faire de lui?

 

Qui s’occupera de son fils après lui?

 

Ce qui frappe dans l’écriture de Keene est l’apparente banalité de ses phrases. Avis aux intéressés est une pièce courte où les silences éloquents répondent à des phrases brèves, faussement insignifiantes. Le vieil homme s’est retiré du monde, s’enfermant dans sa relation avec son fils. L’imminence de sa mort le force à sortir de son silence pour trouver une solution confortable pour lui et son fils. Daniel Keene conduit ses personnages dans différents lieux de rencontre parallèles, une banque, une gare, une salle d’attente. Le père parle. Ces quelques phrases, au vocabulaire simple, charrient toute une vie, tout un destin aliéné.

 

Didier Bezace parle très bien de la pièce:

 

«... l’Amour. Cette découverte rédemptrice constitue le vrai dénouement de la pièce».

 

Didier Bezace réalise un chef-d’œuvre de mise en scène.

 

La pièce se déroule dans beaucoup de lieux, en autant de petites saynètes, et même comme des clignements d’yeux. La silhouette penchée du vieil homme affligé, ou bien suivi par son fils, l’homme attablé dans sa cuisine, écrivant une missive, sont comme des vignettes de dessin aux traits vifs. Didier Bezace a imprimé des images fortes sur le texte de Keene, il y a une part d’enfance tragique dans cette fable.

 

Jean-Paul Roussillon est un immense comédien, on le sait. Mais ce qu’il y a de remarquable avec les grands comédiens est qu’ils nous surprennent encore. La force de son talent est telle que l’on oublie qu’il s’appelle Roussillon. Pendant la pièce, il est le père, tout simplement, il n’a pas de prénom, il est le père fatigué, usé, lié à son fils par les liens physiques, une relation basée sur les demandes du corps de son fils, le froid, la chaleur, la faim, le sommeil. Roussillon, à la diction inimitable, donne à chaque syllabe son sens. En face de lui, Gilles Privat interprète Léo. Il est surprenant.

Mort du célèbre Didier Bezace, comédien et metteur en scène

DIDIER BEZACE, MORT D'UN BÂTISSEUR DU THÉÂTRE

Par Didier Péron et Ève Beauvallet

— 12 mars 2020

 

«On est tous des raconteurs d’histoires.» Surtout Didier Bezace, dont on apprenait mercredi la mort, trop tôt, à 74 ans, des suites d’une longue maladie. Un raconteur autant qu’un bâtisseur. L’acteur, metteur en scène, directeur de théâtre charismatique et enflammé, laisse derrière lui des souvenirs d’interprétation et de mises en scène – d’Antonio Tabucchi à Marguerite Duras – mais lègue donc aussi un bâti, des murs avec une histoire, à une nouvelle génération de spectateurs et d’acteurs soucieux de réinvestir les édifices de théâtre.

 

Voix caverneuse et granuleuse

 

Le théâtre était avant tout pour lui un art du texte dont il s’agissait toujours d’aller donner les codes de lecture à tous. Une religion qui le poussa à brandir haut et bruyamment les valeurs de la décentralisation théâtrale jusque dans la banlieue, rouge évidemment, d’Aubervilliers. De 1997 à 2003, il dirigea là-bas le Théâtre de la Commune, monta avec le maire de la ville Jack Ralite des cafés philosophiques, aiguisa son goût pour les «pessimistes gais» comme l’auteur Raymond Guérin, discuta des soirs durant au restaurant avec des spectateurs en fin de spectacle, fit tonner sa voix caverneuse et granuleuse, sur les grands textes du répertoire ou les donna en partition aux «monstres» de sa génération : Pierre Arditi en Arnolphe de l’Ecole des femmes, c’était dans la cour d’honneur du Palais des Papes en 2001.

D’une noce à l’autre - Un metteur en scène en banlieue

Le théâtre n’a pas de mémoire et ce livre n’y pourra rien. Il me donne juste l’occasion de m’arrêter un moment avant de partir et de réfléchir à une démarche artistique que j’ai construite au présent d’année en année, pendant quinze ans.

 

A travers les témoignages, les réflexions, les images, il fait ressurgir, pêle-mêle et sans volonté chronologique, des objets, des bouts d’espace, des regards, des gestes et des expressions volés sur scène... Ce sont les moments de la création théâtrale telle que j’ai voulu la vivre en banlieue à Aubervilliers, entouré d’une équipe fidèle qui m’a accompagné durant tout ce temps.

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commentaires

P
Jack Ralite, un de ces quatre ministres communistes de Mitterrand qui, pour ces Grands Peureux de Bien-pensant selon Bernanos, devaient constituer la tête de pont permettant aux chars russes de défiler sur les champs Elysée. Ils se sont comportés comme de bons citoyens élus et nommés démocratiquement et respectueux des lois de leurs pays.<br /> Ralite, homme très cultivé et amoureux de la culture avait compris et croyait dur comme fer que la culture, la vraie *était un des moyens essentiel pour faire progresser les individus et avancer le « vivre ensemble » Avec Didier Bezace, ils étaient fait pour se rencontrer et vivre l’aventure dont nous parle le Taulier. **<br /> S’il on vent savoir ce qu’est devenu Aubervilliers depuis 2008 date de son dernier mandat de conseiller municipal après en avoir été le maire pendant 19 ans, on lira avec intérêt le n° 13 de la collection « Tracts » chez Gallimard. Didier Daeninckx – « Municipales. Banlieue Naufragée » nous explique pourquoi après avoir habité de très nombreuses années à Aubervilliers, quitte cette ville qui comme beaucoup de commune de La Seine Saint Denis échappe totalement à la démocratie par le clientélisme, la corruption, le communautarisme.<br /> Déjà, il y a 2 ans, dans son roman Artana ! Artana ! il avait décrit cette dérive. Mais son dernier opuscule qui se vase sur des faits, rien que des faits nous décrit une situation qu’on a du mal a imaginer. Effarant !<br /> <br /> * La vraie, pas celle que croit être nos zélites en peignant des portraits géant de Rimbaud, Hugo ou Baudelaire sur les pignons de Hlm, comme à la Grande Borne de Emile Aillaud et devenue « Zone de non droit » pour reprendre cette image imbécile que véhicule les Zemour et autres.<br /> ** On trouvera sur Interlop l’interview de Didier Daeninckx, enfant d’Aubervillers ou il raconte ce que fût, pour lui, le Théâtre de la Commune et comment avec 40 autres ados ils dévalaient des hauteurs pour aller écouter des textes de Brecht par exemple.
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J
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