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23 mars 2020 1 23 /03 /mars /2020 06:00

Voilà une excellente question, en effet qu’est-ce qui se cache derrière un plat ?

 

Deux exemples :

 

  • Un jour je prépare un vrai pot-au-feu avec tous les morceaux traditionnels : Macreuse, Basse côte, Joue de bœuf, Queue de bœuf, Crosse de bœuf, Os à moelle… Au moment du service, une des convives pointe du doigt l’un des morceaux de viande « C’est quoi ? » je réponds « de la queue de bœuf… » l‘assiette fut repoussée avec dégoût.

 

  • Les plats préparés de la GD : que cache leur nom officiel ? Hormis les lasagnes à la viande de cheval, ces plats cachent des ingrédients inscrits en tout petits caractères au cul de la barquette.

 

Un clin d’œil : la panse de brebis farcie.

 

Le haggis, plat national des Écossais qui consiste en une panse de brebis farcie d’abats, foie, poumon et cœur de mouton, et d’une bouillie d’avoine qui, autrefois, était fermentée. Le haggis fut brocardé dans les années 1960 dans un célèbre sketch de Jacques Bodoin, qui se moquait de ses qualités gustatives et odorantes.

 

« Quand on l’a apporté sur la table, j’ai cru que c’était de la crotte… Et plus tard, quand j’y ai goûté, j’ai regretté que ça n’en fût point. »

 

Revenons à la question titre.

 

La Terre est une marmite

 

Je suppose que, quand vous êtes face à un aliment que vous n’avez jamais vu, la première chose que vous faites, c’est de demander le nom. C’est étrange, mais on ne peut pas manger ce qui n’a pas de nom. Si vous allez dans une pâtisserie en France, vous connaissez à peu près tous les gâteaux qui se trouvent dans la vitrine : gâteau au chocolat, choux à la crème, tarte citron… et si vous ne savez pas avec quoi un gâteau est fait, vous le demanderez sûrement. Or, imaginez que vous vous trouvez dans un pays étranger et que vous tombez sur des desserts dont les ingrédients vous sont impossible à reconnaître, avec des couleurs inhabituelles, vert par exemple… Même s’il s’agit de sucreries et que vous aimez les desserts en général, il est plus difficile d’avaler ce dont ne connaît pas le nom et la composition. C’est comme si une personne inconnue se tenait tout à coup devant vous sans être présentée. Il faut se présenter pour apprendre à se connaître et devenir amis. Connaître le nom de l’autre.

 

Dans un restaurant, tous les plats ont forcément un nom. Dans n’importe quel pays, même si vous ne comprenez pas la langue, vous trouvez normal qu’il y ait un menu, une liste de noms de plats. Qu’il s’agisse d’un restaurant de luxe ou d’une échoppe de rue, les plats portent un nom et on les commande en prononçant leur nom. Aujourd’hui, on trouve parfois des menus-surprises, où l’on n’annonce pas d’avance les plats qui seront servis. Pourtant, même dans ce cas précis, au moment où le plat est posé devant vous, on vous explique ce qu’il y a dans votre assiette.

 

La manière d’écrire un menu peut varier selon les restaurants, les époques où les pays. Quand on y pense, un menu est toujours fait avec des mots, c’est un texte. Chaque fois que l’on est au restaurant, la première chose qu’on fait, c’est lire un texte.

 

Dans le même temps, ce qui est assez étrange, c’est qu’à la maison, on ne donne pas de nom aux plats que l’on prépare. »

[…]

La cuisine est liée aux mots, et au monde des mots, d’une manière singulière. D’une part manger et faire la cuisine sont des actes, presque les seuls, qui exigent la participation des cinq sens : on voit les plats, on sent leur odeur, on les touche, on entend les bruits de la cuisson, et on les mange. À cet instant même, toutes les portes de ce monde sont ouvertes.

Quand vous songez à tout ce que vous faites dans une journée : parler, lire, faire de la musique, du sport, travailler dans un bureau… aucune de ses activités ne sollicite les cinq sens. Or, comme on ne peut percevoir le monde qui nous entoure que par nos cinq sens, on pourrait presque dire que manger et faire la cuisine sont les deux actes les plus ouverts au monde.

 

La Terre est une marmite

 

La Terre est une marmite de Ryoko Sekiguchi, poétesse et traductrice japonaise. Cette conférence est une grande méditation sur la cuisine comme « langue », le repas comme « texte », le plat comme « phrase » et l’ingrédient comme « mot ».

 

Avec ça, on peut déjà cuisiner une littérature et une philosophie. Alors on y va : comment traduire, sans le trahir, un « bœuf aux champignons » dans un pays qui n’a pas de champignons ? Par quoi on les remplace ? Autres questions posées : « avez-vous déjà imaginé le goût de quelque chose que vous n’avez jamais goûté » ? Ou, ma préférée : « pourrait-on manger les nuages ? »

 

En répondant aux enfants, Ryoko Sekiguchi démontre que « le désir de manger, c’est l’envie d’être en vie ». C’est simple, c’est vrai, c’est beau, c’est profond : on a fondé des métaphysiques sur des bases plus faibles. 

 

 

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