Olivier de Moor, à sa manière est le pisteur de mon espace de liberté qui n’aime rien tant que j’emprunte la solitude des chemins de traverses, ces lieux que la modernité raye des cartes, les enfouissant sous le macadam des autoroutes et des centres commerciaux, il m’ouvre des voies que je n’aurais pas osé fouler car mon petit bagage ne me permet pas de les explorer.
Ainsi, tôt le matin ou tard le soir, il me transmet des signaux de fumée depuis les collines de Courgy.
Le jeudi 6 février à 19:22
« Mon indépendance qui est ma force induit une solitude qui est ma faiblesse ». C'est de Pasolini.
Ici ce serait presque le contraire. Tout est lié comme le dit ce moine franciscain, agronome et véritablement passionnant.
Un peu comme M.A. Selosse*. Avec qui il échange. Jamais seul. Et cet ensemble de personnes, ce réseau nous ouvre de nouvelles pistes.
*Je suis en train de lire son dernier ouvrage Les goûts et les couleurs du monde. Une histoire naturelle des tannins, de l’écologie à la santé. Je pondrai une chronique dès que possible mais c’est du lourd, ça ne se lit pas comme un roman de gare.
Dans une chronique du 8 janvier 2019 j’évoquais François d’Assise
Avant de mourir, François d’Assise, le « Poverello » demanda à revoir celle qu’il nommait frère Jacqueline… son amie Jacomina de Settesoli, née à Rome vers 1192, béatifiée par l’Église catholique et fêtée le 8 février, inhumée non loin de lui, dans la grande basilique d’Assise, connue en France sous le nom de Jacqueline de Septisoles, pour lui demander la fameuse crème d’amande dont elle avait le secret !
« Un jour le bienheureux François appela ses compagnons et leur dit : « Vous savez combien dame Jacomina de Settesoli fut toujours et demeure attachée à notre Ordre. Je crois que, si vous l’informiez de mon état, ce serait pour elle une grande délicatesse et une grande consolation. Écrivez-lui de vous envoyer, pour une tunique, de ce drap monastique couleur de cendre, comme celui que fabriquent les Cisterciens dans les pays d’outre-mer. Qu’elle envoie aussi de ce gâteau qu’elle m’a préparé maintes fois quand j’étais à Rome. »
« La fin de ma vie est proche. Mets-toi donc aussitôt en route si tu veux me revoir encore. Apporte je te prie de cette bonne chose que tu me donnais quand j’étais malade à Rome ».
Mais revenons à notre franciscain. Le texte qui suis est tiré d’une interview à RCF
« Ingénieur agronome de formation, Hervé Coves accompagne aujourd'hui ceux qui veulent se former à l'agroécologie et à la permaculture. Son parcours professionnel et spirituel est celui d'un contemplatif. En 2014, à un peu plus de 50 ans il est devenu religieux franciscain, membre de l'ordre fondé par saint François d'Assise.
C'est l'amour de la nature qui l'a conduit à devenir ingénieur agronome. Lui, l'enfant de pieds noirs élevé dans une cité HLM de la banlieue de Strasbourg, né en France et éduqué dans l'idée qu'il ne fallait pas trop s'attacher à la terre.
À la fin des années 70, il avait déjà un côté militant quand il a commencé à travaille pour une Chambre d'agriculture dans le Limousin.
Déjà « les Chambres étaient perçues comme parasitant l'agriculture ». Il se souvient, à ce moment-là, « l'idée c'était vraiment de nourrir le monde ». Et on en est venu à utiliser de la farine animale pour nourrir les troupeaux, « on trouvait ça extraordinaire d'élever des vaches avec de la fiente de poule et de la sciure de bois... » Nourrir le monde à n'importe quel prix : plus tard on l'a payé cher.
La première prise de conscience que quelque chose ne pouvait pas fonctionner dans ce système agricole-là, ce fut lors de la crise de la vache folle. « À partir du moment où un projet sur lequel j'avais travaillé a montré ses limites, je me suis dit 'Hervé tu es en train de tuer des gens'. »
Hervé Coves confie avoir « vécu avec cette culpabilité-là pendant longtemps... » Prise de conscience aussi, que, dans ce système où les agriculteurs « ne vivent plus de leur métier » (à part sur de très grandes surfaces de plus de 1.000 hectares) mais « des aides et des subventions », on « ne donne plus une vraie valeur aux choses ». Selon lui, le drame pour un agriculteur c'est que le prix de son effort est décidé arbitrairement depuis Bruxelles.
« La campagne ma révélé quelque chose de la beauté du monde. »
Il avait 12 ans, quand sa famille a déménagé pour le petit village de Kolbsheim (Bas-Rhin) : là, il a vécu « une renaissance ». « Je vivais en moi cet amour de la terre. » Et le jeune homme peut enfin laisser libre cours à sa passion pour les végétaux. Mais sa conversion, ou plutôt sa « révélation » comme il l'appelle, il l'a vécue des années après, au cours d'un voyage d'étude en Guyane. Une nuit au cœur de la « magnifique » et « effrayante » forêt amazonienne, emplie de bruits tous plus ou moins inquiétants les uns que les autres, Hervé Coves est installé dans un hamac et peine à s'endormir. Quand tout à coup une puis deux, puis trois, puis des centaines de lucioles clignotent et se répondent dans un jeu de lumière « féérique ».
« Le monde est un livre extraordinaire dans lequel il y a tant à apprendre », cela il en était déjà convaincu. Mais cette nuit-là en Guyane - Hervé Coves en parle la voix brisée par l'émotion - il comprend que « tous ces insectes, ces singes [qu'il entend] hurler, ces grenouilles qui coassent, ce sont des chants d'amour : je me suis rendu compte à ce moment précis que c'était de ça dont j'avais peur ; ce dont j'avais peur c'était l'amour ».
Et ça a « bouleversé » sa vie. « Je me suis détendu dans mon hamac et j'ai vécu une des plus belles nuits de mon existence. » Une « nuit d'amour à communier avec toute cette nature merveilleuse ». Depuis, il a cessé de ronfler et d'être insomniaque, dit-il en souriant. Il en a surtout gardé « la révélation qu'on est dans un monde qui est plein d'amour » et que souvent « les manifestations d'amour nous effraient ».