Thierry Delabre néo-boulanger, fondateur de Panadero Clandestino
Parlons pain :
Au Bourg-Pailler, le pain c’était du pain de 4, 4 livres, échangé chez le petit Louis Remaud le boulanger, on lui fournissait l’équivalent blé pour la farine (il y avait un minotier Brianceau à la Mothe-Achard) et nous avions en échange notre pain : la comptabilité se faisait sur une coche (lire Quand on payait le pain à la taille ICI
Le pain, avant la première entame, était consacré par une croix tracée à la pointe du couteau, alors vous pensez bien qu’il était hors de question de le jeter ; seule exception la mémé Marie le trempait dans du lait pour nourrir les poules à la mue afin de les requinquer, une forme d’économie circulaire avant l’heure.
Bref, le pain rassis était l’ingrédient quotidien de la soupe.
1 novembre 2010
Peut-on boire du vin en mangeant sa soupe et, si oui, lequel ? ICI
La soupe est par essence populaire même si la soupe populaire n’est pas vraiment l’honneur de nos sociétés de bien ou de trop nourris.
Deux écoles s’affrontent :
- la première coupe le pain sec en tranches ou en petits cubes dans l’assiette avant d’y verser le bouillon ;
- la seconde fait « meloter » le pain dans le bouillon avant de le servir dans l’assiette. Reste aussi la question du bouillon qui pour un puriste comme moi doit se réduire à son plus simple appareil de l’eau et un gros oignon ou de la cébette. Pour ma part je suis soupe melotte, c’està-dire que je fais bouilloter à feu très doux mon bouillon dans une casserole recouverte ce qui fait gonfler les morceaux de pain les rendant ainsi très onctueux : d’où le nom de soupe melotte.
Parlons vin :
Le vin des vignes du pépé Louis, pressuré par le pressoir familial à vis, entonné dans des tonneaux rincés à la chaîne et méchés, virait très vite à la piquette en se couvrant de fleurettes et vu mon âge je n’en buvais pas. En dépit de sa culture totalement indemne de chimie, le soufrage des tonneaux lui aurait interdit l’accès au grand label du Syndicat de défense des vins naturels.
21 février 2020
La deuxième réunion avec la DGCCRF avait lieu ce matin : le « vin méthode nature » est né. Un grand pas !
Sans doute le grand pas des bourgeois de Calais… je plaisante bien sûr mais je doute de la compréhension des gabelous de tous poils, fraudes comprises, sans doute l’ADN de mon père Arsène, bouilleur ambulant qui jouait à cache-cache avec les indirects pour faire la goutte de ceux qui avaient perdu le droit des bouilleurs de cru. Souvenir de la bonne odeur de l’eau-de-vie illégale stockée dans le grand grenier.
Parlons du livre d'Aurélie Thérond Le pain & le vin, le livre de cuisine anti-gaspillage (Ed. de La Martinière)
Belle initiative : « faut pas gâcher » comme disait le madré bourguignon Guy Roux entraîneur de l’AJA, 60 recettes pour utiliser le pain et le vin qu’il vous reste c’est bien, j’aurais préféré un format plus modeste mais chez La Martinière on aime le cartonné genre à poser sur un pupitre.
- Que faire avec le pain qui vous reste, 30 recettes salées et sucrées
C’est la partie la plus originale.
Avec le pain rassis on peut faire bien sûr de la chapelure, des croûtons nature, frits, à l’ail…
Les classiques : escalopes panées, Welsh, Pain perdu salé ou sucré…
Les découvertes : pangratto, knödel, Ajo blanco, salmojero…
J’ai choisi le pangrattato, en italien le «pain gratté». C'est ce que râpaient sur leurs pâtes les paysans du Sud pour remplacer le parmesan, trop cher. L'idée c'est d'apporter du croustillant. «Faites-les revenir avec un peu d'huile et d'ail», nous suggère même Aurélie Thérond.
- Que faire avec le vin rouge ou blanc qui vous reste 30 recettes salées et sucrées
C’est la partie la moins originale, y’a faire chabrot bien sûr ou le miget poitevin, mais avec le vin chez moi y’a rarement de restes, les vins nus, contrairement aux horreurs proférées par le sieur Dupont, supportent le rebouchage (les mauvaises langues diront normal ils sont aussi imbuvables).
On peut aussi avoir un vinaigrier (la remarque précédente s’applique aussi à cet usage)
Mais le grand oubli ce sont le vin chaud ICI et les granités au vin rouge, blanc, effervescents…
Bref, belle initiative, mais dans tous les cas de figure, la règle est d’acheter du bon pain en miche chez un boulanger qui fait lui-même son pain en suivant la méthode traditionnelle (le temps) et du vin nature chez un bon caviste de quartier et là nul besoin de logo certifiant « la méthode naturelle » chère aux poseurs de barbelés sur le Far West.