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9 janvier 2020 4 09 /01 /janvier /2020 06:00

 

Don de Jacques Dupont

Souvenez-vous les pinzutu de l’enquête Corse confiée à Jack Palmer !

 

C'est beau la Corse.

 

C'est juste une île un peu compliquée pour un continental.

 

 

Jack Palmer, parti sur l'île de beauté à la recherche d'un certain Ange Leoni pour lui remettre un testament lui léguant une bergerie, va en goûter tout le suc : le voilà en bute aux indépendantistes de Corsa Corsica,  à ceux du Canal Inattendu, sans parler bien sûr de la Concoctée ou de la Reconcoctée.

 

Allez savoir ?

 

Évidemment les pandores sont sur l'affaire, mais tranquillement, depuis les paillotes du préfet Bernard Bonnet, on ne joue plus avec les allumettes dans la gendarmerie. L’affaire serait plutôt du ressort de la police judiciaire mais la brigade anti-terroriste, comme c’est une affaire de bergerie, l'ombre du berger de Cargèse plane, est sur le qui-vive.

 

 

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Bref, tout ça pour vous dire que lorsque les très hauts propriétaires de châteaux de la presqu’île du Médoc, du côté de Margaux, apprirent que le château Palmer venait de recruter une bergère, en conclave dans un château dont je ne citerai pas le nom, décidèrent à l’unanimité de faire appel au flair de Jack Palmer pour enquêter.

 

Ce qui suit est une libre interprétation fidèle du texte de Vincent Remy LE SUC DE LA TERRE paru dans l’œil de Palmer 2020. Que l’auteur en soit remercié ainsi qu’Annabelle Grellier.

 

 

Il me sera beaucoup pardonné par Thomas Duroux, à mon âge j’ôse tout…

 

« Des vaches dans les prés du domaine et des brebis dans les vignes ! Château Palmer produit son compost, à partir de ses fumiers, ses sarments broyés et ses rafles de vendange. »

 

Enfer et damnation, mais où va-t-on ?

 

Jack Palmer débarqua à la gare de Bordeaux Saint Jean par un train de nuit, fin juillet 2019, puis il prit un Uber pour rallier le château Palmer sis à Margaux. La canicule s’était abattue sur le Médoc. Aux premières lueurs du jour, sanglé dans son imperméable mastic style inspecteur Colombo, Palmer découvrit avec stupeur un tracteur qui ronronnait dans un pré. Au loin, avant la chaleur accablante, Émilie la bergère et Pierre l’éleveur s’affairaient à rentrer les foins. Ils alignaient les bottes sur la remorque qu’ils allaient conduire à la bergerie de Château Palmer.

 

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Dans le train Palmer avait lu dans un vieux numéro de la RVF que le domaine détenait les plus beaux terroirs de graves de l’appellation Margaux, il s’attendait donc à découvrir des monceaux de tonneaux mais, oh surprise, il contemplait une quinzaine de Bordelaises, des vaches à l’élégante robe mouchetée de noir, dite pigaillée.

 

 

C’était la race des châteaux, lui dit-on, elle était fort répandue dans les riches prairies alluviales comme dans les zones sablonneuses du littoral. Les plus grands châteaux possédaient un troupeau pour le lait et la fumure des vignobles. Elle avait connu dans les années 1920-1930 son apogée : « pensez-donc environ de 8 000 têtes ! » Mais une sélection trop esthétique au détriment de la foutue productivité fit qu’elle se fit damer le pion par la frisonne pie noire. Sa dernière participation au Concours Général Agricole date de 1939. L’espèce a failli disparaître. Depuis 2013, Château Palmer participe à sa renaissance, conduite par le Conservatoire des races d’Aquitaine.

 

Sabrina Pernet, la directrice technique du Château Palmer, rassura Palmer qui se voyait déjà revivre l’embrouillamini de la bergerie d’Ange Leoni.

 

« Nous n’avons pas des vaches pour le décor, mais parce que nous avons décidé de produire notre compost pour fertiliser les vignes. Il nous fallait donc du fumier »

 

Il faisait aussi chaud qu’à son arrivée sur le tarmac de Campo del Oro, mais Palmer qui n’avait repéré dans le secteur aucun membres du F.L.D.B : le Front de libération de la biodynamie, très présents au sein du CIVB, écouta sagement les explications de Sabrina Pernet et en resta bouche bée.  

 

« L’idée a germé il y a une dizaine d’années. Tous les sarments issus de la taille hivernale étaient alors brûlés. Se posait donc la question de cette matière organique perdue, du carbone rejeté dans l’atmosphère, alors que la propriété achetait du compost et des engrais. « On a décidé de récupérer ces sarments, de les broyer et de les composter, mais il nous fallait aussi de la matière animale. Comme on n’avait pas encore de bêtes, juste quelques brebis, on a acheté du fumier à un éleveur bio, Jean-Denis Dubois. C’est ainsi qu’est né notre premier tas de compost. »

 

Au fil des ans, l’affaire a pris une belle ampleur.

 

Sabrina pris Palmer par le bras pour l’emmener à la parcelle des Blés, non loin du Château, un terrain entouré de vignes sur lequel sont alignés plusieurs andains d’une cinquantaine de mètres chacun. Ici, les sarments de l’hiver. De décembre à mars, lorsque le sol est suffisamment sec, une machine attelée à un tracteur les ramasse et les broie. Là, le fumier, provenant de la bergerie et de l’étable. Plus loin, deux tas moins imposants, les déchets verts collectés tout au long de l’année par Vincent Le Falher, le jardinier du Château, et le tri de vendange, rafles et débris végétaux, que les coups de bec des oiseaux ont un peu éparpillé. Dans quelques jours, une pelle mécanique effectuera le mélange des tas, godet après godet. « Au début, nous avons tâtonné, se souvient Sylvain Fries, qui dirigeait alors le pôle d’expérimentations de Palmer.

 

Subjugué, Palmer, qui n’y comprenait goutte, prit un air inspirer pour boire les paroles de Sabrina (il se serait bien éclusé un pastis Dami, l’empereur des pastis corses, pour étancher sa soif mais ce n’était ni le jour ni l’heure)

 

 

L’équipe visita des propriétés, consulta des professionnels, et constata que les tas de grande hauteur montaient vite en température et atteignent 80 degrés. « À de tels sommets, beaucoup d’éléments nutritifs disparaissent. Avec nos tas étalés, nous montons à 50-55 degrés, ce qui suffit pour dénaturer les micro-organismes indésirables, notamment les maladies du bois ou graines à germer, sans détruire le potentiel de fertilisation. »

 

Tout aussi important est le pourcentage de matière animale et végétale.

 

« Au début, nous faisions un compost trop ligneux. Très stable, il améliorait la structure des sols, mais n’était pas assez nutritif. Il faut quand même que le compost relâche un peu d’azote pour les plantes ! Aujourd’hui, il est équilibré. »

 

 

Ils se dirigèrent vers l’étable, du côté des vignes de Boston. L’air était oppressant. Ce serait  la plus chaude journée de l’année. Dans la fraîcheur de l’étable, Pierre et Émilie firent les présentations. Quatre jeunes Bordelaises les accueillent dans leur enclos. Puis leurs voisines, une vingtaine de brebis et quelques chèvres. Pierre s’occupe plutôt des premières, Émilie des secondes. Tous deux se lancent dans un comparatif des fumiers, et des quantités de rebuts de râtelier, ou soutrage — herbe séchée issue des prairies de Palmer —, à ajouter aux déjections. Où l’on comprend que l’expérience du bon ratio est essentielle ! Émilie avait tendance, les premières années, à trop pailler le fumier de ses brebis, alors trop sec, et qui peinait à se dégrader, d’autant que la bête piétine avec légèreté. Côté vaches, les déjections sont plus liquides, et les bêtes de 500 kilos écrasent et enfoncent la paille qu’on apporte sous leurs sabots tous les deux jours.

 

Palmer déboussolé se disait dans sa petite Ford d’intérieur « Adieu, vaches, cochons, couvée… » loin des senteurs du maquis il se requinquait en faisant tourner dans sa tête les paroles d’Émilie jolie.

 

Pierre, agronome un jour agronome toujours, démonstration visuelle à l’appui tente de convaincre Palmer de l’utilité de mêler deux matières bien différentes, fumiers bovin et ovin.

 

« Dans le Médoc, on ne voit que de la vigne, très peu d’animaux. Et pourtant, les propriétés utilisent du fumier. D’où vient-il ? De régions d’élevage, comme la Bretagne qui, elles, ont trop de matière organique. Elle se déverse dans les sols, engendre le nitrate et les algues vertes. D’où l’intérêt de mêler culture et élevage... »

 

Palmer branla du chef en signe d’acquiescement, souvenir de son enquête en Bretagne.

 

 

 

Il était heureux tout comme Pierre et Émilie, qui sont heureux de travailler dans un domaine viticole qui a abandonné les engrais de synthèse, et rétabli la présence animale. Pierre apprécie « un cadre de travail rare », où il peut rendre visite à ses vaches quotidiennement : « Aucune d’entre elles n’est agressive ». Émilie et Pierre sont attentifs à l’état de santé de leurs bêtes. Ils connaissent suffisamment bien Marguerite, Mirabelle, Lupin, Narcisse, Négrette, Nérine, Olivier ou Orchidée, pour détecter les soucis éventuels, privilégient les remèdes naturels préventifs, et les traitements parasitaires ciblés.

 

Palmer intimidé n’osait pas suggérer d’en prénommer une Colomba en souvenir de Mérimée.

 

Ses papilles furent excitées lorsqu’on évoqua le compost millésimé

 

« Le compost, c’est comme le vin, il y a les bons millésimes. Tout dépend de la température et des précipitations... »

 

Pour Sylvain Fries, une bonne année suppose des pluies fines et épisodiques. Car, trop sec, le compost se minéralise, devient cendreux. Pour pallier l’absence de précipitations, l’arrosage doit être modéré et régulier, sans quoi les éléments nutritifs, lessivés, se retrouvent dans le sol qui l’héberge. « Il existe des composts sur aires bétonnées, avec arrosage », poursuit Sabrina Pernet. Mais nous avons préféré que le nôtre soit à même le sol, car nous tenons à rester sur une petite échelle. »

 

Palmer sourit comme le ravi de la crèche.

 

Outre la forme des tas et le taux d’humidité, la durée du compostage importe. Un compost jeune, trois mois de maturation, apportera davantage d’éléments nutritifs — l’azote, principalement, qui favorise la pousse du végétal — qu’un compost d’un an qui améliorera la structure des sols. À Château Palmer, on préfère des composts relativement âgés, parce que les sols du Médoc sont des graves sableuses qui comportent peu d’argile, et assez peu de matière organique. On analyse le compost avant de décider de sa répartition sur les parcelles. Le jeune est réservé aux complantations, et aux parcelles nouvellement plantées — il donne alors un coup de pouce et aide au démarrage du pied.

 

Sabrina reprenait les rennes :

 

« La vigne n’a pas besoin de beaucoup d’apport organique, c’est pour cela qu’on ne met du compost qu’au départ, puis tous les trois ou cinq ans, au cas par cas », Notre objectif n’est pas seulement un apport de matière, mais d’énergie, de structure, de micro-organismes. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est intéressant que le compost soit issu de matières premières du terroir de Palmer ».

 

Palmer opine du bonnet.

 

C’est Vincent Jaraudias, chef de culture, qui fait l’épandeur.

 

Chaque automne, il définit un plan d’action, note les quantités de jeune et vieux compost à répartir sur environ un tiers des parcelles, distribue leur feuille de route aux chauffeurs. L’affaire est bouclée en une ou deux semaines. Vincent connaît chacune de ses parcelles, et accorde une attention particulière à celles qui manquent de matière organique. Il tient compte de l’historique, de la « carte de la vigueur » élaborée dans l’été, du rendement des dernières vendanges, et des observations faites tout au long de l’année. De l’avis de tous, grâce au compost et à l’herbe dans les vignes, la couleur et l’odeur des sols du domaine ont changé. Les analyses montrent que les taux de manière organique ont doublé, que l’herbe pousse désormais là où elle n’avait jamais poussé.

 

Palmer songe à Attila.

 

« Quand on prend une motte de terre, on voit que la structure est grumeleuse et qu’elle se tient. Auparavant, quand on retournait la terre après la pluie, c’était souvent du béton. Maintenant, elle s’effrite comme de la farine. »

 

En écoutant Sabrina Pernet Palmer se réjouit : «  Ouf, ce n’est pas ici, comme à Calvi, que je vais me faire rouler dans la farine… »

 

Dès la sortie de l’hiver, les vignes de Palmer se couvre d’herbe.

 

Palmer se roulerait bien un petit joint…

 

Vincent reprenait les choses en mains :

 

« L’herbe crée un système racinaire dense, rendant parfois les sols plus difficiles à travailler »

 

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À la fois ravi... et inquiet de voir le travail augmenter ! Car si l’herbe entre les rangs est bienvenue, améliore la portance des tracteurs et entraîne une concurrence salutaire pour la vigne, elle est inutile entre les pieds. « Il ne faut pas se laisser envahir », poursuit-il, n’oubliant pas pour autant de saluer l’arrêt des herbicides, qui détruisent toute végétation en surface et ne permettent pas de connaître l’état du sol : « Or, lorsqu’une plante ou une herbe adventice apparaît, c’est ton sol qui parle... »

 

Palmer se dit comme à Jeanne à Domrémy-la-Pucelle…

 

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Dans cette histoire à dormir debout jouons à saute-moutons, nous sommes maintenant en novembre 2019, et nous broutons dans les vignes…

 

Le spectacle, inédit dans le Médoc, fait plaisir à voir. Des brebis dans les vignes ! Elles mâchonnent consciencieusement, sous l’œil attentif de Ben et Hiphop, les deux border collies de Pierre et Émilie.

 

« Hiphop est une chienne très calme, qui ne met pas la pression et conduit cent vingt brebis sans problème. Ben colle aux bêtes, elles partent dans tous les sens. C’est un mâle, il s’est calmé depuis que Pierre s’en occupe... », s’amuse Émilie.

 

Palmer s’amuse aussi.

 

« Il convient mieux aux vaches, parce qu’elles ont plus de répondant. Il se méfie davantage », confirme Pierre.

 

Le tandem fait paître les brebis dans la plupart des parcelles du domaine, de la fin des vendanges au mois d’avril. Château Palmer n’a qu’une vingtaine de bêtes, mais travaille avec des bergers locaux qui mettent à disposition leurs brebis cinq mois dans l’année. Un troupeau arrive début novembre, un second à Noël, et depuis l’an dernier un troisième en février, lorsque les sols commencent à se réchauffer et que l’herbe pousse plus vite. Soit un total de deux cent bêtes qu’il faut ramener chaque soir à la bergerie.

 

Les brebis ne se contentent pas de pâturer et d’entretenir l’enherbement au plus court, elles rendent les sols fertiles. Sabrina se réjouit du spectacle. Elle évoque un cycle vertueux :

 

« Un compost de qualité donne vie aux sols, où se développe une flore diversifiée, entretenue par des brebis qui transmettent leur cortège digestif de micro-organismes. »

 

À l’évidence, l’idée d’avoir un compost qui vient de la propriété n’est pas affaire de prestige.

 

« Nous, vignerons, ne sommes pas là pour nourrir la plante, mais pour que le sol soit vivant et que la plante ait tout pour se développer correctement sur ce sol bien structuré. Or, rien n’est le mieux adapté à un terroir que ce qui en vient ! Aller chercher du compost ou des amendements à l’autre bout de la France ne va pas dans le sens d’une entité autonome », poursuit Sabrina Pernet.

 

Elle aime rappeler l’ambition de Thomas Duroux : « Mettre un lieu dans un verre. » Le compost n’est qu’un outil, une clé de la réussite de Château Palmer, qui a su magnifier ce cycle interne de la matière vivante.

 

Jack Palmer tout ému remercia tous ceux qui l’avaient si bien accueilli et leur déclara larme à l’œil : « Si Pétillon était encore de ce monde il se serait fait une joie de pondre une BD « L’enquête de Jack Palmer sur le suc de la terre de château Palmer »

 

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