L’écrivain Lafcadio Hearn (1850-1904) a aidé à faire connaître le judo dans le monde après avoir rencontré cet art martial par le biais de son amitié avec son fondateur, Kanô Jigorô. Hearn a été fasciné par le principe du judo : faire usage de la force de l’adversaire.
Mon titre tire profit de ce principe, non que Jean-Paul Kauffmann fût pour moi un adversaire, en m’appuyant sur la capacité de JPK à tirer la quintessence d’un ouvrage savant, en l’occurrence ici sa Préface de l’ATLAS Des TERRES SAUVAGES d’Aude de Tocqueville chez Arthaud.
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Cadeau idéal pour les petits souliers de Noël.
« Un atlas des terres sauvages. Oui, il y en a encore. Au sens où on l’entend communément, inasservi, isolé. Ces lieux à l’état de nature sont plus nombreux qu’on ne pense. Rassurant ? Pas vraiment. À côté de ces derniers sanctuaires inapprivoisés, l’homme a inventé d’autres lieux sauvages. Ils ne se laissent pas pénétrer. Ce sont des enfers.
L’originalité de cet atlas tient à ce mélange que l’auteur a su doser subtilement. Le désert de Danakil et les souterrains de New-York peuvent être qualifiés de sauvages mais cet état n’est pas de même nature. Le premier n’est qu’inhabité et difficilement accessible, le second qui a quelque chose d’inhumain marque un retour à la férocité primitive. Dans un stade ultime de la civilisation, l’homme a conçu une forme de sauvagerie, bien plus cruelle et impitoyable que ces terres secrètes et inviolées. À cet égard, le point Nemo dans le Pacifique Sud est éloquent : ce cimetière spatial où s’abîment les satellites sur orbite en fin de course résume bien l’irresponsabilité de l’homme. Dans cette décharge maritime, les débris spatiaux s’accumulent. Jusqu’à quand ? Les hommes découvrent aujourd’hui que Gaïa, déesse de la Terre, attend son heure, aux outrages elle sait attendre coup pour coup ! Tchernobyl, le Deep Web, cet espace virtuel qui nous fait pénétrer dans un monde parallèle vertigineux, sont de nouvelles terres sauvages créées au nom de la culture. La question est posée : dans un rapport de domination, l’homme va-t-il réussir finalement à s’exproprier de la planète ?
On pourrait penser qu’Aude de Tocqueville ICI procède à une sorte d’inventaire d’avant la catastrophe. Le pire n’étant pas toujours sûr, je pense que cette recension des lieux sauvages, « anciens » et « nouveaux » comporte une note d’espoir. Les hommes aiment mettre en scène leur propre mort, n’est-ce pas la manière la plus sûre de la responsabiliser ? Car il existe encore des paradis, certes fragiles, menacés par le réchauffement climatique comme la cordillère de Darwin ou, tout simplement, par le tourisme mondialisé et l’hégémonie marchande. Ils sont comme une dernière empreinte d’ « avant » à telle enseigne qu’on se demande s’ils ne sont pas imaginaires.
Les rapports de l’espèce humaine avec un monde encore indemne d’ablations déterminent notre avenir. Sans doute l’homme a-t-il commencé à comprendre qu’en arraisonnant ces derniers lieux intacts, il se condamnait lui-même. L’heure n’est plus de sauvegarder ces sanctuaires inviolés à la manière de réserves ou de curiosités naturelles. Il en va désormais non seulement de notre relation au monde mais de notre dépendance à nos semblables. Un lien de solidarité. La même appartenance à l’espace, au sacré, au temps, au vivant. À la pluralité.
À une époque où l’on se plaît à souligner que les dommages sont définitifs et qu’un point de non-retour est atteint dans la dégradation de notre environnement, l’atlas d’Aude de Tocqueville tend à prouver que nous vivons peut-être dans un monde où rien ne disparaît vraiment. Tout peut renaître si l’on s’en donne les moyens. Sa description du jardin Saint-Vincent devenu une friche en plein Paris ne fait pas seulement rêver. Elle fait aussi espérer… »
Jean-Paul Kauffmann
LE JARDIN SAINT-VINCENT Friche secrète FRANCE. 48°53’N – 2° 20’ E (page 120)
Le Jardin Sauvage Saint Vincent constitue l’unique exemple d’un milieu naturel conservé en plein Paris ! 17 rue Saint-Vincent 75018 Paris
Longtemps abandonné, cet enclos pentu s’est laissé envahir par les sureaux, les digitales, les ronces, les lierres et une colonie de petites bêtes champêtres. Un jour, enfin, les paysagistes de la Ville décidèrent de réveiller ce joli jardin dormant. Mais devant tant de grâce, bêches et sécateurs reculèrent. On résolut de conserver en l’état ce site fragile et poétique pour y observer l’écosystème et la biodiversité, les bestioles de la mare, les arbres, les arbustes et la romance des herbes folles.
Ce petit enclos de 1500 m2 à flanc de coteau, mitoyen des vignes de Montmartre, fut aménagé durant un temps en square public, avant d’être abandonné à lui-même pendant une vingtaine d’années.
En 1985, la Direction des Parcs, Jardins et Espaces verts de Paris, eut l’idée d’en faire un jardin sauvage : la pente fut consolidée, un sentier aménagé et un bassin creusé. Quelques nouvelles espèces végétales et animales y furent introduites. Depuis son aménagement, le jardin évolue naturellement.
Le Jardin Sauvage Saint Vincent constitue à Paris un véritable observatoire de plantes sauvages qui servaient autrefois pour la cuisine ou comme remède médicinal. Des enfants des écoles s’y rendent pour s’initier à l’écologie.
Pas de visite en hiver.
Infos : 01 71 28 50 56