Comme plus personne ne fait de la politique, l’heure est aux ébraiements de tous bords, que les intellos sont portés disparus, à la veille de la Nativité, un petit coup de travelling arrière m’a semblé le bienvenu.
En mars 1981, François Truffaut adhère au comité de soutien de Mitterrand. Il apparaît même en photographie sur un tract-affiche du comité, intitulé « Pour nous c’est Mitterrand », diffusé à la mi-avril 1981, à plusieurs millions d’exemplaires dans les grandes villes de France. Dix-huit personnalités y figurent, dont Jean-Claude Casadesus, Vladimir Jankélévitch, Françoise Sagan, Alexandre Minkowski, Haroun Tazieff, Anna Prucnal et Catherine Lara, Gérard Depardieu et Annie Duperey. Dix autres personnalités ont écrit un court texte justifiant leur engagement : Pierre Mendès-France, Régis Debray, François-Régis Bastide, Léopold Sedar Senghor, René Fallet… »
S’y ajoutent, une cinquantaine de professionnels du cinéma, dont René Allio, Gérard Blain, Claude Chabrol, Costa-Gavras, Gérard Depardieu, Jacques Demy, Michel Piccoli, Marie Dubois et Brigitte Fossey.
Que du beau linge !
« Truffaut n’a connu dans sa vie d’homme mûr, Truffaut n’a connu que des gouvernements conservateurs. Mais il ne s’engage pas au point d’aller lui-même voter. D’ailleurs, Laura ne se prive pas de critiquer son père, elle qui est heureuse de bénéficier, grâce à Giscard, du droit de vote à dix-huit ans. « Je lui disais que ce n’était pas bien : si on appelle à voter, on doit voter soi-même. Lui disait le contraire, qu’il avait bien plus d’influence en appelant à voter. » Mais le cinéaste n’est pas à une contradiction près lorsqu’il s’engage sur le terrain politique. »
Truffaut soutien Mitterrand, alors qu’il ne l’apprécie que modérément, le jugeant trop politicien, plus un habile stratège qu’une autorité morale. Les deux hommes n’ont pourtant pas ménagé leurs efforts pour mieux se connaître, déjeunant ensemble chez Lipp à plusieurs reprises dans le courant des années soixante-dix. Comme c’était le cas en 1974, Truffaut penchait d’abord en faveur de Michel Rocard, au moment où Mitterrand et lui étaient encore rivaux pour représenter la gauche socialiste aux élections présidentielles. Au lendemain d’un passage remarqué de Rocard à la télévision, Marcel Ophuls avait écrit à Truffaut pour le convaincre d’apporter son soutien à l’ancien leader du PSU : « Si cela s’avérait nécessaire, j’aimerais pouvoir essayer de vous convaincre. Je sais qu’en tant que « tête politique » je jouis d’un certain prestige auprès de vous J’aimerais à présent pouvoir en profiter, parce que je crois que c’est très important… » À la mi-avril 1980, Truffaut et Ophuls rencontrent Rocard, prêts à s’engager derrière lui s’il se décide à faire acte de candidature. Quelques semaines plus tard, Rocard renonce, constatant qu’une large majorité du Parti Socialiste se range derrière Mitterrand. Onze mois plus tard, Truffaut rejoint le comité de soutien à Mitterrand, à la demande de Jack Lang et de Roger Hanin. »
« Le 21 mai, jour de l’investiture, il figure au troisième rang du cortège qui suit le nouveau président de la République lors de la cérémonie du Panthéon… et quelques jours plus tard, il est présent parmi les nombreuses personnalités invitées à l’hôtel Intercontinental par Mitterrand, venu remercier ceux qui l’ont soutenu. Au cours d’un aparté, le Président a une longue conversation avec le cinéaste, qu’il remercie chaleureusement. Truffaut est ravi par deux des premières mesures prises par le nouveau pouvoir, à savoir la diffusion à la télévision, dès mai 1981, du Chagrin et la Pitié, et surtout l’abolition de la peine de la peine de mort, proposée par Robert Badinter… »