Rappelez-vous, « Jeff » L.B Jefferies, photographe de presse, le flegmatique James Steward, s’est cassé une jambe au cours d'un reportage sur un circuit automobile se retrouve dans un fauteuil roulant ce qui l'oblige à rester dans son appartement new-yorkais de Greenwich Village, dont la fenêtre donne sur une petite cour et plusieurs autres appartements. C'est un mercredi d'été et il fait particulièrement chaud. Jeff passe son temps à observer ses voisins qui, pour s'aérer, laissent leurs propres fenêtres ouvertes.
Rear Window c’est de l’Alfred Hitchcock pur en août 1954 aux États-Unis et le 1er avril 1955 en France. Il a été présenté à la Mostra de Venise de 1954. Et puis, il y a Grace Kelly.
Comme vous le savez dans un passé récent à la suite d’abord de l’adjonction d’une hanche en porcelaine puis d’une grosse gamelle à vélo, côtes cassées, poumon perforé, je me suis retrouvé longtemps alité. Ma fenêtre sur cour donne sur la prison de la Santé, pas lerche à observer. Alors, tout en écoutant FIP en boucle, lisant des tonnes de romans, je me suis abonné à une flopée de comptes twitter pour suivre l’actualité.
Et là qu’ai-je vu ?
Le bal des m’as-tu vu ?
Comme la belle-mère dans Blanche-Neige « Miroir mon beau miroir, dis-moi qui est la plus belle ? »
Sur Twitter c’est majoritairement des mâles « Miroir mon beau miroir suis-je bel ou beau ? »
Des gens connus, bien sûr, mais aussi des gens que je connais personnellement, et là, au fil des jours et des tweets, tel un profiler, un voyeur à sa fenêtre, untel ou untelle dessinait avec délectation son image, une belle image, cultivé(e), supérieurement intelligent (e), des avis sur tout et le contraire de tout, de beaux enfants, rarement mention du conjoint ou de la conjointe, de beaux voyages, de belles tables, des photos avantageuses, comme dirait Pax des paons, on n’est jamais si bien servi que par soi-même.
Précision d’importance : je ne poste aucun Tweet, seul mon blog chaque matin y est automatiquement publié. De temps à autres je balance une vanne sous un tweet pour le plaisir. Attention, si le monsieur ou la madame ne goûte pas mon humour le risque est grand de me voir privé de l’accès à son compte, ainsi Emma Ducros, journaliste à l’Opinion, très branchée pesticides, que j’appelais la boulangère, elle a avait fait des ménages grassement payés, m’a viré. Ternir la belle image publique est mal venu.
Et si grâce à Tweeter je me faisais recruteur ?
Dans mes jobs dans le secteur privé j’ai eu affaire avec les cabinets de recrutement, les chasseurs de têtes, je regrette que Twitter n’existait pas à cette époque c’eut été facile d’écrémer les candidats en dessinant leur vrai profil loin de leur belle image présentée par eux. Tous les chassés que j’ai connus, recrutés par la holding, se sont révélés inadaptés à leur fonction, de gros flops.
Une anecdote : lorsque je me retrouvai sur le marché en 1986 après mon passage au cabinet de Michel Rocard ministre de l’agriculture je n’avais nulle envie de retourner pantoufler à l’Office des fruits et légumes où l’on voulait me bombarder directeur-adjoint. J’ai fait les petites annonces du Monde, j’en ai dégotté une qui fleurait bon ce que dans notre jargon appelions les OPA. J’y répondis. Je passai plusieurs entretiens avec le chasseur qui, au bout du bout me sélectionna et me plaça numéro 1 de son choix. Dans ma petite Ford d’intérieur je bichais, j’imaginais la tête des patrons de la FNCA en découvrant ce choix. Ils furent très sport, Yves Barsalou le Président et Lucien Douroux le secrétaire-général me reçurent et, chacun à leur manière, ils me flattèrent, me tressèrent des couronnes, tout en me disant qu’ils voyaient mal un « socialiste » mener à bien la privatisation du Crédit Agricole. J’en convins en leur précisant que j’avais fait ce tour de piste pour voir jusqu’où j’irais mais, qu’en dépit des émoluments élevés, de la voiture et du logement de fonction, je me voyais mal directeur de la FNCA. Bref, ils recrutèrent un énarque de Bercy, plus apte que moi à faire la tambouille (conflits d’intérêt connaît pas)
Autre piste : la DGSI et le fisc
Une mine, ils doivent se régaler devant leurs écrans.
Et moi, quel profit je tire de ce voyeurisme ?
Aucun, sauf de me gondoler grave lorsque je croise un ou une addict de Twitter, bien sûr je n’en laisse rien paraître, je donne le change. Ce n’est pas bien du tout j’en conviens mais pourquoi me priverais-je du petit plaisir de ce théâtre des vanités. Je n'ai pas trouvé de passe-temps plus inutile.
« Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite. »
Voici la mère de tous les avertissements fictionnels. Il en existe de nombreuses variantes, la plupart parodiques.