Ainsi va la vie d’un chroniqueur qui dans son activité de gâte-sauce amateur proposait à ses invités un plat de son cru : le 4 août 2007
Le crabe aux pinces d'or ICI
J’utilisais du crabe CHATKA en boîte sans me préoccuper de l’origine géographique des pattes et la chair de cette bestiole. C’était un des rares produits présentables de la florissante économie soviétique que révéraient nos camarades communistes CGT incorporée.
Mais le Kamchatka, connais pas.
Et puis, l’ogre soviétique se vautra la gueule en compagnie des républiques sœurs, le bordel s’installa, le crabe Chatka en boîte devint une denrée rare.
Et puis le nouveau tsar Poutine, rejeton du KGB, s’installa et revint le crabe Chatka.
Et puis, dans ma quête de lecture j’achetai dernièrement un petit livre de KOBAYASHI TAKIJI Le bateau-usine publié par Allia.
Le Bateau-usine est le chef d'oeuvre de Kobayashi Takiji. Ce classique décrit les conditions de vie inouïes des travailleurs à bord d'un navire pêchant le crabe dans les mers froides et dures, entre Japon et URSS. Exploités et humiliés, ces hommes découvrent la nécessité de l'union et de la révolte.
Réaliste et novateur, ce texte culte connut un succès international. Il rencontre aujourd'hui un regain d'intérêt, entraînant la sortie de plusieurs films, mangas, etc.
Quatre-vingts ans après sa parution en 1929, il est devenu au Japon le porte-flambeau d'une jeunesse désenchantée. Une oeuvre engagée et avant-gardiste, plus que jamais d'actualité.
Kobayashi Takiji est l'une des figures majeures de la littérature prolétarienne de l'entre-deux-guerres. Il meurt torturé par la police en 1933, à l'âge de 29 ans.
Le Bateau-usine nous plonge en pleine mer d'Okhotsk, dans le Pacifique, zone de tensions entre l'Union soviétique et le Japon. Nous embarquons à bord d'un bateau de pêche, où le crabe, produit de luxe destiné à l'exportation, est conditionné en boîtes de conserve. Marins et ouvriers travaillent dans des conditions inhumaines et subissent la maltraitance du représentant de l'entreprise à la tête de l'usine. Un sentiment de révolte gronde. Un premier élan de contestation échoue, les meneurs sont arrêtés par l'armée. Mais un nouveau soulèvement se prépare.
Allégorie du fonctionnement du capitalisme, ce bateau-usine permet à l'auteur de dénoncer la collusion d'intérêts entre l’État, l'industrie et l’armée, dans une zone géographique extrêmement sensible. En même temps qu'il déplie les enjeux de l'impérialisme et de la colonisation, l'auteur élève le collectif en force vive d'opposition.
Et revoilà le Kamchatka et son crabe royal Patalithodes camtschaticus, alors je me suis plongé dans les eaux glacées
Le crabe royal du Kamchatka ou crabe de Staline est une espèce de crustacé particulièrement imposante qui peut peser 10 kg et atteindre une envergure de 1,5 m pour une carapace large de 28 cm. Sa carapace hérissée d’épines le protège contre des prédateurs potentiels. Les jeunes crabes royaux rouges préfèrent les eaux côtières peu profondes. Lorsqu’ils grandissent, ils migrent vers des régions plus profondes. Les adultes se trouvent généralement à des profondeurs situées entre 20 et 50 m. Le crabe royal rouge est omnivore, il se nourrit de tout ce qui est mort ou sur le point de mourir et peut aussi consommer des insectes. À l’âge adulte, les plus grands mâles peuvent atteindre un poids d’une douzaine de kilos et une envergure avoisinant les 2 mètres.
Le crabe royal du Kamchatka est originaire, comme son nom l’indique, de la mer de Béring entre l’extrême est de la Russie et l’Alaska. Dans son environnement naturel, c’est un maillon au centre de la chaîne alimentaire. De nature vorace, il s’attaque aussi bien aux poissons qu’aux plantes ou aux crustacés mais certains de ses voisins, comme les poissons-loups, le trouvent à leur goût et limitent son extension.
Dans les années 1960, des scientifiques russes ont introduit le crabe royal rouge dans les eaux territoriales norvégiennes et russes, la mer de Barents, dans le but d’établir une ressource de pêche durable afin de venir en aide aux populations particulièrement pauvres de l’extrême orient du pays en leur fournissant du travail grâce une nouvelle ressource à exploiter. Certains disent même que Joseph Staline aurait essayé d'en faire autant avant la Seconde Guerre mondiale, mais sans succès.
Avant d’introduire les crabes, les scientifiques procédèrent à des présélections, les individus les plus vifs et les plus débrouillards partirent à Mourmansk tandis que les autres furent consommés. Transportés par chemin de fer, ces crabes royaux d’élite seront massivement introduits en mer de Barents et, pour leur plus grand plaisir, ils n’y trouvent aucun prédateur capable d’enrayer leur expansion. Celle-ci est d’autant plus rapide qu’une femelle adulte peut pondre jusqu’à 40 000 œufs chaque année.
Aujourd’hui, les crabes libérés à l’ouest ont développé des comportements qui leur sont propres. Ils se regroupent en colonies et ratissent les fonds marins à la recherche de toute forme de vie comestible, bouleversant ainsi totalement les écosystèmes en place. Chaque jour, l’espèce étend son territoire et progresse le long des côtes de Norvège.
En 1979, les premiers individus ont été pêchés dans les eaux norvégiennes, à l’ouest de leur zone d’immersion. La pêche a démarré à un stade expérimental en 1994, avec un quota de 11 000 crabes partagé entre Russes et Norvégiens. En 2002, cette pêche a pris une dimension commerciale et une réglementation a été mise en place. Les Norvégiens ont opté pour un système de quota par navire et les Russes pour un système de licence.
La ressource est gérée conjointement par les Norvégiens et les Russes. La taille minimale de capture est de 130 mm pour les deux sexes sur la zone se situant à l’Est du 26ème méridien Est, mais le quota est plus faible pour les femelles. En Norvège, seuls les navires côtiers de petite taille (entre 7 et 15 mètres) peuvent participer à cette pêche.
La pêche illégale est très importante en Russie. La pêcherie russe est en cours d’évaluation pour obtenir la certification MSC. Si la certification est obtenue, cela permettrait d’améliorer la traçabilité des produits, du bateau à l’assiette, et ainsi de limiter le risque de pêche illégale pour les produits certifiés.
Les pêcheurs et les scientifiques sont de plus en plus nombreux à alerter sur l’invasion des crabes royaux du Kamchatka. Mais tandis que les uns s’inquiètent pour l’équilibre biologique de la mer de Barents, d’autres sont ravis de la croissance de cette manne financière. Sur le marché, le kilo de crabe de Staline peut atteindre les 100 € et il se pêche très facilement.
Pour enrayer l’expansion des crabes, il faudrait que l’homme joue le rôle du prédateur et intensifie ses efforts de pêche mais cela irait à l’encontre des intérêts économiques. La Russie, soucieuse de contrôler l’offre et de maintenir à un niveau élevé le cours du crabe royal, impose des règles strictes en matière de pêche et de quotas. Seuls les grands crabes royaux mâles peuvent être pêchés, toutes les femelles et les juvéniles sont rejetés à l’eau. De plus, les volumes de pêche autorisés sont très faibles au regard de l’accroissement exponentiel de la population de crabes… Les mots du scientifique russe à l’origine de cette idée sont forts de sens quand on lui parle du problème engendré par les crabes : « Comment peut-on polluer avec de l’or ? »
le transfert d'une espèce est risqué. fait dans une bonne intention, il peut déstabiliser tout un écosystème ICI