Rien n’arrête le PAX :
BZZ... en trois coups d'aile la mouche du coche se retrouva à Genève et fit la fermeture du Bombar restaurant éphémère de Pierre Jancou. La soirée fut festive, Les petits plats simples et originaux, sans la moindre esbroufe à l'image de ce que l'on peut déguster au café des Alpes à Châtillon-en-Diois mais avec un plus grand choix. La carte, exclusivement des vins au naturel ou j'ai eu le plaisir de voir mentionner plusieurs domaine alsacien dont l'incontournable Rietsch à Mittelbergheim. Pierre était sur le motif. Le beau temps aidant nous dînions fenêtres ouvertes et des groupes se formaient sur le trottoir attendant qu’une table se libère. Pierre allait de l’un à l’autre sans oublier les convives déjà en place, manifestement aux anges et dans son élément.
Strasbourg-Genève c’est tout de même 800 km aller-retour, ce n’est plus de l’amour c’est de la rage...
Moi, en tout cas, j'étais parti déjà joice à l'idée d'aller passer huit jours à la campagne, chez un petit pote. Huit jours peinards à taquiner l'ablette, en éclusant frais et en morfalant une tortore soignée.
C’est Sur la route de Jack Kerouac version gourmet licheur de vins nus…
Sans transition, comme on disait du temps d’Yves Mourousi et de Roger Gicquel, je passe la parole au globe-trotter :
Quitter Collioure pour se rendre à Châtillon-en-Diois, compte tenu du calendrier du festival « Arts et Vignes » pose problème. C’est un grand mouvement de départ/retour nous menaçant de bouchon interminables sur les autoroutes.
Nous suivons les consignes de Bison futé et partons très tôt. Tout va bien hors un fort ralentissement en raison d’un véhicule en feu sur la bande d’arrêt d’urgence. A l’approche de la confluence des 2 autoroutes à la hauteur d’Orange, on nous suggère de quitter l’autoroute et de nous diriger vers Uzès.
Ce fut super. Nous réglons le GPS sur Châtillon et vogue la galère. Un vrai rêve, un enchantement. Ces chemins de traverse nous font voir ce que l’usage de l’autoroute nous fait oublier. Une France profonde et vertigineusement belle. Par moment, quand on est habitué à son lieu de résidence sa végétation, son architecture, on se croirait à l’étranger. Mais, c’est vrai ces gens aussi votent français ?
Nous avançons, les ouvrages de Bernard Maris « Et si on aimait la France ? » et « Souriez, vous êtes Français », sur la planche du tableau de bord, une salière dans une main et l’autre libre pour tenir le volant et/ou se signer avant de passer chaque pont en balançant du sel par dessus nos épaules. On a beau être amoureux, à nos âges on sait rester lucides et les dernières alertes cafouilleuses sur l’état de nos infrastructures nous rendent méfiants et prudents.
Le séjour à Châtillon fut à la hauteur de ce qu’on pouvait attendre. Organisation et joie de vivre pour et par un village de quelques 600 habitants ! Ils peuvent être fiers. Loin de Paris, et aux prises avec la fermeture des services publics, ils se prennent en mains (La maternité vivra ! écrit en grand sur les ouvrages d’art montre qu’ils se sont battus jusqu’au bout)
Le spectacle nocturne donné dans les vignes était plus qu’un spectacle de patronage même de haute tenue. Les animations dans la journée telle la visite du vignoble avec les viticulteurs ou le sentier Giono en l’honneur de l’auteur de « L'Homme qui plantait des arbres » plus qu’anecdotique.
Le soir, dîner chez Jancou et, à midi, dans des petits restaurants qu’il nous recommandait aux alentours. Nous notons que le locavore fonctionne à plein dans le Diois. Chaque restaurant indique sur une grande ardoise, l’origine des produits : ils sont tous des environs immédiats.
La culture, une fois encore, n’est pas oubliée. Une petite exposition à la mairie de Châtillon nous avait révélé l’existence de peintres renommés tel André Lhote qui dans sa maison de Mirmande accueillait collègues et intellectuels. On y apprend l’existence d’un musée à Crest (ville dont Hervé Mariton est le maire et qui possède le plus haut donjon de France ainsi qu’un superbe pont moderne en bois ouvert à la circulation automobile qui illustre tout le travail fait par la municipalité pour assurer un développement écologique raisonné à la ville qui garde , ainsi, une taille très humaine.) Le musée, plus exactement le Centre d’art présente ses collections permanentes dont la donation Vanber (peintre non dénué d’intérêt, mort à Crest en 1994) témoignant d’une période créatrice importante dans la région.
Il nous faut regagner Collioure. Mais par le chemin des écoliers. Une importante exposition nous attend à Aix en Provence : Fabienne Verdier. A nouveau les chemins de traverse mais moins agréables car à mi chemin, nous nous retrouvons en pleine région super touristique avec circulation dense et loin de la tranquillité du trajet jusqu’à Sisteron. Le Taulier nous a raconté ce chemin qu’il a fait avant nous dans sa chronique du 17 octobre 2019.
Nous arrivons tant bien que mal à Aix. Mais bien mais mal au musée coincé dans un dédale de sens interdit, de voies piétonnes. Le déplacement valait bien l’effort. L’exposition et superbe. Fabienne Verdier est certainement le plus grand peintre français vivant avec Pierre Soulages qui sera centenaire cette année le 24 décembre. Elle a 57 ans. Passionnée de peinture chinoise et de la calligraphie, toute jeune, elle est partie en Chine.Celle d’après la Révolution Culturelle cherchant à travailler avec les vieux maîtres qui avaient survécu et qu’en Asie on appelle Trésors Nationaux Vivants tant la peinture et la calligraphie est pour eux au dessus de l’art. Elle y est restée 10 ans et raconte son aventure dans un ouvrage passionnant « Passagère du silence », publié par Albin Michel en 2003.
Je ne vais pas vous parler plus longtemps de l’exposition ni de l’oeuvre de Fabienne Verdier. Mon travail, ici, est un récit de voyages. Je vous invite juste à rechercher sur interlope l’affiche qu’elle a réalisée à la demande des organisateurs pour l’édition 2018 de Roland Garros. Tout simplement époustouflant !
On ne quitte pas Aix-en-Provence sans signaler que les musées de la ville abritent la fantastique collection constituée par Jean Planque qui fut l’acheteur de Beyeler, le galeriste de Bâle. Lui aussi a un ouvrage retraçant sa vie : « L’œil de Planque » Car ce Suisse sans formation avait ce qu’on appel « l’œil » pour apprécier et reconnaître un tableau.
Quand les acheteurs de tableaux de Picasso se rendaient chez le Maître, un secrétaire les introduisait dans une pièce ou quelques œuvres étaient à leur disposition pour faire leur choix. Quand Planque s’y rendait, il était accueilli par Picasso qui lui disait souvent « Vous savez pourquoi on vous aime Planque ? Parce que vous aimez les tableaux. »
Autre fait d’arme de cet « Œil », avoir décelé une œuvre non signée de Van Gogh que Beyeler n’a pas voulu prendre le risque d’acheter. Planque a plongé. Quelque temps après le Rijksmuseum d’Amsterdam l’a authentifié et intégré au catalogue raisonné de Van Gogh qu’ils sont en train d’établir.
Voilà presque la fin de la saison, retour à Collioure pour souffler et attendre la Saint Vincent et son fantastique feu d’artifice.
Mais je vois que le temps qui m’est imparti s’achève. La suite au prochain numéro selon l’indulgence et la bienveillance du Taulier.
Comme je suis un ramier patenté, je suggère au fin gourmet voyageur de nous offrir dans une prochaine chronique la narration de son dernier dîner au Bombar éphémère du sieur Jancou.
BOMBAR
Place des augustins
12 Genève.
022 329 91 11