Le foudre Mercier trône aujourd’hui dans le hall du centre d’accueil des visites, avenue de Champagne.
Didier Daeninckx est un merveilleux conteur, chacune de ses nouvelles de son dernier opus Le roman noir de l’Histoire me fait découvrir des tranches d’un passé qu’il est important de ne pas oublier, c’est un auteur majeur que je recommande à vous tous chers lecteurs, PAX en premier bien sûr.
Comme mon enseigne officielle est Vin&Cie l’espace de liberté j’ai choisi ce matin un sujet champenois que je n’avais jamais vu évoquer par les goûteurs patentés, le sieur Dupont le premier qui me fait un peu la gueule depuis que j’ai charrié ses éminentes consœurs très portées sur la défense des chimistes.
Les champagnes MERCIER ont été racheté en 1987 par le groupe Louis Vuitton Moët Hennessy (LVMH), donc ce cher Bernard Arnault.
Eugène Mercier âgé de 20 ans a fondé en 1858 sa maison de champagnes. Jeune homme ambitieux, doué d’un réel talent de communicateur, avait pour objectif de démocratiser les vins de champagnes.
Pas très raccord avec la politique de notre Bernard où le luxe et l'élitisme sont les maîtres mots : Dom Pérignon, Krug, Ruinart, Veuve Clicquot... riment avec Dior… En dépit des efforts de cette antique marque pour redorer son blason elle est scotchée à la GD.
« Eugène Mercier, mon arrière-grand-père, était fils de paysan. Il voulait faire un champagne démocratique, un contre-pieds aux grand bourgeois », commente Emmanuel Mercier petit-fils du fondateur. L'histoire moderne de la maison est intimement liée aux grandes surfaces. Ses caves de 18 km ouvertes au public dès 1885 sont les plus fréquentées d’Épernay.
©Philippe Lemaire
Bref revenons à la nouvelle de Didier Daeninckx : l’arbre de Dumas.
Le narrateur, qui n’a pas joint sa voix « à celles de Leconte de l’Isle, de Dumas fils, de Guy de Maupassant refusant que s’élève au-dessus du Paris éternel « une gigantesque et noire cheminée d’usine » humiliant da masse barbare les monuments légués par le temps : Notre-Dame, le Dôme des Invalides, la Sainte-Chapelle, le Louvre ou l’Arc de Triomphe. »
Il ironise « N’ont-ils pas remarqué que le soleil passait à travers… qu’elle ne leur faisait pas d’ombre ? »
Il conclue « Je l’aime bien la géante à quatre jambes, mais si on me demandait ce qu’il faut retenir de ce début d’Exposition universelle, ce ne serait pas elle qui viendrait en tête de liste, mais le foudre que monsieur Mercier a fait venir du pays d’Épernay. Sa barrique pour laquelle il a fallu abattre une forêt entière de chênes en Hongrie, contient 250 000 litres d’un champagne de Cramant d’une qualité irréprochable dont on peut faire l’expérience dans le grand hall jusqu’au 31 octobre de cette année.
1889. Comme beaucoup de Parisiens, j’ai assisté à l’arrivée du tonneau tiré par douze paires de bœufs blancs. Il a fallu étudier le parcours avec minutie pour amener l’attelage jusqu’au cœur de la ville, démonter les barrières de l’octroi. À deux intersections, les rues se sont révélées trop étroites, et Mercier n’a pas hésité à acheter les immeubles gênants à très bon prix, afin de pouvoir livrer passage à son vin pétillant. »
Fermez le ban !
« Le tonnelier Jolibois fait abattre 150 chênes millénaires en Hongrie. Le séchage du bois dure 3 ans. Le cintrage des douves 7 ans. Le montage, commencé à Epernay en 1876 s'achève à Noël 1877.
« Inscrit sur le registre d'état civil du Champagne Mercier le 7 juillet 1881, on fait abreuver le Foudre l'année suivante pour enfin y verser les vendanges de 1883 - 1600 hectolitres des plus grands crus de la Montagne de Reims. Mais déja Eugène Mercier songe à l'Exposition Universelle de 1889. Le 17 avril 1889, le convoi quitte Epernay. D'abord, les 24 boeufs du Morvan avec leurs 12 conducteurs, le foudre et 18 chevaux de renfort pour la montée de certaines côtes. »
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Préface de Patrick Boucheron
832 p.
28,00 €
Parution : octobre 2019