En partant de l’embouchure de la Marne : « L’île de Louviers, l’île aux vaches, l’île Notre-Dame, l’île aux Juifs, l’île à la Gourdaine, l’île du Louvre, l’île aux Treilles, l’île de Seine, l’île Merdeuse, et l’île des Cygnes (anciennement Maquerelle). »
Pour Jean-Paul Kauffmann qui a remonté la Marne.
« La Marne mesure 525 km, elle est la plus grande rivière de France… »
« La Marne se jette dans la Seine, mais ne s’y perd pas. Consanguinité des deux rivières qui courent dans le même fleuve, comme deux écharpes qui flottent au vent, deux bannières qui pavoisent et ne se confondent pas. Le flâneur distingue leur nuance, l’une d’un vert moins soutenu, pplus jaune près de la berge et ce phénomène optique l’intrigue. La Marne apprendra-t-il d’un batelier, tardant à se mêler aux eaux de la Seine, reste mystérieusement elle-même comme si elle effectuait un baroud d’honneur avec ses couleurs.»
D'abord l'île aux Javiaux ou île Louviers... sur ses berges vaseuses se pressent des trains de bois flottés.
Une île aujourd’hui disparue
Dans les années 1840, sur ordre du roi Louis Philippe, le bras de la Seine qui sépare l’île Louviers de la rive droite est comblé et le pont de Grammont qui les reliait est détruit. On peut néanmoins le découvrir dans un tableau d’Antoine Perrot, situé au musée Carnavalet. Quant à l’île elle-même, on devine ses contours sur les vues aériennes de Paris !
Détail du tableau d’Antoine Perrot : vue de l’île Louviers ; effet de neige (1830), Musée Carnavalet.
La seconde île « s’appelle l’île aux Vaches, face au quai des Célestins. Peu construite, agreste. Ses bêtes y paissent. Un ou deux bergers d’Urfé y jouent du flageolet à l’ombre d’un peuplier. Des lavandières se penchent sur l’eau. Pêcheurs, promeneurs solitaires y vaquent. Elle disparaîtra en se collant à l’île Notre-Dame vers 1615.
« La troisième est l’île Notre-Dame, plus grande, plus construite. Il y a même un cabaret grouillant de monde tant on aime s’y rendre en bac à la tombée du soir. Il avait un nom ce cabaret. Je ne l’ai pas retrouvé !
La fusion de ces deux île s’appellera encore île Notre-Dame jusqu’en 1725. Elle est depuis l’île Saint-Louis. »
« Jusqu’à 1365, environ, il n’y avait seule île qui se nommait l’île Notre-Dame.
On coupa l’île comme une pastèque, on en fit deux. Il n’y eut ni crue, ni terrain meuble, juste la main de l’homme.
Que s’est-il passé ? »
« Au début une préoccupation de Charles V le Sage (1364-1380) que Michelet rapporte : il ne se fiait qu’aux murailles. Poursuivant l’œuvre de son ennemi, le prévôt de Paris, Étienne Marcel, le roi enserre la cité dans une enceinte fortifiée. »
Mais « L’accès à l’île Notre-Dame est aisé pour l’assaillant en amont par la rive gauche qui n’est que champs. Il faut éviter que l’Anglais ou le Navarrais y mette le pied et descende avec ses troupes jusqu’à la partie de l’île qui entre dedans Paris bien au-delà des berges fortifiées.
Cela réduirait tous ces efforts à rien.
On creuse donc un canal, on coupe l’île en deux ; la petite en amont se nomme l’île aux Vaches, l’autre garde le nom de l’île Notre-Dame. On fortifie la partie haute de cette dernière. Dans la continuité de la tour Barbeau, rive droite, et de la Tournelle, rive gauche, on y bâtit la tour Loriaux et on relie l’ensemble de ces trois tours d’une énorme chaîne qui a pour tâche d’empêcher tout navire de pénétrer dans Paris. On plante aussi des pieux qui renforcent le dispositif.
Quant à la fin de nos îles, d’après Jaillot, c’est Henri IV qui voulut les réunir parce qu’il « avait formé le projet de faire construire des bâtiments dans l’île Notre-Dame ; cela n’eut lieu que sous son successeur. »
L’île aux vaches
« Dans sa genèse étrange, déséquilibrée, laissant à sa sœur jumelle les murailles, les tours, la chaîne, tout ce grossier appareil citadin et militaire, ne gardant auprès de l’ancienne ville de Paris, dans la clarté du soleil, qu’ombres, saussaies, prés et bergers avec la rivière qui baigne la plaine où s’ouvrent, indolents, ses deux bras, oublieuse de la ville et de l’océan où son onde va se perdre… »
L’île Notre-Dame
« À la sœur, de l’autre côté du canal, au si joli nom d’île Notre-Dame… Derrière la muraille, guettait la soldatesque, plus bas s’étendait leur bivouac, puis un chantier de bois à brûler et en vue de l’île de la Cité, sa taverne très fréquentée qui rapportait, dit-on, gros au chapitre de Notre-Dame, dont le vin venu du port aux Plâtres ou de la Rapée était si bon qu’on la voulait toujours ouverte : Quand le vin est bon il ne faut point de bouchon à l’huis de la taverne. C’était pour elle, le soir, qu’on payait son écot au passeur. »
L’île aux Treilles
« L’île aux Treilles était à la hauteur de la gare d’Orsay. À cette époque, rive gauche, on est en dehors de Paris, on jardine, diraient nos parisiens… On y côtoierait de la vigne et celle-ci s’étendrait sur notre île où deux ou trois vignerons paieraient tribut à une abbaye quelconque avant de dépendre de la reine Margot. Y alla-t-elle promener sa mélancolie ? marcha-t-elle parmi les salicaires à fleurs rouges ? observa-t-elle sur la rousseur d’une feuille de vigne la tache d’un paon-du-jour ? ses pas se perdirent-ils sur la langue sableuse qui léchait la rivière ? y composa-t-elle ses Stances amoureuses ? »
« En dépit de leur aspect de sac et de cendre les îles ne sont sans doute pas que pure mélancolie »
Herman Melville Islas encatadas
« La Seine bat ainsi qu’une artère qui porte un sang vert à l’île qui pourrait être son cœur. » Calet
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