Le lin fut, lorsque je présidais la SIDO, société interprofessionnelle des oléagineux, protéagineux, plantes textiles, avec le chanvre et l’huile d’olive, un dossier que je plaidais auprès de mes tutelles, en pure perte.
Comme le chantait pépé Louis : « t’es bien trop petit mon ami ! »
Au Ministère de l’Agriculture, et plus encore chez les crânes d’œuf de Bercy, tout ça ce n’était que de la gnognotte sans intérêt, ce qui les intéressait c’était les grandes cultures avec lesquelles nous faisions des bras de fer face aux américains à grand coup de subventions.
J’avais beau dire que nous étions le premier producteur mondial de lin, avec 100.000 hectares de cultures répartis sur tout le territoire, mais principalement en Normandie.
Pourquoi la Normandie est la première région productrice mondiale de lin ICI
Le lin ne pousse que sur une bande côtière située entre le Calvados et Amsterdam, en passant par la Normandie et les Flandres. Ces 90 000 hectares au climat bien particulier produisent 110 000 tonnes de fibres, dont environ 80 % partent en Chine pour être filés, avant de revenir en Europe. L'industrie textile a délaissé le lin, qui représente seulement 0,1% des transactions mondiales de textile. Et une fois transformée, la matière revient en partie chez des tisseurs et façonniers européens.
« C’est une fibre naturelle, résistante et 100 % biodégradable, qui ne requiert aucune irrigation et exige très peu d’intrants chimiques. De fait, sa culture est devenue plus rentable que le blé, souligne son directeur Bertrand Coulier. Le lin, c’est un peu comme le cochon, tout est bon ! On l’utilise pour l’industrie textile ou la fabrication de cordages. Ses déchets servent aussi à fabriquer des panneaux agglomérés, des isolants, ainsi qu’à nourrir les bêtes. »
La plante a pourtant tous les avantages : elle n’a besoin d’aucun produit phytosanitaire ni d’irrigation pour pousser. Elle retient les gaz à effet de serre, et tous ses déchets (paille et racines) peuvent être revalorisés dans la papeterie, l’isolation des bâtiments ou l’industrie automobile. La fibre, elle, est légère, biodégradable, résistante, imperméable, et possède des propriétés thermorégulatrices.
J’ai assisté à la disparition des filatures.
Je devais me contenter de verser les subventions de l’OCM lin aux agriculteurs.
- l’aide aux fibres longues de lin au niveau de 160 €/tonne et l’aide aux fibres courtes de lin et aux fibres de chanvre au niveau de 90 €/tonne
- l’aide complémentaire accordée aux entreprises de première transformation de fibres longues de lin dans certaines zones traditionnelles des PaysBas, de Belgique et de France au niveau de 120 € par hectare dans la zone I et de 50 € par hectare dans la zone II.
Tout ça a disparu dans le grand tonneau des aides à la surface de l’OCM unique.
Aides PAC : les règles transversales ICI
FranceAgriMer soutient certains projets techniques de la filière, avec comme objectif l’amélioration de la qualité des produits, notamment grâce à la modernisation de la technique d’extraction des fibres.
Cofinancé par l’Union européenne, FranceAgriMer et la filière Lin, un programme triennal de promotion, doté de 3,3 millions d’euros, réaffirme toutes les qualités du lin textile européen.
Même pas des queues de cerises…
Mais revenons à la filature du lin :
« Quand j’ai commencé ma carrière en 1976, il y avait une cinquantaine de filateurs en France, aujourd’hui il y en a 5 et 85 en Chine ! » déplore Benoît Dalle, le président de Saneco, l’un des grossistes de lin les plus importants de la région, et créateur de la marque de luxe Sanelin . Dans son local niché au milieu des anciennes filatures de Nieppe, près d'Armentières, la ville historique du lin, il dépeint le triste paysage de la filière :
« Aujourd’hui 80% des produits textiles faits en lin sur le marché sont « made in China ». Les consommateurs achètent un lin d’origine française, mais tissé en Chine, par des usines qui privilégient souvent la quantité à la qualité.
Pourtant, « c’est au tissage que l’on reconnaît un lin de qualité », précise Alix Pollet-Dalle, aux manettes de l’entreprise familiale. Les tisseurs souhaitant réduire le coût du tissu mélangent de longues et de petites fibres, ce qui donne un lin qui ne résiste pas aux lavages. Seule solution pour les consommateurs : se fier au prix. Des draps ou des chemises en lin de bonnes qualités, fabriquées à partir de fibres longues et tissés dans les règles de l’art, atteignent en effet des prix “sept à dix fois plus élevé » que le coton.
Un petit cours pour comprendre la chaîne de production du lin :
« Aucun agriculteur ne produit que du lin. Il est cultivé par rotation tous les sept ans avec d'autres cultures" précise Alain Blosseville, exploitant en Normandie, qui préside aussi la coopérative Terre de Lin, réunissant 650 agriculteurs.
Les surfaces dépassent d'ailleurs rarement 10-12 hectares par cultivateur.
« La production a doublé en France en 20 ans », dit M. Blosseville: « En moyenne, le lin rapporte plus que le blé ».
Mais la récolte est aussi « beaucoup plus risquée », note-t-il. Car, une fois arraché, le lin doit rouire correctement au sol pendant plus d'un mois.
La fibre tout en séchant commence à se décoller progressivement de la paille au gré d'une alchimie que seule la nature sait gérer avec un savant dosage de soleil et d'humidité. En dix minutes, un orage peut détruire la production d'une année entière.
Une fois en bottes, le lin est acheté par un teilleur, industriel ou coopérative, qui extrait la fibre de la paille. Comme Bertrand Decock, teilleur de père en fils depuis 1695 près de Dunkerque.
« Nous avons un métier ancestral ancré dans le Nord, et ouvert sur le monde », explique M. Decock qui reçoit régulièrement des clients Indiens et Chinois pour négocier sa production: 6.000 tonnes de fibre de lin par an, issues de 20.000 tonnes de paille récoltées par les agriculteurs de la région.
Avec le lin, pratiquement aucun déchet: les graines sont gardées pour la semence ou l'industrie agro-alimentaire. La paille sert de litière pour les animaux ou est utilisée pour les panneaux agglomérés. Les résidus de fibre, ou fibres courtes appelées étoupes, sont de plus en plus prisés dans des débouchés industriels en raison de leur légèreté et de leur solidité (isolation, carrosserie automobile, raquettes, planches de surf, skis). La fibre, longue et noble, rassemblée en "filasses" ou "poignées", part chez le filateur.
A l'arrivée dans l'usine, les balles de lin sont déroulées, peignées, puis broyées et ensuite battues par les lames d'un tambour qui sépare physiquement la paille de bois de la fibre grisâtre.
Pour la commercialisation, on est loin des marchés à terme de céréales. Les ventes ne se font que de gré à gré "dans le hangar", entre clients et fournisseurs. "Les prix s'établissent tout seuls après la récolte" explique M. Decock. Comptez entre 0,80 et 2,60 euros le kilo de fibre entre le teilleur et le filateur, selon la qualité.
Une récolte réussie, c'est une fibre légère, résistante, fine et homogène qui peut produire jusqu'à 90 km de fil au kilo. Mais c'est exceptionnel.
Les filateurs européens ne représentent plus que 20% des clients. Ils sont basés en Pologne et en Lituanie. 70% de la récolte part se faire filer en Chine, et 5 à 10% en Inde, où le tissu de lin est très prisé par les hommes notamment.
La bonne nouvelle maintenant :
Le groupe de textile alsacien Velcorex-Matières Françaises qui a repris depuis 2014 l’entreprise Emanuel Lang, a investi un million d’€ pour installer une ligne de filature de lin dans cette usine du Sud Alsace. Disparue en France depuis une trentaine d’années, cette activité sera opérationnelle d’ici à début 2020.
La France est le premier producteur mondial de lin, avec 100.000 hectares de cultures répartis sur tout le territoire. Mais 80% de cette production part en Chine, car il n’existe plus d’industries de transformation du lin dans notre pays. Et une fois transformée, la matière revient en partie chez des tisseurs et façonniers européens.
Pour commencer à résoudre ce paradoxe, le groupe Velcorex dirigé par Pierre Schmitt a entrepris de relocaliser une filature de lin en Alsace, dans l’usine Emanuel Lang à Hirsingue (Haut-Rhin). Spécialiste du tissé teint et des matières naturelles comme le coton, le tencel (fibre de cellulose), le lin, le chanvre et l’ortie, l’entreprise a été sauvée in extremis de la liquidation judiciaire par le groupe Velcorex en 2014.
Militant du « made in France » et des circuits courts, il y a longtemps que Pierre Schmitt réfléchit à l’autonomie industrielle de la France et de l’Europe sur les fibres naturelles. Depuis huit ans, l’industriel s’est rapproché de NSC Schlumberger, le premier constructeur de machines de filature pour les fibres longues, basé également en Alsace, à Guebwiller. Leur collaboration s’est concrétisée cette année par l’achat de machines d’occasion en Hongrie, complété par des machines neuves pour créer une ligne de filature complète pour le lin.
120.000 jeans en lin par an
La suite ICI
Pax pourrait peut-être nous faire un petit reportage… à Hirsingue Haut-Rhin ?
La troisième campagne de promotion de la seule fibre textile d'origine européenne est l'occasion de sensibiliser le grand public au coût environnemental et humain de l'industrie du vêtement. ICI
Depuis trois ans, la Confédération européenne du lin et du chanvre (CELC) fait la promotion des seules fibres textiles originaires du Vieux Continent. Après la France en 2016 et l'Italie en 2017, le théâtre des opérations se déroule cette année en Grande-Bretagne, où pendant un mois (du 13 avril au 13 mai) 50 grandes enseignes de mode et de décoration mettent le lin à l'honneur dans leurs vitrines.