Ce qui déclencha l'hilarité générale.
Doriot précisa ensuite:
« Ce n'était pas une injure. Chacun sait que tout homme politique, en Corse, est associé à un bandit. Rappelez-vous M. Coty et Romanetti ». Il faisait allusion à l'élection sénatoriale de 1923 où COTY fut élu grâce au soutien du bandit, élection qui fut ensuite annulée
La réponse de Laval, Président du Conseil, est ainsi résumée dans L’Humanité
« Laval dans sa réponse essaie d'abord d'exciter la Chambre contre les communistes. Mais la manœuvre est si grossière qu'elle échoue. Il se met alors à discutailler - et à mentir - sur les chiffres des effectifs.
Puis le bon apôtre déplore « la publicité malsaine qui a accompagné l'opération ». Il donnera des ordres « pour qu'on agisse avec plus de discrétion ». Et puis c'est le couplet sur la justice « qui est saisie et qui doit faire son œuvre »
Source : ICI
L’Ajaccien
« Plusieurs centaines de gardes mobiles en provenance de diverses régions de France sont arrivés à la gare Saint-Charles avant d’être acheminé en camions vers le camp Sainte-Marthe. Ils devraient être dirigés, selon toute probabilité, vers Ajaccio en raison de la tragédie du maquis qui vient de se dérouler en Corse. Le matériel lourd dont ils disposent a été embarqué sur un vapeur que l’on dit spécialement affrété pour ce déplacement de troupes. »
La Jeune Corse
« Aujourd’hui 8 novembre 1931, trois bâtiments de guerre sont déjà arrivés à Ajaccio avec d’imposantes forces de la garde républicaine mobile, en tout six sections complètes avec leurs cadres. Ces renforts sont accompagnés d’une section d’automitrailleuses avec un matériel complet, de plusieurs tanks et d’un avion de la garde. Le cargo El Djem a débarqué à lui seul six cents gardes mobiles et leur équipement, des chiens de berger dressés à la chasse à l’homme, ainsi que des enquêteurs chevronnés qui viendront renforcer le service de recherches et d’enquêtes du commissaire Natali. Toutes ces forces n’ont qu’un seul objectif : l’épuration du maquis, la destruction des bandits et de leurs soutiens. »
« Le préfet de Corse se dessaisit de ses pouvoirs de police. Il les délègue au général Fournier qui peut, ainsi, placer la région en état de siège, ce qui a pour effet de suspendre les libertés publiques. La troupe commence à sillonner la ville impériale, arrêtant des dizaines de personnes dont les noms figurent sur des listes établies par les hommes du commissaire Natali. Un hydravion survole la baie, que l’aviso Toul tient sous la menace de ses armes. Puis quatre colonnes motorisées protégées par des blindés s’organisent pour occuper les secteurs infestés. On publie un communiqué de victoire pour annoncer « la libération de Guagno-les-Bains », précisant qu’elle s’est effectuée au grand soulagement de la population. Le même mode opératoire est appliqué au canton de Zivaco, où les soldats, casque lourd sur le crâne, gardent les carrefours, filtrent les déplacements de la population, coupent les rares liaisons téléphoniques, gèlent a distribution du courrier, de la presse. Les villages soupçonnés de procurer aide et assistance aux débris de la bande de Joseph Bartoli sont encerclés, mitrailleuses en batterie, canons braqués, tandis que les voltigeurs montent à l’assaut pour fouiller chaque maison, chaque bergerie, mettre à bas les tas de bois, de pierres, qui pourraient masquer un tunnel, une cache. En quelques heures, une vingtaine d’hommes sont pris dont Pierre Pantalacci, le maire de Cozzano, et Séverin Santoni, un conseiller d’arrondissement. On les photographie, mains sur la tête, tandis qu’ils se dirigent vers les camions bâchés qui les transporteront à la maison d’arrêt d’Ajaccio. »
« Quelques voix discordantes parvinrent néanmoins à se faire entendre, comparant la méthode employée en Corse à celles qu’on réservait d’habitude aux indigènes de Côte d’Ivoire, aux tribus dissidentes du Sud marocain, aux Canaques révoltés, à mes ancêtres tunisiens, à toutes ces peuplades que l’Exposition coloniale de Paris assurait être civilisées. Dans le journal de l’Action française, cité par la Corse nouvelle, le royaliste Léon Daudet s’en donnait à cœur joie : « Cette chasse à l’homme à grand orchestre par un corps expéditionnaire de quinze cents combattants, avec des délations provoquées, ses incarcérations au petit bonheur, est une école de vendetta comme on n’en a jamais vu, et risque, les gendarmes une fois partis, de mettre la Corse à feu et à sang. »
« Pour l’Humanité, « l’opinion de l’île s’émeut de l’action des colonnes infernales : des cantons entiers subissent une occupation militaire odieuse. Contre les politiciens et les gros bourgeois, seuls responsables de la résistance du banditisme, il faut défendre les honnêtes paysans de l’île, victimes de l’état de siège ».
Le Parti communiste avait même tenu un meeting dans la salle prêtée par les francs-maçons du Grand Orient de France, rue Cadet. Devant une assistance composée pour la majorité d’exilés corses, le député Gabriel Péri soulève l’enthousiasme en lançant : »Pour que votre cause soit victorieuse, il faut qu’au-dessus des têtes des combattants flottent côte à côte le drapeau à la tête de Maures et le drapeau où s’entrecroisent la faucille et le marteau. »
Qui a dit que le polar était de la sous-littérature ?
Ce qui précède est extrait de Têtes de Maures de DIDIER DAENINCKX
« Melvin, petit escroc parisien, reçoit un jour de juin 2012 une enveloppe bordée de noir : le faire-part de décès de Lysia Dalersa, une jeune femme corse qu’il a connue une dizaine d’années auparavant sous le nom d’Élise. Intrigué et désœuvré, il décide de se rendre à ses obsèques. Melvin découvre qu’Élise lui a laissé un journal et deux têtes de poupées maures. Pourquoi? Que voulait-elle lui faire comprendre? En Corse, tout a un prix et la mort se nourrit du passé, de ses haines ancestrales, ses secrets et trahisons… »
LA MORT NE CONNAÎT PAS LA CRISE DANS L’ÎLE DE BEAUTÉ
Jeudi, 13 Juin, 2013
Une opération massive de ratissage ordonnée par Laval en 1931 empoisonne, aujourd’hui encore, la mémoire corse. Un nouveau roman de Didier Daeninckx.
LA PRESSE FRANÇAISE CONTINENTALE ET L'EXTERMINATION DES BANDITS CORSES EN 1931 par Ralph SCHOR
Le banditisme corse, éliminé à la veille de la deuxième guerre mondiale, représenta longtemps un phénomène typique et spectaculaire. Grâce à la ruse, à la connaissance du maquis, à certains réseaux de complicité, les bandits purent se jouer des forces de l'ordre durant de longues périodes. Sous le Second Empire, Félix Bertrand, premier avocat générai à la Cour de Bastia, observait :
« Favorisés par la configuration du sol, par les sympathies des habitants, par les traditions locales, quelques centaines de condamnés, flétris par la justice, tenaient en échec un corps de troupes et bravaient l'action d'une légion de gendarmerie dont les cadres exceptionnels renfermaient près de mille hommes »(1).
Divers facteurs expliquaient le développement de la délinquance dans l'île. Le poids du passé, les luttes que les Corses avaient dû soutenir contre leurs maîtres successifs, le peu de confiance qu'ils accordaient à la justice génoise avaient habitué la population à assurer elle-même sa défense. De plus, le sous-développement économique, la pauvreté d'une grande partie des Corses, la rudesse des mœurs, un sentiment très vif de l'honneur, les antagonismes entre ruraux et citadins, bergers et cultivateurs, montagnards et habitants des plaines, les luttes politiques souvent très aiguës, tous ces facteurs contribuaient à passionner les relations entre individus et favorisaient le recours à la violence. Ainsi, les litiges privés, les querelles d'intérêt, les rivalités amoureuses, les offenses les plus diverses pouvaient entraîner des règlements de comptes sanglants.
L'homme qui avait versé le sang de son ennemi pour laver une grave insulte et obtenir une réparation qu'il estimait juste devenait un bandit d'honneur. Ce dernier, pour échapper aux autorités, se réfugiait souvent dans le maquis. Là, commodément vêtu d'un costume de velours et d'un grand manteau de drap, muni de ses armes, fusil, pistolet, stylet, la gourde et le zaîno ou havresac en bandoulière, le bandit menait une vie errante. L'aide discrète d'amis ou de parents, la familiarité du terrain lui permettait parfois d'échapper à la justice durant de longues années. Traditionnellement, le bandit d'honneur obéissait a un véritable code moral : il attaquait seulement ses ennemis personnels et les policiers attachés à sa poursuite, il protégeait les faibles, il ne volait pas, mais pouvait s'en prendre aux usuriers et aux dénonciateurs. Il se montrait attaché à divers rites : il était souvent religieux, voire superstitieux ; il ne se taillait pas les cheveux avant d'avoir réparé le tort dont il s'estimait victime ; s'il devait venger un mort, il gardait la chemise de ce dernier comme un rappel constant de l'objectif à atteindre. Ce fut ce type de bandit qu'exaltèrent et popularisèrent les écrivains du XIXe siècle, Prosper Mérimée dans Mateo Falcone et Colomba, Honoré de Balzac dans La Vendetta, Alexandre Dumas dans Les Frères corses Alphonse Daudet, Guy de Maupassant, Gustave Flaubert dans diverses œuvres et leur correspondance (2).
Cependant, le banditisme d'honneur dégénérait souvent en vulgaire brigandage. Il arrivait que les hommes du maquis, talonnés par la nécessité de se ravitailler, entrâmes dans l'engrenage du crime, grisés par la longue impunité dont ils pouvaient jouir et par la crainte qu'ils inspiraient, oubliassent leur mission sacrée ou que, celle-ci accomplie, ils poursuivissent leurs méfaits. Au XIXe siècle, Félix Bertrand se plaignait déjà de ce que le banditisme d'honneur servît de paravent à une délinquance de droit commun (3).
Le même problème se présenta au XXe siècle. La guerre de 1914-1918, cause d'une aggravation des difficultés économiques et d'une désorganisation de la gendarmerie, avait été suivie d'un fort développement du banditisme. L'audace des bandits et la gravité de leurs méfaits apparurent tels qu'en 1931, le gouvernement français jugea bon d'organiser une véritable expédition militaire pour éliminer ces individus devenus trop puissants. L'aspect spectaculaire de la répression, la mission inhabituelle confiée à l'armée" la réputation des bandits corses frappèrent vivement l'opinion française continentale et suscitèrent des prises de position souvent divergentes.
La suite ICI
Les Bandits d'Honneur
André Spada
André SPADA (1897-1935) est né dans une ruelle du vieil Ajaccio le 13 février 1897 d'un père Sarde (Gavino) et d'une mère Corse (Marie BERTI) qui mit au monde neuf enfants. En 1909, la famille décide d'aller s'installer dans le CRUZZINI au village de LOPIGNA d'où Marie BERTI est originaire
Jusqu'à l'age de 17 ans, André, garçon honnête et travailleur va exercer avec son père le dur métier de bûcheron et de charbonnier qu'il abandonnera en 1917 pour s'engager dans l'artillerie et acquérir ainsi la nationalité Française. Il est condamné en 1918 pour désertion en temps de guerre. Amnistié, il rengage à nouveau pour aller se battre en Syrie. A la fin de la guerre, il est libéré et rentre en Corse en mai 1921.
Sans travail, ne voulant pas reprendre le dur métier exercé par son père, André Spada postule pour un emploi de douanier mais les circonstances vont en décider autrement en faisant de ce jeune homme que rien ne prédestinait au banditisme, un des plus terribles hors-la loi que la Corse ait connu.
La suite ICI