Vieilles charrues, vieilles canailles..., les vieilles ont la cote auprès des jeunes pousses.
Lorsque je suis arrivé à l’Office National des Vins de Table, en 1978, j’y ai découvert une division Bois&plants de vigne fleuron de l’ex-IVCC (Institut des vins de consommation courante), tous nos cadres blanchis sous la terreur de la crise phylloxérique adoraient disserter sur les clones, les greffons… et les deux syndicats de pépiniéristes, Sud et Nord qui se bouffaient le nez, se poussaient du col.
Le nouveau directeur, un énarque du 3e type, PML, leur fit comprendre qu’il n’en avait rien à péter de leurs histoires de bouts de bois, l’heure était aux grandes manœuvres pour pacifier le Midi Rouge qui entamait sa descente aux enfers. Par ailleurs, en dépit de ses outrances, ce bordelais qui détestait la gentry du vin de Bordeaux défendait, à juste raison, que le marché du vin à la production était unique, que la frontière entre les vins de table et ceux d’appellation n’était qu’une passoire. Le grand basculement était en marche : les AOP-IGP allaient emplir tout l’espace entretenant l’illusion que le marché domestique du vin est un eldorado qui met du beurre dans les épinards de tous les vignerons.
Et moi dans tout ça, sans doute en souvenir du frère Bécot et de sa croisade pour les hybrides, même si ma passion pour les questions techniques s’est toujours manifestée à bas bruit, je pris sous mon aile ces vieilles branches. Ce que je compris alors c’est que les fameux pépiniéristes, dont les politiques ignoraient l’existence, occupaient une place clé dans le devenir du vignoble français.
Ma conclusion : la technique est éminemment politique !
Alors, lorsque ma Catherine Bernard me dit qu’elle va adhérer à l’association Vieilles branches : réhabilitation des vignes franc-de-pied de Marc Birebent je me dis que je vais y mettre mon nez.
Qui c’est celui-là ?
Marc Birebent
Directeur
Sur les traces du père...
Bercé par plusieurs générations de rimes vigneronnes, Marc reprend les rênes du domaine viticole familial en Corse, après des études de Droit à l'Université d'Aix-en-Provence, où il obtient une Licence en Droit International et une Maîtrise en Droit Public, avant de se spécialiser en Droit de la Vigne et du Vin (DESS), à l'Université du Vin de Suze-la-Rousse (Drôme).
Il réalise ses premières greffes dès 1991, et assure différentes missions pour la Worldwide Vineyards, jusqu'à son intégration définitive en 1996.
A la tête de l'entreprise depuis 1997, Marc consacre sa vie à sa passion de la vigne et du vin. Il est le porte-drapeau des techniques modernes de surgreffages, et a fait de Worldwide Vineyards, la référence mondiale en ce domaine.
Et son projet associatif « Les Vieilles Branches » ?
A la fin du XIXe siècle, le monde viticole a subi un cataclysme, la "crise phylloxérique". Cet euphémisme cache en fait une véritable guerre avec une Occupation étrangère qui dure depuis cent cinquante ans.
Les conséquences pour la viticulture ont été dramatiques. La totalité du vignoble a du être reconstitué, un tiers des superficies s'est perdu. La France a abandonné sa suprématie mondiale et de nombreux vignerons ont fui en Algérie et en Amérique du Sud. Les vignobles qualitatifs des montagnes ont été abandonnés. Les villages ont été désertifiés par l'exode vers les plaines, où la production intensive, assistée des engrais azotés, de la chimie et de la mécanisation, ont définitivement révolutionné la viticulture. Elle est passée d'intensive à extensive, devenant polluante, industrielle et chimique.
Tout ceci à cause du dépaysement d'un seul insecte, mais surtout parce qu'au lieu d'affronter ce puceron, ou laisser la Nature s'en accommoder, il a été décidé de modifier l'entièreté des plants de vignes par greffage sur des porte-greffes américains. Cette décision funeste impacte encore aujourd'hui le monde viticole, ainsi que l'avaient pronostiqué les adversaires du greffage systématique : perte de la qualité du vin, diminution de l'espérance de vie des nouvelles vignes, augmentation des traitements chimiques, et perte de la biodiversité. Depuis plus de cent ans, nous vivons sous ce régime d'Occupation par le Phylloxéra, et collaborons en acceptant ces fléaux, pour le profit des grands groupes industriels et chimiques, et au détriment de l'intérêt des vignerons, mais aussi et de la population.
Or, les connaissances scientifiques modernes, et les progrès encourageants des modes de production écologiques, devraient pouvoir nous permettre aujourd'hui, d'aider la vigne à s'affranchir de son tuteur américain, et retrouver de sa biodiversité.
Notre projet sous forme associative, suivrait deux axes. Dans un premier temps, il s'agirait de récupérer du matériel végétal (vieilles vignes) qui a résisté naturellement au puceron, et serait ainsi immunisé. Il s'agit donc de constituer un Conservatoire, pour la reconstitution future de nos vignobles à "l'ancienne", en préservant la biodiversité variétale et intra-variétale. Le second axe serait, avec le soutien de vignerons et sympathisants, ou dès que nos moyens budgétaires le permettraient, de travailler méthodiquement à des méthodes de luttes biologiques contre l'insecte. Plusieurs pistes existent de très longue date, et méritent prioritairement d'être réhabilitées.
Le projet associatif "Les Vieilles Branches" n'a aucune ambition égoïste, puisqu'elle serait initiée dans le but de satisfaire la communauté dans son ensemble. Nous sommes d'autant plus libre de parler de cette conviction, qu'elle va dans un intérêt contraire à notre activité professionnelle, qui est le greffage de la vigne en prestations de services. En effet, l'objectif prioritaire est justement de parvenir à produire des plants de vignes franc-de-pieds, c'est-à-dire exempts de greffages.
L'idée de constituer une association gérante témoigne de ce désintérêt. L'acquisition d'une terre agricole non viticole empêchera légalement de produire un vin commercialisable.
Notre investissement immobilier et humain est totalement bénévole, pour initier le fonctionnement de l'association. Le concours des agriculteurs adhérents permettra, nous l'espérons de financer l'ensemble des projets de conservatoire et de lutte biologique contre le Phylloxéra, dans l'intérêt des générations futures. L'adhésion de vignerons solidaires du monde entier et de plus en plus nombreux, nous semble une évidence.
Dans un second temps, la conversion de l'Association en Fondation, écartera toute velléité de récupération privative des résultats produits.
Aujourd'hui, pour un projet d'intérêt général qui devrait recevoir le soutien des pouvoirs publics, nous nous trouvons dans l'obligation d'une réalisation dans un cadre strictement privé, car nous nous heurtons à l'opposition hautaine des institutions. Mais nous espérons bien inverser cette tendance, dès lors que nos premiers résultats seront présentables.
LIRE ICI
Voilà, je pose ça là, à vous de vous faire une opinion mais déjà s’il y a des vignes franches de pied les autres sont-elles… sournoises… chafouines… fourbes… cachottières… voir la longue liste des Antonymes de franc ICI