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4 novembre 2019 1 04 /11 /novembre /2019 06:00

Ma petite entreprise ne connaît pas la crise chantait Bashung…

 

À Bordeaux, le plus grand vignoble AOP du pays, on les collectionne, allez savoir pourquoi ?

 

Tout en haut de Bordeaux c’est le ruissellement, tout en bas, et un peu au milieu, c’est le débordement…

 

Pour un grand connaisseur du cru Bernard Ginestet c’est fiché dans son ADN :

 

En 1975, il écrivait :

 

« J’ai déjà eu l’occasion de dire qu’à Bordeaux il existe plus d château qu’en Espagne ; des milliers et des milliers de Châteaux qui noient le consommateur dans un océan de marques sans signification. Cette constante multiplication est une escalade impossible et absurde. Elle conduit la production à morceler sa commercialisation en micro-unités de vente. Certes, elles permettent au négociant d’éviter un affrontement direct avec la concurrence, mais en bloquant par là même toute tentative de regroupement des produits pour une meilleure exploitation viticole, et pour une plus large et plus efficace couverture des marchés par des marques.

 

Les autres régions de production ou dans les autres classes de produits de consommation, les marques sont assez significatives d’une qualité, d’un prix et d’un genre. Elles peuvent également évoquer une méthode de distribution particulière. En Champagne, en Bourgogne, en Alsace par exemple il existe de systèmes solaires et planétaires qui permettent aux distributeurs et aux consommateurs de trouver facilement une étoile à dimension voulue et à brillance connue. Mais l’Univers bordelais est fait de galaxies dont les experts eux-mêmes ont grand-peine à démontrer qu’elles ne sont pas des nébuleuses... Et nous exigeons de l’observateur amateur le don prodigieux de percevoir et de reconnaître dans cette voie lactée chacune des unités qui la composent !

 

Bien sûr, nous possédons à Bordeaux des étoiles de toute première grandeur. Elles seules suffisent sans doute par leur éclat incomparable au rayonnement lointain et prestigieux de notre cosmos bordelais depuis des siècles de millésimes-lumière. Elles ont été cataloguées, classées. Mais selon qu’elles se lèvent sous le signe du Médoc, de Saint-Emilion, des Graves ou de Sauternes, elles appartiennent à des hiérarchies différentes sans équivalence des grades.

 

Pour le consommateur, le vin de Bordeaux c’est « du vin de Château » et l’on s’est efforcé depuis plus d’un siècle de lui faire comprendre bye le meilleur était celui du cru classé. Essayez de comprendre maintenant pourquoi les crus classés ne sont pas représentés au CIVB ? La démocratie des masses des productions anonymes ou inconnues ne peut cohabiter avec l’aristocratie des grands crus. Et pourtant, qu’est-ce qu’une race sans étalons ? Pour reprendre une image à la mode, et qui a été récemment utilisée par plus qualifié que moi, je dirais que les trains de Bordeaux commenceront à sortir de gare lorsqu’on leur aura accroché des grands crus locomotives « éléments de pointe d’un substantiel convoi ». De leur côté les machines, dont beaucoup hélas, marchent encore à la vapeur (comme l’expression « à toute vapeur » a vieilli !) ne veulent pas tirer ni pousser, inquiètes de la lourdeur de l’attelage, ignorantes du plan du chef de gare (et pour cause, il n’y en a pas) avec la crainte de se retrouver sur une voie de garage, les aiguillages étant incertains. Et puis, demander à une motrice somptueuse de tirer un train de citernes, ou un omnibus de troisième à paniers casse-croûte, ou une rame de rapatriés... Lui provoque un si violent haut-le-cœur qu’elle aime mieux rester haut-le -pied.

 

Quant à transformer des wagons en autorails, c’est sans doute possible partiellement, mais les coûts par kilomètre-voyageur seront plus élevés que ceux de la concurrence et le réseau n’est pas assez dense pour que chacun ait une chance de circuler librement, c’est donc à terme une éclosion nouvelle de panneaux limitatifs, feux rouges (s’ils étaient verts on n’en aurait pas besoin) et régulation du trafic.

 

Entre-temps, les crus classés se mangent entre eux. Pas question d’harmoniser les politiques des différentes régions et, puisque classements il y a, pas question de les rendre plus digestes aux consommateurs. Animés par l’impulsion de quelques insatisfactions d’amour-propre chroniques, les révisionnistes s’opposent aux conformistes, perdant en vaines querelles un temps précieux à notre époque de concurrence impitoyable. »

 

Et puis, en 2001, je me suis permis d’écrire des choses qui fâchent, à Bordeaux on m’a excommunié.

 

Et puis, dans un document de réflexion daté du 5 mai 2006 « La crise viticole n'est pas une fatalité » un groupe de travail réuni autour du cardinal Ricard  Archevêque de Bordeaux Evêque de Bazas écrivait :

 

« Certes, la crise viticole ne touche pas toutes les propriétés de la même façon. Certains châteaux, des crus renommés, s’en sortent plutôt bien et n’ont pas de mal à commercialiser leur vin. D’autres sont frappés de plein fouet et on peut dire que c’est toute une partie de la profession qui ressent les contrecoups de la crise. Au cours de mes visites pastorales et des rencontres que j’ai pu avoir, j’ai été témoin du drame vécu par un certain nombre de viticulteurs qui se sont endettés au moment des années fastes et qui, aujourd’hui, devant la difficulté à vendre leur vin, se sentent étranglés par les remboursements auxquels ils doivent faire face. Cette réelle angoisse du lendemain a chez eux des conséquences sur leur moral, parfois sur leur vie conjugale et familiale. Certains enfants ne voient pas comment prendre en charge après leurs parents la propriété familiale. Cette crise a fatalement aussi des répercussions sur la situation des ouvriers agricoles, des saisonniers et des artisans. Ces viticulteurs sont guettés par le désespoir et la désespérance n’est jamais bonne conseillère. On peut redouter qu’elle provoque parfois des réactions de violence ou pousse à des extrémités.

 

Devant cette crise, certains sont tentés de baisser les bras et de se laisser gagner par un sentiment de fatalisme. D’autres cherchent un bouc émissaire qu’ils chargent alors de tous les maux (les organisations professionnelles, le négoce, les pouvoirs publics, les campagnes antialcooliques, la mondialisation…) L’heure n’est pourtant pas au découragement. D’ailleurs, au cours des deux siècles précédents, les viticulteurs ont toujours fait preuve de courage et d’ingéniosité pour surmonter les crises rencontrées. Une telle ténacité continue. Il nous faut saluer ici les efforts de ceux qui courageusement veulent relever le défi d’aujourd’hui. Ils savent qu’il leur faut compter avec des facteurs nouveaux qui ne disparaîtront pas dans les années qui viennent : la baisse en France de la consommation du vin, la concurrence des vins européens et des vins du nouveau monde et la politique commerciale des grandes surfaces. Ils sont convaincus également qu’il faut veiller à la qualité du vin produit, à sa commercialisation et donc à des campagnes de promotion de leur vin en France, en Europe et dans d’autres pays du monde. En effet, produire, malgré tout le savoir-faire que cela met en jeu, aujourd’hui ne suffit pas. Il faut commercialiser, tenir compte de la demande, et gagner de nouveaux marchés.

 

Cette crise ne peut être surmontée qu’ensemble, solidairement, qu’en s’appuyant les uns sur les autres, qu’en s’entraidant les uns les autres. Or, la viticulture a été une profession qui a favorisé jusque-là l’investissement individuel et la recherche personnelle du profit. L’argent gagné était le secret de chacun et on se méfiait de l’autre qui pouvait toujours devenir un concurrent possible. D’où la difficulté qu’ont eu beaucoup de viticulteurs, même voisins, à se parler quand la crise a commencé. Or, la solidarité et l’entraide sont aujourd’hui des conditions sine qua non pour surmonter la crise.

 

Devant cette crise qui marque profondément notre région, les communautés chrétiennes ne peuvent pas ne pas se sentir concernées. Il est important qu’elles partagent les préoccupations des viticulteurs, soutiennent ceux qui sont dans une passe difficile, encouragent ceux qui se battent pour relever le défi. Je les invite à lire le document de réflexion ci-joint sur « La crise viticole » et à manifester à tous les viticulteurs leur solidarité.

 

Dans ce temps pascal, le Christ vient à nous, vainqueur du fatalisme et de la résignation. Sa résurrection ouvre une brèche, déploie un avenir nouveau. Elle crée du neuf. Que cette espérance soutienne tous ceux qui se battent aujourd’hui pour ouvrir des voies d’avenir à la viticulture dans notre région.

 

Et puis le 29 septembre 2009 j’osais : Le déni de réalité ne change pas la réalité pour la viticulture y compris

 

Je serai bref.

 

Additionner les « difficultés » que connaissent des grands pays ou de grandes régions viticoles : New-Zélande, Australie, Italie, Espagne, Bordeaux, Languedoc-Roussillon pour « mesurer l’ampleur et l’aggravation de la crise qui touche quasiment tous les pays producteurs de vin » relève d’un calcul de gribouille.

 

Pourquoi ?

 

Tout bêtement parce que la viticulture mondiale n’est pas en crise mais connaît une violente et prévisible période d’ajustement dans la mutation engagée depuis l’irruption de nouveaux producteurs sur le marché mondial ou du moins sur les marchés de certains pays, telle la Grande-Bretagne, où ils ont su faire émerger de nouveaux consommateurs.

 

Nous assistons à un carambolage, à une tectonique des plaques entre les pays qui ont joué l’expansion à tout va, et qui doivent freiner « à mort » pour tenir compte à la fois des limites de leur modèle et de la dépression mondiale et ceux qui ont cru, tel l’Espagne, pouvoir profiter de l’aspiration et qui doivent revoir leur stratégie, ou comme la France, dont les 2 grands vignobles phares ont joué une concurrence mortifère, un immobilisme stupide, et qui subissent la double peine : ils n’ont pas profité de la phase de conquête et ils doivent comme les autres s’ajuster.

 

La situation n’a rien d’étrange face à des perspectives de reprise du marché mondial, surtout pour la France où nous prenons de plein fouet l’inadaptation d’une part de notre ressource vin aux demandes des marchés émergeants comme de notre marché domestique. Nous avons refusé obstinément de nous voir comme le plus grand pays producteur généraliste de vin. Nous avons continué de rêver au modèle AOC pour tous. Nous avons fait comme si les vins dits «technologiques» n’étaient pas dignes de notre glorieux passé alors que le vignoble pour les faire est sous nos pieds. Nous nous sommes obstinés à croire que la cohabitation de ces 2 modèles, leur gestion par complémentarité nous mettrait en position de faiblesse. Nous touchons les « dividendes », si je puis m’exprimer ainsi, de nos non-choix.

 

Le déni de réalité ne change pas la réalité.

 

Et puis, 18 juin 2019 j’osais encore : Et si le vin dit de Bordeaux subissait au XXIe siècle le même déclin que le vin de table du Languedoc au XXe siècle ? ICI  

 

Oui je suis chiant, extrêmement chiant et je ne me soigne pas…

 

Et puis vint Éric Garreau, le directeur du Pôle Viticulture et Grandes Entreprises du Vin du Crédit Agricole d’Aquitaine (première banque du vignoble bordelais, avec un taux de pénétration de 85 % des caves particulières).

 

J’adore le chapeau de Vitisphère à l’entretien qu’il lui a accordé :

 

« Alors que les problématiques de trésorerie s’intensifient pour l’ensemble des opérateurs girondins, le Crédit Agricole appuie les réflexions sur la remise à plat des conditions de production et des moyens de commercialisation. Alors que le débat est ouvert entre garants de la tradition et tenants de l’innovation (les premiers étant considérés comme conservateurs par les seconds, et les deuxièmes étant vus comme industriels par les premiers Comment analysez-vous la situation bordelaise actuelle ? »

 

Éric Garreau : On ne peut pas cacher que la santé économique de Bordeaux dépende d’échanges internationaux où les sujets se multiplient : la Chine, Hong Kong, Londres, les Etats-Unis… Ce sont les premiers marchés d’exportations qui ralentissent. Actuellement, l’alignement des planètes n’est pas favorable. Les circuits domestiques de commercialisation de bordeaux sont eux aussi à la recherche de nouveaux modèles. Il y a une multitude de paramètres et de facteurs qui expliquent la situation actuelle. Comme tout secteur économique, la filière viticole doit s’adapter à une économie de marché qui est en constante évolution.

 

- Les vins de Bordeaux ont déjà connu des crises commerciales. L’histoire se répète-elle, comme il y a quinze ans ?

 

La conjoncture actuelle est quelque peu différente. Elle ne ressemble pas à celle des années 2000 où la problématique était principalement l’inadéquation entre les volumes produits et la  demande. Le tout challengé par de nouveaux pays producteurs arrivant sur le marché de la consommation avec un facteur prix déterminant. De nouveaux marchés se sont ouverts et Bordeaux a eu son rôle à jouer. Mais ces nouveaux marchés, comme la Chine, ont fait que l’on ne s’est pas posé toutes les bonnes questions. Oui, il y a besoin de se poser les bonnes questions, mais Bordeaux ne manque pas d’atouts. C’est le plus grand vignoble d’AOC de France, il vient de rentrer une récolte qualitative, il bénéficie d’une logistique complète et d’un microcosme économique que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. Il a déjà démontré sa capacité d’adaptation dans les domaines sociétaux et environnementaux en étant le premier département en nombre d'exploitations et de surfaces certifiés Haute Valeur Environnementale (HVE).

 

La suite ICI 

 

Même si la mode du bois est passée de mode à Bordeaux, du  côté du Crédit Agricole la langue de bois se porte bien, certes se poser les bonnes questions s’impose mais je cherche en vain lesquelles dans les réponses du sieur Garreau…

 

Sans doute suis-je bouché à l’émeri

 

L'émeri n'est en aucun cas un produit de bouchage, comme le plâtre ou le liège, par exemple.

 

Alors pourquoi dit-on « bouché à l'émeri ? »

 

Autrefois, pour qu'un récipient, flacon ou fiole en verre soit bouché de la manière la plus étanche possible, on polissait à l'émeri l'extérieur du bouchon et l'intérieur du goulot, pour que le contact entre les deux soit le plus parfait possible.

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commentaires

P
Voila une de ces passionnantes chroniques que je rangerais dans une rubrique qui pourrait s'appeler " Et voila pourquoi votre fille est muette " J'aime les faits ( qui, rappelons le sont têtus ) présentés avec rigueur, sérénité, sans passion mais détermination et de surcroit, compréhensibles.<br /> <br /> Boucher, Aymeri Caron ?
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