«Des chercheurs qui cherchent, on en trouve ; des chercheurs qui trouvent, on en cherche» : la phrase que de Gaulle n’aurait jamais dite reviendrait-elle d’actualité ?
Sur la toile, les publications scientifiques sur l’alimentation, présumées sérieuses, pleuvent comme à Gravelotte, difficile de se forger une opinion d’autant plus qu’en ce domaine les affrontements idéologiques font que chacun a déjà choisi son camp, et que les camps sont devenus des forteresses inexpugnables.
Pour en revenir au grand Charles qui aimait tant la grandeur de la France, la formule a-t-elle un fond de vrai ?
Même si de Gaulle ne l’a jamais dite, aurait-il pu la dire ?
Pour l’essentiel, non : sitôt la Ve République installée, le Général s’engage dans une politique de recherche extrêmement ambitieuse. Le premier septennat reste considéré comme un âge d’or de la recherche française. De 1958 à 1960, le budget du CNRS augmente de 75% ; de 1958 à 1962, les effectifs de chercheurs passent de 3 000 à 3 800 (chiffres de Denis Guthleben, « Histoire du CNRS de 1939 à nos jours », éd. Armand Colin, octobre 2013).
«L’Etat qui a le devoir d’entretenir dans la nation un climat favorable à la recherche et à l’enseignement ; l’Etat qui, malgré le flot des besoins et le flot des dépenses, a la fonction de doter les laboratoires et de pourvoir l’enseignement ; l’Etat, enfin, qui doit orienter l’ensemble, tout en laissant à chacun des chercheurs sa direction et son autonomie. C’est à l’Etat qu’il appartient de déterminer dans le domaine de la recherche, ce qui est le plus utile à l’intérêt public et d’affecter à ces objectifs-là ce dont il dispose en fait de moyens et en fait d’hommes.»
« Quoi que l’on fasse, cependant, tout peut dépendre, tout à coup, de l’éclair imprévu et imprévisible qui jaillit d’un cerveau. Il n’y a aucune raison pour que la France n’enfante pas demain, comme elle l’a fait hier, de ces hommes exceptionnels. »
Cependant, ébranlé par mai 68 où les universités ont été au cœur de la révolte, De Gaulle à propos de la loi d’Edgar Faure sur l’autonomie des Universités, déclare « Autrement dit, il pourra rester chercheur même s’il ne trouve rien et surtout à partir du moment où il ne sera plus d’âge à rien trouver. »
Alain Peyrefitte dans « C’était de Gaulle » (éd. Fayard, mars 2000) en fonce le clou « Trop de chercheurs font carrière dans la recherche, même s’ils ne découvrent rien. »
La crise des Gilets Jaunes a fait remonter à la surface une profusion de sociologues, vivant sous le manteau protecteur public, ayant des analyses précuites à nous servir vite fait bien fait sur le gaz. L’important étant de remonter à la surface pour exister.
Bref, le recours à la Science est parfois très commode pour justifier des errements anciens tels celui de l’abus de pesticides en agriculture dite conventionnelle.
Le bio devenant l’eldorado des présumés bobos soucieux de leur santé et de la planète.
Qu'en est-il ?
En matière d’alimentation bio, jusqu’à présent, on butait sur un os.
Qu’il s’agisse des effets sur la santé ou sur l’environnement, il était difficile de déterminer si les mangeurs bio étaient les champions des études épidémiologiques et environnementales parce qu’ils consommaient des produits issus de l’agriculture biologique ou grâce aux pratiques associées à cette consommation.
Avec l’étude BioNutriNet, les chercheurs disposent désormais d’éléments probants pour trancher la question.
Portrait d’un mangeur bio
Mais venons-en à l‘objet même de ce séminaire : les mangeurs bio.
Qu’ont-ils donc de si spécial ?
Philippe Pointereau, de Solagro, et Emmanuelle Kesse-Guyot, chercheuse au sein de l’Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle (EREN) de l’Inra, livrent une analyse détaillée de l’enquête menée, à partir de données recueillies en 2014.
Précisons tout d’abord que celle-ci a distingué trois types de mangeurs : ceux qui n’achètent pas de produits issus de l’Agriculture Biologique (AB), ceux qui en mangent occasionnellement et ceux qui en consomment régulièrement. Pour chacun d’eux, les chercheurs ont observé la composition de la diète (part de légumes, de céréales, de viande, de laitages…), son coût, l’empreinte environnementale, la qualité nutritionnelle du régime, l’exposition aux résidus de pesticides, et bien d’autres choses encore(3).
A partir de ces éléments, ils en ont dressé un portrait-robot. Comparé aux mangeurs conventionnels, le mangeur bio a un niveau d’éducation plus élevé, un mode de vie plus sain (tabagisme réduit, activité physique accrue). Il se distingue également par sa consommation plus marquée de compléments alimentaires ou encore sa bonne connaissance des recommandations nutritionnelles. Côté assiette, il présente un sérieux penchant pour les produits végétaux et, à l’inverse, une moindre appétence pour les produits animaux. Avec cette particularité : cette "végétalisation" de la diète va croissante avec la part de produits AB présents dans l’alimentation. Ainsi, les mangeurs bio réguliers ont une diète plus végétale que les mangeurs bio occasionnels qui ont eux-mêmes une diète plus végétale que les non-consommateurs...
Qu’en est-il à présent de l’empreinte sur l’environnement ?
Celle-ci a été évaluée à l’aune de trois critères : l’empreinte sur la surface, déterminée par la surface agricole nécessaire pour produire toute l’alimentation ; l’empreinte Gaz à Effet de Serre (GES), c’est-à-dire les émissions de GES liées à la production (à l’échelle de l’exploitation) ; et l’empreinte énergie, correspondant à l’énergie consommée dans ce même cadre. Philippe Pointereau, qui a travaillé plus particulièrement sur ce volet, explique que, globalement, un mangeur bio a besoin de moins de surface pour se nourrir qu’un mangeur conventionnel (-23%). Mêmes tendances pour l’émission de gaz à effet de serre (-37%) ou l’énergie consommée (-25%).
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