Mon chien Stupide, publié tardivement en 1985, qui a permis à John Fante son auteur de renouer, après sa mort, avec le succès a été publié en France en 1986 chez Christian Bourgois.
C’est l’histoire absurde d’un chien, nommé Stupide, qui déboule un jour dans l’existence d’un écrivain dépressif, Henry J. Molise, coincé entre une progéniture ingrate et un talent de plus en plus incertain, reporte ses échecs sur sa femme Cécile. « Fils d'immigrés italiens, il caresse le rêve d'un retour à ses racines, fantasmant sur une vie paisible aux terrasses des cafés de la Piazza Navona à Rome. Mais pour l'heure, il faut courir le cachet, écrire des scénarios médiocres pour des séries télé affligeantes... ou le plus souvent aller encaisser un chèque des allocations de chômage. »
Stupide fait voler en éclat sa vie conjugale et familiale, lui permettant de renouer avec l’inspiration. « Le livre est une critique féroce et très politiquement incorrecte de l’American Way of life des années 1960 et de son modèle familial. »
Sa femme, Harriett, sa fille, Tina, affublée d’un fiancé qui engloutit les bouteilles de scotch, le fils aîné, qui dévore des revues porno, veulent s’en débarrasser, tandis que le cadet trouve en lui un compagnon. Le caractère du chien se révélera quand il domptera la terreur du quartier, un danois nommé Rommel, et lui infligera les derniers outrages. Stupide et ses soixante kilos vont désormais bousculer la paisible banlieue californienne dans ce livre réjouissant de drôlerie et de provocation.
« Il était un chien, pas un homme, un simple animal qui en temps voulu deviendrait mon ami, emplirait mon esprit de fierté, de drôlerie et d'absurdités. Il était plus proche de Dieu que je ne le serais jamais, il ne savait ni lire ni écrire, et cela aussi était une bonne chose. C'était un misfit et j'étais un misfit. J'allais me battre et perdre ; lui se battrait et gagnerait. »
« Il n’y a qu’à Los Angeles qu’auraient pu éclore des écrivains comme Nat West, John Fante, Raymond Chandler et Charles Bukowski. » Tout, sauf des suceurs de glace, avec eux les mots, sous leur burin d’écrivains, débarrassés de leur gangue, vous éclatent à la gueule, tels des diamants bruts, vous prennent à la gorge comme de l’alcool dur. »
« Dominique Molise, j’ai dit envisage la situation avec lucidité. Tout se passe-t-il comme prévu ? Réfléchis soigneusement à ton évolution, jette un regard impartial sur ta vie. Où en es-tu Dom ? »
Cette phrase de John Fante je l’avais notée à l’encre bleue, aujourd’hui délavée, sur l’un de mes tout premiers petits carnets. Un maître de l’écriture pour moi. Dan Fante, son fils, écrit non sans tendresse « Le cadeau que John Fante, mon père, m’a offert c’est son cœur pur d’écrivain. » De lui Ben Pleasants écrit « La dernière fois que j’ai vu Dan Fante, c’était à l’enterrement de son père. J’ai lu ses bouquins et je tiens à te dire : « John, ne t’en fais pas. Ton fils est un putain d’écrivain. Tu peux être fier de lui. Maintenant son nom lui appartient. »
« Yvan Attal resitue Mon chien Stupide, à notre époque contemporaine le film se déroule dans le Pays basque, de nos jours. Il apporte quelques modifications au roman d’origine, comme la téléphonie mobile, ou des enfants passés au numérique, mais il en garde la teneur originelle. On y retrouve la patte de Fante, un regard désabusé, paradoxalement misanthrope et tendre sur la société et la famille. Attal teinte son adaptation brillante d’un humour caustique qui sied au romancier. »
Tout ce qui fait Fante est là : anti héros déplorable qui regarde défiler sa vie sans intervenir avec une lucidité rare, salaud touchant, noirceur du quotidien, dépravation molle, humour noire et émotion brute. Ce n'est pas un livre transcendant mais bien que dénué de péripéties ou d'aventures rocambolesques, ce livre laisse, comme toute oeuvre de Fante, une impression amère dans la bouche. Ca reste beau et touchant parce que tout ce qui se passe dans ce livre, se trouve dans les viscères de l'anti-héros. Tout s'effondre comme son couple, sa famille, doucement, presque imperceptiblement à l'intérieur de lui. La rancœur, la déception, la tristesse et la solitude, c'est ce à quoi se trouve confronter le personnage, comme si, à l'apogée de sa vie d'homme mature, il regardait la pente descendante avec l'appréhension de l'emprunter, se rendant soudain compte qu'il est déjà en train de glisser dessus.
Romancier en panne d’inspiration après avoir publié un best-seller, Henri (Yvan Attal) reporte ses échecs sur sa femme Cécile (Charlotte Gainsbourg) et leurs quatre enfants. Alors qu'il fait le bilan dérisoire de sa vie, Henri recueille un énorme chien mal léché, qui lui apporte du réconfort, bien que toute la famille le déteste et que Cécile pense à prendre le large…
« Le couple est un sujet inépuisable. Là, il y a l'usure lié à la durée du couple et la façon dont les enfants prennent le dessus sur celui-ci. Les parents rêvent qu'ils se cassent pour retrouver une vie à deux. Le problème, c'est les enfants et ce qu'ils font au couple. Ce sont les rois, il faut s'occuper d'eux et on n'a plus de vie. » Yvan Attal
« Souvent, on étouffe ses enfants par envie de les faire à notre image. Comme si on se voyait en eux et que c'était notre honneur qui était en jeu. Alors qu'il faut les laisser faire. » Yvan Attal
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Beaux échanges cinglants
Le comédien-réalisateur trouve le ton juste dans une écriture où la part belle est donnée aux acteurs. Composant un personnage en pleine crise de la cinquantaine, il s’offre la part du lion. Yvan Attal endosse parfaitement ce poids de l’échec et la mauvaise foi de son écrivain en mal d’inspiration. Charlotte Gainsbourg campe tout aussi bien une épouse, comme lui, en crise, bourrée d’antidépresseurs et amère, qui ne ménage pas son mari en le renvoyant dans ses cordes. Ce qui donne des échanges savoureux, des réparties cinglantes.
Le Monde n’aime pas :
« Mon chien Stupide », un film d’Yvan Attal un peu trop cabot ICI
L’acteur-réalisateur met en scène Charlotte Gainsbourg et un de leurs enfants dans cette comédie familiale féroce, transposition à l’écran du livre de John Fante. Mais le résultat manque de mordant.
Le film demeure fidèle, à quelques détails près, au caractère des protagonistes, à l’esprit et au ton férocement humoristique du livre. La mise en scène et le jeu des acteurs ajoutent cependant une jubilation poussée à l’excès qui en alourdit le trait comique, en même temps qu’il asphyxie la part plus sombre du propos.
Car rien ne tourne rond dans Mon chien Stupide. Henri (Yvan Attal), écrivain en panne d’inspiration depuis son unique grand succès en librairie, vingt-cinq ans auparavant, vit dans la nostalgie de tout ce qu’il aurait pu réaliser s’il n’avait pas été père (« A mesure que vos fils grandissent, vous rapetissez », se lamente-t-il). Sa femme, Cécile (Charlotte Gainsbourg), tente de tenir le coup à grand renfort d’antidépresseurs et d’alcool. Tandis que les quatre enfants (trois garçons et une fille), presque adultes, continuent d’occuper la grande maison familiale comme bon leur semble, et plus précisément pour se restaurer et réclamer leur argent de poche.
L’écriture et l’interprétation constituent le meilleur du film, la mise en scène et l'image ne bouleversant guère les canons d’un cinéma français peu inventif dans ce domaine. La deuxième partie tourne également un peu en rond et aurait gagné en rythme si elle était un peu raccourcie. Mon chien Stupide n’en est pas moins une réussite et loin d’être bête.