Pour ceux qui l’ignorent encore j’ai fait mes études secondaires à l’école d’agriculture ND de la forêt de la Mothe-Achard : interne à 500 mètres à vol d’oiseau du Bourg-Pailler. Nous effectuions 3 heures de travaux pratiques tous les jours : en alternance ferme, atelier, jardin. Du côté de la ferme, hormis le beau troupeau de Normandes il y avait les vignes et le chai du frère Bécot.
Pour le connaître allez lire ces deux vieilles chroniques qui feront le miel de la couche du moche...
22 décembre 2005
Le frère Bécot ICI
27 juillet 2009
Mon maître vigneron : le frère Henri Bécot ICI
J’ai donc taillé les vignes, vendangé – je n’aime pas vendanger – mais jamais vinifié, nos très chers frères devaient penser que certains de nous reviendraient pompettes.
Le frère Bécot, si vous n'avez pas pris la peine de lire mes deux chroniques, était un personnage haut en couleur, au sens propre et au sens figuré. C’était mon professeur d'histoire, royaliste (ah la messe du 26 janvier pour la mort de Louis XVI...), l'homme du vignoble vendéen, l'homme du vin, aux yeux rieurs sous son béret à la Dubosc vissé sur la tête, toujours en quête de compagnons pour célébrer la dive bouteille. Les poches de sa soutane étaient le repère de flacons qu'il destinait à la célébration d'anniversaires ou autres prétextes et, sur un vélomoteur poussif, il sillonnait la commune pour rentrer le soir « gai » comme on disait à cette époque. C'était un grand ami de mon père Arsène Berthomeau.
Bien plus tard, alors que j'usais mes pantalons à la Fac, la Congrégation l'exila à Londres dans l'espoir qu'il retrouvât la tempérance. Un samedi je le croisai au village. Il était de passage. Avec un petit air contrit et rigolard, ce cher frère Bécot me conta qu'il avait fondé un club d'œnophiles avec la complicité d'un major so british mais que dorénavant il carburait à la tisane « ça draine... » Homme de grande culture, bon vivant, passionné, le cœur sur la main, une autre époque.
Grand défenseur de l’hybridation, le frère Bécot prêchait la bonne parole aux viticulteurs. L’ami Lilian Bauchet, lui aussi partisan des hybrides, m’a fait parvenir un texte très représentatif d’une époque, janvier 1950, où les leaders du Midi Rouge tenaient les rennes de la viticulture nationale et se battaient contre les petits vignobles d’autoconsommation ; ils auront la peau des hybrides sous des arguments fallacieux.
Le texte n’est pas d’une lecture aisée alors, bon prince, je vous le retranscris.
Mon ami Vernay et moi-même avons fait en août dernier un beau et utile voyage en Poitou-Vendée. Sous la conduite avisée de notre président fédéral MAROT, nous nous sommes documentés, comme peu souvent il nous a été donné de le faire et nous rendons particulièrement hommages à nos amis BELIARD, BÉCOT et RONDEAU.
Nous connaissons l’importance des recherches effectuées par ce dernier et nous avions entendu parler de ces fameux petits casiers où les bonnes bouteilles rivalisent. Nous avons retenu parmi celles-ci : un vieux MILLIOT, un 18315 impeccable, des R6, 11803, 10173, 10868, et un muscat mousseux !!!
Le lendemain nous gagnions La Mothe-Achard où les viticulteurs de toute la France devraient une fois l’an s’y donner rendez-vous ; ils y verraient des choses étourdissantes, des vignes d’une tenue irréprochables et à l’expérimentation des plants nouveaux dont certains feront la gloire du vignoble de demain. Nous connaissons la science de notre ami Bécot, bien peu de nous savaient de quel vignoble il avait la charge et quel vinificateur hors pair il était. Nous avons dégusté, sous sa prudente conduite un LANDOT 244 qui fleurait le Beaujolais authentique et un RAVAT 262, un pur bourgogne de classe ; un RAVAT 6, un 10173 etc… et un vin mousseux de grande cuve.
En travaillant avec quel zèle ! notre ami le frère Bécot œuvre pour la gloire de Dieu, pour la Vendée et pour la France ; il le fait au service de la cause viticole ; persuadé que son avenir et sa sauvegarde sont dans l’hybridation ; que les hommes de bonne foi viennent à son champ de vignes et d’expérience, et dégustent verre en mains, le produit de ses vignes ; ils en repartiront convaincus que l’hybride est le cépage de l’avenir et que c’est travailler contre la viticulture française que de vouloir limiter la culture dans les régions viticoles.
S’ils finissent par la visite du beau vignoble de notre ami BÉLIARD, leur voyage d’études, ils en repartiront avec la conviction fortifiée et inébranlable (même si après avoir vu tant de feuillages divers et bu des vins fleurant tous si bon, ils en arrivent à confondre tous les pampres…) Je ne sais pas une visite plus captivante que celle du beau champ d’études du président national de notre syndicat d’expérimentation sous sa conduite si fine et intelligente, mais je sais que, entre tant de courtoisie et de science et de conviction raisonnée de l’esprit de certains fossiles de la viticulture, mon choix est fait ; un homme comme Béliard, nous montre le bon et le chemin du progrès.
La viticulture française est en bonnes mains si elle sait écouter et suivre les guides avertis et éclairés que lui propose notre Fenavino.
Guy de Saint-Launer secrétaire fédéral
La viticulture nouvelle éditée par la FENAVINO, fédération nationale d'études et de défense des nouveaux cépages français issus de l'hybridation & métissage, de la fin des années 40 au début des années 60.