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12 septembre 2019 4 12 /09 /septembre /2019 06:00
Voyager pour « frotter et limer notre cervelle contre celle d’aultruy » Montaigne « Ne voyage pas en épicier ou en commis-voyageur » Flaubert en Corse

« La Corse apparaît comme une terre étrangère, ni parfaitement italienne, ni totalement française, qu’on ne sait trop sous quelle latitude situer. Que vient-on chercher en Corse ? Un peu d’Italie ? Un ailleurs ? »

Eugène F.-X. Gherardi Revue des Deux Mondes 1829-1831

 

Flaubert part de Toulon le 4 octobre, il arrive aux abords d’Ajaccio le 5 octobre, secoué par les assauts du « perfide élément » Il est reçu à dîner, avec son accompagnateur le docteur Cloquet, par le préfet Honoré Jourdan, homme à la cordialité tout insulaire.

 

« Nous sommes partis d’Ajaccio pour Vico le 7 octobre, à 6 heures du matin. Le fils de M. Jourdan nous accompagnés jusqu’à une lieue hors la ville. Nous avons quitté la vue d’Ajaccio et nous nous sommes enfoncés dans la montagne. La route en suit toutes les ondulations et fait souvent des coudes sur les flancs du maquis, de sorte que la vue change sans cesse et que le même tableau montre graduellement toutes ses parties et se déploie avec toutes ses couleurs, ses nuances de ton et tous les caprices de son terrain accidenté. Après avoir passé deux vallées, nous arrivâmes sur une hauteur d’où nous aperçûmes la vallée de la Cinarca, couverte de petits monticules blancs qui se détachaient dans la verdure du maquis. Au bas s’étendent les trois golfes de Chopra, de Liamone et de Sagone ; dans l’horizon et au bout du promontoire, la petite colonie de Cargèse. »

 

Note de votre serviteur qui fut « monsieur Corse » sous Michel Rocard devenu « Corse d’honneur » depuis qu’il repose au cimetière de Monticello

 

J’ai laissé couler le temps puis je suis revenu tous les ans passer des vacances en Corse, à Tiuccia, commune de Calcatoggio, juste avant Sagone.

 

Cette année, au lieu de prendre l’avion, j’ai embarqué ma petite auto sur un ferry partant de Toulon. Sans le savoir j’ai mis mes pas dans ceux de Flaubert, à la différence près que la mer était d’huile et que la douceur de l’air m’a permis de dormir sur un transat sur l’un des ponts.

 

L’autre différence de taille c’est la route reliant Ajaccio à Sagone. Au tout début on grimpait jusqu’au col de San Bastianu, des virages des virages, des slogans peints en noir dénonçant la répression coloniale la DNAT de JP Chevènement, une chaussée pleine de trous, puis on plongeait vers la baie de la Liscia, la plus profonde de Corse, des virages des virages, les insulaires qui vous collent au cul pour tenter de vous doubler, faut s’y faire.

 

Et puis, il y eu le Tour de France en Corse, le ruban de la chaussée devint aussi lisse que le crane de Yul Brunner mais toujours des virages des virages et toujours la rage des insulaires face au pilotage des pinzutu, cependant année après année ma parfaite connaissance de la route me permettait de me la jouer tango corse sans toutefois me lancer dans des dépassements aussi hasardeux qu’inutiles.

 

Bref, cette année que vis-je en me rendant à Tiuccia avec ma petite Twingo, des travaux, des flancs de collines arasés, des énormes engins à l’arrêt, bien sûr je consultai Corse-Matin :   

 

Ajaccio-Sagone - D'importants travaux de sécurisation sur la RD81 / © FTVIASTELLA

 

Ajaccio-Sagone - D'importants travaux de sécurité sur la RD81

 

La route départementale 81 reliant Ajaccio et Sagone fait peau neuve. Les travaux ordonnés par l'ancien Conseil départemental de la Corse du Sud visent à sécuriser et fluidifier la circulation par la construction de deux ronds-points et de deux créneaux de dépassement.

 

Une stèle au bord de la chaussée pour rappeler que parfois, la route tue. La RD 81 entre Ajaccio et Sagone en est parsemée. C'est pour éviter des drames mais aussi pour fluidifier la circulation que des travaux ont été programmés.


Ronds-points, voies de dépassement, revêtement neufs, il en coutera 12 millions d'euros financés à 70% par l'Etat, via le PEI. Durant la pleine saison, chaque jour, un peu plus de 15 000 véhicules empruntent la RD 81. Les travaux sont prévus pour durer deux ans.

 

Pour Monsieur Bianchi mon propriétaire, ça fera gagner 10 mn sur le parcours car on pourra enfin dépasser les envahisseurs estivaux.

 

 

 

Laissons de côté les travaux publics pour revenir à la culture, le voyage de Flaubert :

 

 

 

« Nos chevaux broutaient dans le maquis, toute la nature rayonnait de soleil, la mer au fond scintillait sur le sable et ressemblait avec ses trois golfes à un tapis de velours bleu découpé en trois festons. »

 

[…]

 

« Il y a en effet en Corse une haine profonde pour l’Angleterre et un grand désir de le prouver. »

 

[…]

 

« … un Corse ne voyage jamais sans être armé, soit par prudence ou par habitude. On porte le poignard soit attaché dans le pantalon, mis dans la poche de la veste ou glissé dans la manche ; jamais on ne s’en sépare pas même à la ville, pas même à la table. »

 

[…]

 

 « Le système montagneux de la Corse à proprement parler, n’est point un système ; imaginez une orange coupée par le milieu, c’est la Corse. Au fond de chaque vallée, de temps en temps un village, et pour aller au hameau voisin il faut une demi-journée de marche et passer quelquefois trois ou quatre montagnes. »

 

[…]

 

« … le paysan cultive encore son champs comme l’Arabe : au printemps il descend pour l’ensemencer, à l’automne il revient pour faire la moisson ; hors de là il se tient chez lui sans sortir deux fois de son rocher où il vit sans rien faire. »

 

[…]

 

« Il ne faut pas juger les mœurs de la Corse avec nos petites idées européennes. Ici un bandit est ordinairement le plus honnête homme du pays et il rencontre dans l’estime et la sympathie populaire tout ce que son exil lui fait quitter de sécurité sociale. »

 

[…]

 

« Rien n’est défiant, soupçonneux comme un Corse. Du plus loin qu’il vous voit, il fixe sur vous un regard de faucon, vous aborde avec précaution, et vous scrute tout entier de la tête aux pieds. Si votre air lui plaît, si vous le traitez d’égal à égal, franchement, loyalement, il sera tout à vous dès la première heure, il se battra pour vous défendre, mentira auprès des juges, et le tout sans arrière-pensée d’intérêt, mais à charge de revanche. »

 

[…]

 

« C’est du reste, une chose à remarquer en Corse que le rôle insignifiant qu’y joue la femme ; si son mari tient à la garder pure, ce n’est ni par amour ni par respect pour elle, c’est par orgueil pour lui-même, c’est par vénération pour le nom qu’il lui a donné. »

 

[…]

 

« La femme compte pour peu de chose et on ne la consulte jamais pour prendre mari. »

[…]

 

L’esprit des Corses n’a rien de ce qu’on appelle l’esprit français ; il y a en eux un mélange de Montaigne et de Corneille, c’est de la finesse et d’héroïsme, ils sous disent quelquefois sur la politique et sur les relations humaines des choses antiques et frappée à un coin solennel ; jamais un Corse ne vous ennuiera du récit de ses affaires, ni de de sa récolte et de ses troupeaux ; son orgueil, qui est immense, l’empêche de vous entretenir de choses vulgaires. »

 

[…]

 

Ils arrivent finalement à Bastia le 16 octobre. Un bateau les attend le 18 octobre, qui accoste à Toulon le lendemain.

 

[…]

 

« Il ne nous restait plus qu’une journée, qu’une journée et tout était fini ! Adieu la Corse, ses belles forêts, sa route de Vico au bord de la mer ; adieu ses maquis, ses fougères, ses collines, car Bastia n’est pas la Corse ; c’en est la honte, disent-ils là-bas. Sa richesse, son commerce, ses mœurs continentales, tout la fait haïr du reste de l’île. Il n’y a que là, en effet, que l’on trouve des cafés, des bains, un hôtel, où il y ait des calèches, des gants jaunes et des bottes vernies, toutes les commodités des sociétés civilisées. Biastiacci, disent-ils, méchants habitants de Bastia, hommes vils qui ont quitté les mœurs de leurs ancêtres, pour prendre celles de l’Italie et de la France. Il est vrai que les petits commis des douanes, les surnuméraires des domaines, les officiers en garnison, toute la classe élastique désignée sous le nom de jeunes gens, n’a pas besoin, comme à Ajaccio, de faire de temps en temps de petites excursions à Livourne et à Marseille pour y bannir la mélancolie, comme on dit dans les chansons ; ces messieurs profitent ici de l’avilissement du caractère national. »

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commentaires

F
Article très agréable à lire.. très bon style. Merci pour le voyage en Corse.
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