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21 septembre 2019 6 21 /09 /septembre /2019 06:00

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Cher Bernard Farges,

 

Votre association Vin&Société nous conseille la modération, permettez-moi de vous dire qu’en ce qui concerne les débats de société qui, je vous le concède, tournent trop souvent au pugilat, votre proclamation est outrancière.

 

La bonne question est, pourquoi en sommes-nous arrivé là ?

 

Tout d’abord, ayant occupé des responsabilités politiques au 78 rue de Varenne je ne m’exonère pas de ma part de responsabilité dans les causes de ces controverses. Aux côtés de Ministres j’ai participé à la cogestion chère à la FNSEA de Raymond Lacombe et de Luc Guyau et au CNJA du peu courageux Christian Jacob. Ces sujets-là étaient tabous puisqu’ils étaient portés par les « zozos » de la Confédération Paysanne.

 

Le mythe de l’unité paysanne est tenace, mettre tous les agriculteurs dans le même sac est une facilité qui date d'un temps que les jeunes ne peuvent pas connaître, qui ne correspond plus à la réalité de le la diversité économique et sociologique de notre agriculture, à qui fera-t-on croire qu’un éleveur de broutards du Massif Central trouve son compte dans cette unanimité de façade ? Parliez-lui du traité CETA, à qui profite-t-il ?

 

Fils, petit-fils, de petits bordiers vendéens, et bien plus avant encore de laboureurs, j’ai bien connu et vécu l’antagonisme entre ceux qui, partis à la ville, aux chemins de fer ou à la Poste, et ceux qui restaient à la ferme. Mon aîné Alain, au retour de son service militaire en Algérie fut placé face à ce choix. Il resta. Il s’en tira, je n’ai aucune honte à le dire, grâce à l’aviculture intensive chère aux grands volaillers aujourd’hui disparus, Tilly et Bourgoin.

 

Ceux qui restaient étaient les péquenots, les pedzouilles, les pécores, ceux qui parlaient forts dans le métro pendant le Salon, les difficiles à marier, les qui finissaient parfois au bout d’une corde ou dans le fond du puits.

 

Je sais d’où je viens, d’en bas, et je ne l’oublie pas… je sais aussi là où je ne veux pas aller, dans le camp des arrogants et des stigmatiseurs.

 

Ce débat, je l’ai eu souvent dans mon bureau ovale du 78 rue de Varenne avec Luc Guyau, nous avons usé nos fonds de culotte sur les mêmes bancs de l’école d’agriculture de la Mothe-Achard.

 

À  force de résister aux attentes de la société, de tergiverser, d’être sourd, il ne faut pas s’étonner que, lorsque la digue cède, les radicaux sont à la barre. L’opinion publique c’est pour les politiques la somme de ses électeurs et pour vous gens du vin, des clients. La bienveillance des pouvoirs publics à votre égard perdure mais s’étiole sous la pression des consommateurs urbains.

 

En effet, peu de secteurs économiques ont des liens aussi forts et réguliers avec leur ministère de tutelle, on a coutume de dire que le 78 rue de Varenne n’est pas le Ministère de l’Agriculture mais celui des agriculteurs. Vous siégez dans de nombreux organismes de cogestion : INAO, FranceAgrimer… Le Ministre monte au créneau sans relâche pour contrer vos ennemis héréditaires du Ministère de la Santé. Le mouvement mutualiste est vivace, les coopératives pèsent lourds, le Crédit Agricole, même privatisé, reste « piloté » par des agriculteurs.

 

Les urbains se précipitent au Salon de l’Agriculture de la Porte de Versailles, les agriculteurs bénéficient encore d’une opinion très positive dans l’opinion publique et d’une empathie réelle face à l’importance des suicides de certains agriculteurs.

 

Alors, ce sont les minorités actives qui, dans la bulle des réseaux sociaux, vous mènent la vie dure, vous montre du doigt. Il n’y a pas ou plus de débat mais des échanges sans nuances. Chacun campe dans son camp, s’abrite derrière soit la « Science », soit des craintes et des peurs.

 

Vous réclamez, à juste raison le respect, mais que n’ai-je entendu de mon temps actif de la part de beaucoup de dirigeants agricoles sur les sujets environnementaux, c’était le temps du mépris et du déni, avec une touche d’arrogance, pourquoi le nier.

 

Comme le proclamait ce cher Douglas MacArthur « Les batailles perdues se résument en deux mots : trop tard. »

 

Oui, Bernard Farges, vous et vos collègues dirigeants des OPA avez perdus la bataille de l’opinion publique, et même si je ne suis plus qu’un retraité sans responsabilités, je le regrette sincèrement.

 

Ma culture politique, qui me vaut les lazzis de la part de vos collègues, celle inspirée par Michel Rocard, le dialogue et le compromis qui ont permis sous ses auspices de faire voter à l’unanimité une loi sur l’enseignement agricole privé et à élaborer le compromis de Dublin qui a permis le rebond de la viticulture languedocienne.

 

Lorsque, suite à mon rapport en 2001, où je préconisais, afin de relever les défis de la mondialisation, comme toute première priorité pour la vigne France : le respect de l’environnement, non pour des raisons idéologiques mais pour renforcer notre compétitivité, vos pairs m’ont ostracisés, Jacques Gravegeal en tête accompagné par des influents bordelais, contraignant ce cher Hervé Gaymard à me remiser au placard.

 

Je n’en garde aucune amertume, c’est la vie, j’ai rebondi. Bruno Le Maire m’a confié une mission de médiation entre les géants du lait et des producteurs du Sud-Ouest abandonnés par leur collecteur espagnol Leche Pascual  Au passage, j’ai découvert qu’il y avait aussi des vaches en Gironde jusque dans le Bec d’Ambès.

 

Tout ça pour dire, Bernard Farges, que dans la bataille de chiffonniers sur les pesticides, les ZNT où les bios et les autres sont fourrés dans le même sac, la seule voie de sortie est la médiation et non les horions venant des deux bords.

 

Je ne suis pas candidat.

 

C’est simplement ma contribution citoyenne pour sortir de ce non-débat, de cette acrimonie se déversant à plein tonneaux sur ces foutus réseaux sociaux.

 

Que chacun mette un peu ou beaucoup d’eau dans son vin…

 

Sans doute suis-je d’une autre époque où, sans l’idéaliser, dans mon bled du bocage crotté de la Mothe-Achard, le vivre ensemble des gens du bourg et de ceux des métairies était une réalité qui se vivait chaque semaine le vendredi au travers des fameuses foires de Mothe où, sur le foirail et dans les cafés, les gens discutaient.

 

La ferme du Bourg-Pailler était sise à l’entrée du bourg et mon père, à côté de l’exploitation du pépé, était entrepreneur de battage, il se faisait payer en équivalent sacs de blé, ça m’a inculqué une éthique de vie. « Quand la récolte était bonne, on partageait la prospérité, quand elle était mauvaise la misère ».

 

De grâce revenons à l’essentiel, sortez, sortons de notre entre soi, du chacun pour soi, des positions défensives, agressives, pour ravauder le vivre ensemble qui s’effiloche, pour que le voisin, au masculin et au féminin, perçu comme un gêneur redevienne tout simplement quelqu’un travaillant et vivant sur le même territoire.

 

Pour finir sur une note pince-sans-rire, en parodiant l’un de nos slogans de soixante-huitard, « Nous sommes tous des Juifs allemands », pour soutenir Dany le Rouge expulsé vers la RFA, je proclame « Nous sommes tous des salauds d’agriculteurs… »

 

Balayons tous devant notre porte, asseyons-nous autour d’une table, partageons le pain et le sel avec un bon verre de vin, parlons-nous, écoutons nous et comme le proclame le frontispice de mon blog « un peu de douceur, de convivialité, de plaisir partagé, dans ce monde de brutes ... »

 

Bien à vous Bernard Farges.

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commentaires

P
Et oui, l'échange,le dialogue, l'écoute, la vraie, pas celle que je feins alors que je suis déjà entrain de préparer Ma réponse. tout est là.<br /> "Le premier être humain à jeter une insulte, plutôt qu'une pierre est le fondateur de la civilisation"<br /> Sigmund Freud
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